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Le Hezbollah est-il une organisation terroriste ?
L'évolution de 1982 à nos jours d¹un mouvement islamo-nationaliste


       Les pressions américaines et israéliennes réitérées pour que l¹Union européenne inscrive le Hezbollah sur sa liste des organisations terroristes se sont jusqu¹à présent soldées par un échec. Bien que le Parlement européen se soit prononcé le 10 mars 2005 en faveur de mesures destinées à mettre fin aux activités présumées terroristes du Hezbollah, le nom de ce mouvement libanais ne figure pas (encore) sur la liste officielle des «{groupes et entités auxquels s¹appliquent des mesures restrictives dans le cadre de la lutte contre le terrorisme}» [[Conseil de l¹Union européenne, {Lutte contre le terrorisme}, Bruxelles, 16/3/05, 6199/05 (Presse 27)]], que le Conseil de l¹Union européenne a pourtant actualisé quelques jours plus tard.

       Cette volonté d¹inscrire le Hezbollah sur une telle liste est-elle justifiée ? Les accusations d¹activités terroristes à l¹encontre du parti chiite libanais sont-elles fondées ? Tentative de réponse en reprenant le livre que Walid Charara et Frédéric Domont consacrent au parti de Dieu. [[W. Charara et Fr. Domont, {Le Hezbollah, un mouvement islamo-nationaliste}, Fayard, Paris, 2004, 306 p.]]

Les clivages communautaires et la guerre civile

Depuis sa période de formation entre 1982 et 1985 - phase qui coïncidait avec une exacerbation des tensions intercommunautaires au Liban due à l¹invasion israélienne -, le Hezbollah s¹est toujours pacifiquement opposé au confessionnalisme politique libanais, réservant la lutte armée à la résistance contre les forces d¹occupation israéliennes. De plus, même s¹ils critiquaient les accords de Taëf auxquels ils reprochaient justement d¹avoir contribué à «{une institutionnalisation du communautarisme}» (p. 132), lorsque ceux-ci ont scellé, par leur mise en oeuvre en 1990, la fin d¹une guerre civile longue de quinze années, les dirigeants du Hezbollah les ont finalement acceptés - preuve de ce qu¹ils étaient déjà convaincus à l¹époque de la nécessité «{de restaurer la paix civile dans ce pays et d¹oeuvrer au changement par l¹action politique pacifique}» (p. 121).

C¹est en grande partie parce que l¹accession au pouvoir de la famille Gemayel, qui assurait la domination des Chrétiens sur les autres communautés du pays des cèdres, était «{une conséquence directe de l¹invasion israélienne}» (p. 121) que le Hezbollah s¹est lancé dans un combat armé, lorsqu¹Amine Gemayel a succédé à la tête de l¹État à son frère Bachir, assassiné le 14 septembre 1982. De même, c¹est surtout l¹«{inféodation}» du gouvernement Gemayel «{à Israël et aux États-Unis}» (p. 121) qui a motivé la participation ouverte des membres du parti de Dieu, jusque-là confinés dans la clandestinité, à l¹insurrection du 6 février 1984 menée avec succès contre l¹armée libanaise fidèle au régime. Sur la scène intérieure libanaise, où le Hezbollah adoptait généralement une position défensive, son attitude vis-à-vis des différents protagonistes de la guerre civile a toujours «{dépendu principalement de leur positionnement par rapport à l¹occupant}» (p. 120). Et de fait, à l¹exception du conflit inter-chiite très sanglant qui l¹a opposé, sur la question de ses actions militaires dirigées contre Israël, entre 1988 et 1990, au mouvement Amal, le Hezbollah est toujours resté avantageusement à l¹écart des guerres fratricides et sauvages (guerre des camps et massacres de Sabra et Chatila compris) qui ont éclaté à Beyrouth entre 1982 et 1988. Ce qui lui a permis d¹engranger au passage un surcroît de popularité auprès de la population locale et quelques affiliations supplémentaires «{parmi les éléments les plus religieux du mouvement Amal}» (p. 123). Aujourd¹hui, les clivages communautaires qui déchirent la société libanaise n¹ont pas disparu : le conservateur chrétien Amine Gemayel et le chef druze de «gauche» Walid Joumblatt - «{figures naguère férocement antagonistes», aujourd¹hui réunies dans l¹opposition - conviennent tous les deux «que le pays du Cèdre devrait rapidement se débarrasser d¹un système politique basé sur l¹affiliation confessionnelle somme toute peu démocratique}». ({Le Soir}, 29/4/05, p. 10)

Les difficultés socio-économiques

Nettement plus élevé que celui de l¹«opération Litani» menée quatre ans plus tôt au Sud-Liban, le bilan humain de l¹opération «Paix en Galilée» - l¹invasion israélienne du Liban en 1982 qui a accéléré et conduit à son terme le processus de formation du Hezbollah - s¹est officiellement soldé par quelque «{19 085 morts, 31 915 blessés, 2 206 handicapés physiques, et le déplacement d¹environ 500 000 personnes}» (p. 46). Selon une source non officielle, la facture financière de cette guerre s¹élevait à près de deux milliards de dollars, répartis dans l¹ensemble des secteurs clés de l¹économie libanaise. Plus de douze mille logements ont été en tout ou en partie détruits et un salarié sur trois a été licencié. Ces deux chiffres mesurent l¹ampleur des dégâts qui ont encore détérioré une situation socio-économique qui n¹était déjà guère brillante.

L¹occupation militaire israélienne qui s¹ensuivit avait pour but initial la réduction économique du Sud-Liban à un marché à sens unique destiné à l¹écoulement des produits israéliens : c¹était «{un véritable projet de satellisation stratégique et économique du Liban, à tout le moins dans sa partie sud}» (p. 56). Quant aux accords de Taëf, ils n¹ont d¹aucune manière amélioré les conditions d¹existence de la majorité des Libanais, surtout pas dans le Sud, terre d¹élection du Hezbollah et région la plus meurtrie par l¹occupation souffrant d¹un chômage endémique. Entrés en application à la fin de la guerre civile en 1990, ces accords ne prévoyaient effectivement pas «{de réelles réformes politiques, économiques et sociales au Liban}» (p. 132).

Illustration de la fin des «{illusions du nationalisme arabe}», de l¹émergence d¹une classe de «{princes marchands}», de l¹emprise croissante du néo-libéralisme et de l¹espoir que suscitent encore, au début des années 1990, les négociations israélo-arabes, la nomination en novembre 1992 du milliardaire Rafic Hariri au poste de Premier ministre d¹«{un pays exsangue}» constitue aussi «{un défi de taille pour le Hezbollah}» (p. 135). De fait, les orientations politiques et économiques d¹Hariri sont incompatibles avec «{la défense des déshérités et de leurs intérêts}» (p. 135). Ses «{projets pharaoniques}» (p. 137) à Beyrouth et ses erreurs stratégiques en matière d¹investissements étrangers - sans parler de la «{confusion des intérêts publics et privés}» (p. 140) ni des problèmes de corruption - alourdiront considérablement la dette publique du Liban, la faisant passer «{de 2 milliards de dollars en 1992 (...) à 38 milliards en 2004}» (p. 137) - soit «{trois fois son produit intérieur brut}» ({Le Soir}, 30/3/05, p. 8). En outre, l¹«{inexistence}», dans un pays sortant d¹une guerre civile de quinze ans et d¹une occupation étrangère encore plus longue, «{d¹une véritable politique sociale}» (p. 138) prolétarisera quant à elle de larges couches de la population. Dans son rapport, publié en 1996, sur la pauvreté au Liban, les Nations unies estiment effectivement «{qu¹environ un million de Libanais, soit 28% de la population vivent au-dessous du seuil de la pauvreté}» (p. 139) - dont un quart dans une situation d¹extrême pauvreté.

L¹absence de politique sociale est compensée par les divers projets sociaux que le Hezbollah développe depuis sa fondation, grâce à des dons et une aide officielle de l¹Iran, tant en matière de santé, d¹éducation et d¹information (on pense naturellement à sa chaîne satellitaire Al-Manar) qu¹en matière d¹action sociale, comme «{la prise en charge des familles des ³martyrs² et la réinsertion des combattants blessés}» (p. 161). Ces activités sociales visent non seulement à aider la population civile à supporter le coût humain et matériel de l¹occupation et des attaques israéliennes mais aussi à «{élargir la base sociale de la Résistance islamique}» (p. 161), la branche armée du parti de Dieu. A Nabatiyé, grande ville du Sud-Liban, le directeur d¹un établissement hospitalier relevant de l¹antenne médicale du Hezbollah explique : «{Nous avons ouvert cet hôpital en 1994 pour répondre aux besoins sanitaires de la population alors que l¹État était complètement absent}» [[Émilie Sueur, «{La face cachée du Hezbollah}», dans «{La Libre Belgique}», Ma 24/8/04, pp. 28-29.]].

Organisation terroriste ou parti politique intégré ?

Impossible d¹examiner la caractérisation du parti de Dieu comme terroriste sans évoquer la célèbre prise d¹otages français parce que «{c¹est probablement à l¹occasion de ces enlèvements qu¹une large majorité de l¹opinion publique française [et occidentale] découvre l¹existence du Hezbollah.}» (p. 125) L¹inscription de ce mouvement chiite sur la liste américaine des organisations terroristes est pourtant toute récente. Ce n¹est qu¹en 2001, quelques mois après les attentats du 11 Septembre que les États-Unis, cédant aux pressions répétées du gouvernement Sharon, après avoir longtemps hésité, inscriront le nom du parti de Dieu sur leur liste. Or, la prise d¹otages français remonte au printemps 1985. C¹est la raison pour laquelle - quel qu¹ait été le degré d¹implication de membres du Hezbollah, de transfuges du mouvement Amal et, partant, de Téhéran dans ces enlèvements : les avis sont partagés à ce sujet -, Alain Chouet [[Ancien chef du renseignement de sécurité à la Direction Générale de la Sécurité Extérieure et ancien chef de poste des services extérieurs français à Beyrouth pendant la guerre civile.]], bien qu¹il soit convaincu que le parti de Dieu y ait joué un rôle central, souligne dans un entretien qu¹il a accordé aux auteurs que «{l¹affaire des otages, ³si douloureuse soit-elle, est à traiter au passé²}» parce que - et c¹est essentiel -, «{pour lui, ³l¹Iran et le Hezbollah d¹aujourd¹hui ne sont pas ceux des années 80.²}» (p. 130)

En raison de leur double formation militaire et religieuse, les combattants de la Résistance islamique - le bras armé du Hezbollah - accordent dans leurs croyances une place centrale à la figure des martyrs auxquels ils s¹identifient dans leurs attentats-suicides. Même si cette prédisposition au sacrifice vaut au parti de Dieu d¹être répertorié comme organisation terroriste, sans que l¹on tienne compte de la tentative de «{légitimation politique de cet acte [qui] se réfère au rapport de forces extrêmement déséquilibré entre la résistance et l¹occupant}» (p. 116), cette tendance «{n¹entraîne pas un recours systématique aux opérations kamikazes}» (p. 156). Dotés d¹effectifs qu¹Israël estime à quelque quatre cents guérilleros professionnels et que les dirigeants du Hezbollah évaluent à plusieurs milliers de combattants mobilisables en quelques heures, les militants du parti de Dieu accordent effectivement la priorité aux actions de guérilla classique.

Comme tout mouvement politique prônant un changement radical de la société, le Hezbollah a très vite été confronté à la question cruciale de son intégration dans le système politique libanais. Fruits de ces débats internes, le parti de Dieu a enregistré un certain nombre de défections dont quelques dirigeants historiques, sans doute parmi les plus radicaux. Constatant aussi bien pour des raisons internes (clivages confessionnels) qu¹externes (abandon «{de la stratégie d¹exportation de la révolution}» (p. 133) khoméniste après la guerre Iran-Irak) l¹impossibilité d¹imposer un État islamique au Liban, le Hezbollah n¹a toutefois pas renoncé à toute forme de «{participation institutionnelle}» (p. 145). Preuve de son pragmatisme politique croissant, le parti de Dieu est, par exemple, un des rares partis libanais à avoir proposé un programme politique digne de ce nom aux élections législatives de 1992. Diamétralement opposé au «{capitalisme sauvage incarné par le néo-libéralisme}» de Rafic Hariri et n¹hésitant pas à réclamer «{un plus grand rôle de l¹État dans la protection des classes défavorisées}», le programme du Hezbollah s¹articule, comme ceux d¹autres organisations laïques et de gauche, autour d¹«{une réforme du système politique afin qu¹il devienne plus juste et plus représentatif, ce qui passe par l¹abolition du communautarisme}» libanais. (p. 142)

La double résistance aux visées sionistes sur le Liban

En donnant un coup d¹accélérateur décisif au processus de formation du Hezbollah, la guerrière opération ³Paix en Galilée², déclenchée en dépit des recommandations de la résolution 425 du Conseil de sécurité des Nations unies dans le but initial de «{chasser les combattants palestiniens du Sud du pays}» (p. 55), a favorisé l¹éruption d¹un mouvement de résistance armée à la vocation diamétralement opposée, visant à chasser les soldats israéliens et leur milice supplétive du Liban. Bien qu¹il entérinait, au lendemain de cette vaste invasion violemment orchestrée par le ministre de la Défense Ariel Sharon, «{le départ des troupes de l¹OLP de la capitale}», «{l¹arrivée au pouvoir du parti phalangiste dirigé par Bachir Gemayel}» (p. 47) et l¹occupation d¹une grande partie du territoire libanais, l¹accord de paix israélo-libanais du 17 mai 1983 n¹a pas recueilli «{l¹adhésion d¹un pan significatif de l¹opinion publique israélienne qui réclam[ait], après la guerre et les massacres de Sabra et Chatila, un retrait de Tsahal du Liban}» (p. 60). L¹écho de la société civile israélienne ne se concrétisera sur le terrain que par un timide redéploiement de l¹armée israélienne «{de manière à renforcer son emprise sur le pays, en particulier sur le Sud}» (p. 56) - pour un premier retrait significatif du Sud-Liban, il faudra attendre 1985. Comme il s¹agit d¹un fait majeur, on saura gré aux auteurs d¹avoir attiré l¹attention sur l¹émergence d¹une opposition interne à Israël à la présence de {Tsahal} au Liban, dès le début de l¹occupation.

Face au délabrement de sa milice supplétive au Sud-Liban qui ployait toujours davantage sous le feu nourri de la résistance armée, Israël sera contraint de revenir sur le territoire du pays des cèdres. Dans le but de «{retourner les populations civiles et l¹État libanais contre la Résistance islamique}» (p. 149) - c¹est-à-dire contre la branche armée du Hezbollah qui a progressivement supplanté tous les autres groupes de résistance dans la lutte contre l¹occupant -, {Tsahal} lancera deux nouvelles attaques de grande envergure contre les «{infrastructures économiques, urbaines et routières}» du pays, tout «{en recourant fréquemment à des armes dites ³intelligentes²}» (p. 149). Soldées par un échec au niveau militaire, les opérations ³Règlements de comptes² (1993) et ³Raisins de la colère² (1996) provoqueront les effets opposés à ceux escomptés, à savoir un regain de popularité de la Résistance islamique auprès de la population, ainsi que l¹ébauche d¹«{une coopération discrète mais efficace (...) entre l¹armée libanaise et le Hezbollah sur les plans militaire et policier}» (p. 149).

De plus en plus empêtrés dans un conflit asymétrique et prolongé, les dirigeants israéliens commencent alors sérieusement à envisager le retrait définitif de leurs troupes du Liban. Même si ce retrait - objet d¹«{une promesse électorale faite en mai 1999 par [le Premier ministre] Ehud Barak}» (p. 202) - est réalisé le 24 mai 2000, le Hezbollah maintient toujours sa pression militaire sur l¹État hébreu entre autres parce qu¹il considère qu¹Israël occupe toujours «{une partie du territoire libanais : la zone des hameaux de Chebaa}» (p. 239). Selon les différentes lectures de la résolution 425, cette portion de territoire reviendrait en fait soit au Liban, soit à la Syrie, mais en aucun cas à Israël. Qualifié de ³débâcle² dans la presse israélienne, le retrait de {Tsahal} du Sud-Liban n¹est pas seulement la conséquence des attaques de la résistance armée libanaise - Hezbollah en tête, il est aussi - et peut-être même surtout - le fruit d¹une évolution «{dans une société où le rapport à la guerre a profondément changé en l¹espace de vingt ans}» (p. 198), comme l¹a très vite souligné Alain Dieckhoff dans {Le Monde}, ainsi que «{le révélateur de logiques travaillant en profondeur la société israélienne, dont une logique individualiste qui prend nettement le pas sur celle, collective, qui prédominait au départ de l¹entreprise de construction nationale au début des années cinquante}» (pp. 198-199). [[Cette grille d¹analyse s¹applique aussi au récent retrait des troupes syriennes du territoire libanais.]]

Évolution des contextes international et régional

Le Hezbollah s¹est développé dans une région du monde qui, en raison de ses énormes richesses énergétiques mais aussi de ses frontières communes avec l¹ancienne URSS, revêt une importance stratégique cruciale aux yeux des grandes puissances à vocation impériale. Pour s¹assurer le contrôle des flux énergétiques et de nouvelles zones d¹influence, ces puissances impérialistes - aux premiers rangs desquelles on compte non seulement la France (en raison de ses liens historiques et de sa mainmise économique et financière sur le Liban) et la Russie, mais aussi et surtout les États-Unis avec leur fameux plan de remodelage du Moyen Orient, sans oublier «{la symbiose israélo-américaine}» qui, après les attentats du 11 Septembre, «{a atteint un niveau difficilement imaginable auparavant}» (p. 253) - sont effectivement prêtes à s¹affronter, voire à en découdre directement ou par pays interposé. Au terme d¹un bras de fer mémorable qui avait déjà opposé les diplomaties française et américaine «{sur les modalités de la lutte antiterroriste}» (p. 184), l¹«{accord d¹avril}» 1996 a repris «{à 80% les idées énoncées par la France}» (p. 192) dont les investissements étaient en forte augmentation. Bien que Washington ait souhaité au cours de cette joute diplomatique «{interdire au Hezbollah toutes activités, y compris dans la zone occupée au Sud-Liban}» (p. 190), l¹accord d¹avril, «{en reconnaissant le droit du Hezbollah à combattre l¹occupation israélienne}», lui a offert «{une légitimation internationale à son action de résistance}» (p. 194).

Les clivages qui évoluent en permanence entre les grandes puissances en influencent bien entendu d¹autres - et c¹est réciproque - qui, à l¹échelle régionale, connaissent également une évolution permanente. Aussi, le célèbre «{marchandage syro-américain}» (p. 132) qui a instantanément mis fin au conflit interlibanais (participation de Damas à la coalition internationale de la première guerre du Golfe contre autorisation pour la Syrie de chasser les troupes chrétiennes du général Michel Aoun [[Après environ quinze années d¹exil passées en France, Michel Aoun vient de rentrer au Liban en vue des prochaines élections législatives.]] de Beyrouth) illustre-t-il parfaitement «{à quel point l¹inscription dans la durée de la guerre civile libanaise avait été le résultat d¹interventions étrangères}» (p. 132). Mais les temps ont bien changé : aujourd¹hui, Washington accuse régulièrement la Syrie d¹abriter des terroristes. Fin observateur des luttes qui se livrent au Moyen Orient, le responsable des relations internationales du Hezbollah synthétise parfaitement l¹autre facette de ce jeu d¹influences. Il en a même tiré une équation infaillible : «{chaque fois que les Israéliens sont capables de remporter une victoire militaire, l¹unilatéralisme américain gagne du terrain. Par contre, à chaque fois qu¹un pays arabe est capable de faire contre-poids aux Israéliens, le rôle de la France au Moyen Orient gagne en ampleur.}» (p. 193)
   
   A mille lieues de la description d¹une organisation terroriste, Walid Charara et Frédéric Domont nous dépeignent par le menu le processus de formation et l¹évolution ultérieure d¹un mouvement politico-militaire né en 1982 de la fédération de différents groupes se réclamant d¹un islam révolutionnaire khoméniste, dans le but de chasser l¹occupant israélien du Liban. Une fois sorti de la clandestinité et débarrassé de ses éléments les plus radicaux, ce mouvement islamo-nationaliste s¹est progressivement positionné sur l¹échiquier politique, où il occupe désormais une place toujours plus importante, comme une formation que l¹on pourrait qualifier, à l¹aune des critères occidentaux, de réformiste religieux de gauche très préoccupée par le sort des nombreux pauvres du Liban.

La transformation de ce mouvement politico-militaire, auteur, comme bon nombre d¹organisations de résistance, de quelques prises d¹otages et attentats-suicides, en mouvement islamo-nationaliste semble avoir eu lieu entre 1988 et 1990, à la faveur de la fin de la guerre Iran-Irak et des espoirs que faisaient naître à l¹époque les prémices du processus de paix au Moyen Orient. L¹acceptation des accords de Taëf par le Hezbollah scelle de fait l¹existence d¹un parti beaucoup moins radical. Poursuivant sa mutation, le Hezbollah proposera par la suite un programme politique aux élections de 1992 et obtiendra même une double reconnaissance, intérieure et extérieure, de sa résistance armée contre l¹occupation israélienne. Mais parallèlement à ce processus de ³déradicalisation² politique, le parcours du Hezbollah est également jalonné d¹objectifs permanents, comme la lutte armée contre l¹État hébreu et le souci des déshérités.

Faut-il donc, en dernière analyse, inscrire sur la liste européenne des organisations terroristes, un mouvement islamo-nationaliste de tendance réformiste de gauche au moment où, franchissant une nouvelle étape de son processus de transformation en parti politique respectueux du jeu parlementaire, il vient d¹accorder sa confiance, pour la première fois depuis que ses représentants sont entrés au Parlement libanais en 1996, à une équipe ministérielle : celle du nouveau Premier ministre Nagib Miqati ({Le Soir}, 28/4/05, p. 8) ?

Patrick Gillard
Bruxelles, le 9 mai 2005

 

Source : Patrick Gillard


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