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Ynet, 25 juillet 2005
Ce que nous, Palestiniens et Israéliens,
avons en commun
par Ray Hanania (1)
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Il est trop facile de parler de ce que les Palestiniens détestent chez
les Israéliens et réciproquement. Mon idée est donc d'essayer de mettre
le doigt sur ce qui pourrait nous rapprocher. Ce que nous avons en commun,
par exemple.
Cette idée m'est venue à l'occasion d'une conférence à San Francisco,
où j'étais invité pour présenter mon spectacle comique devant 1.350
militants pour la paix.
Il est indéniable que l'humour est quelque chose que Palestiniens et
Juifs ont en commun.
La conférence se tenait sous les auspices de Tikkun et de son fondateur,
le célèbre rabbin Michael Lerner, auteur du livre "Soigner Israël,
soigner la Palestine".
Après le spectacle, de nombreux spectateurs sont venus me trouver pour me
dire qu'ils en avaient assez d'entendre parler de tout ce qui sépare nos
deux peuples. Ils veulent entendre parler de ce qui les rapproche. Et nous
partageons tant de choses que nous pouvons nous partager la Terre Sainte,
c'est certain.
Voilà une série de choses que nous avons en commun.
La nourriture
Nous mangeons beaucoup. Une étude récente a montré que 39% des Israéliens
sont obèses. Dans le monde arabe, cela se mesure en comptant le nombre
d'Arabes qui sont minces.
J'ai une théorie là-dessus. Plus on est conservateur, palestinien ou
juif, et plus on désire que sa femme et ses enfants soient gros. Plus on
est à gauche, plus on est influencé par l'image occidentale de
l'anorexie.
Ainsi, nos mères nous ont forcés à manger comme on gave les oies,
produisant ainsi une version humaine du foie gras.
Nous mangeons les mêmes choses, que nous considérons comme nous
appartenant sans partage. Ainsi, comme pour la controverse sur le Mur ou
la Clôture, que les gens au Moyen-Orient appellent tout simplement la
Barrière, je parlerai des plats arabes et juifs comme du Plateau du Parti
Shinoui (2), qui propose à chacun quelque chose.
Nous apportons de la nourriture dans les avions. Que nous mangeons pendant
le vol, ni avant, ni après. Rien à voir avec le fait qu'elle soit
casher, halal ou non avariée. Nous voulons qu'elle soit bonne. La
nourriture des compagnies aériennes, c'est du carton avec du sel dessus.
Le problème, c'est que la nourriture moyen-orientale sent fort. Je me
souviens, quand ma mère ouvrait un plat de feuilles de vigne enveloppé
de cellophane, tout le monde sautait sur son siège, le regard apeuré,
exactement comme les passagers d'un vol réagissent quand ils me voient
entrer dans un avion avec un keffieh sur la tête. La sécurité me
demande alors souvent : "portez-vous une arme de destruction massive
?", à quoi je réponds : "je suis une arme de destruction
massive ambulante, je viens de me taper tout un bol de taboulé".
Mères sur-protectrices
Nous sommes émotionnels. Très émotionnels. Nous nous aimons et nous
nous détestons, tout cela ensemble au même moment. En général, nous
aurons tendance à dire un mot gentil à un étranger bien plus qu'à
quelqu'un de notre famille.
Nous avons des mères sur-protectrices, dont la tendresse envahissante
fait de nous, soit des médecins, soit des psychotiques. Chez les
Palestiniens comme chez les Juifs, la ligne qui sépare le génie de la
folie est très ténue.
Nous nous ressemblons beaucoup : même couleur de peau, mêmes accents. Et
nous sommes mal élevés. C'est pourquoi nous avons besoin d'un mur entre
nous. En fait, dans les aéroports européens, on prend souvent les
Palestiniens et les Israéliens pour des Pakistanais.
Nous adorons donner des conseils, mais détestons en recevoir.
Les responsables de nos problèmes sont toujours les autres, jamais nous.
Nous avons un répertoire d'expressions intelligentes et blessantes les
uns sur les autres. Une des expressions favorites des Juifs, c'est :
"les Palestiniens ne ratent jamais une occasion de rater une
occasion". Une des expressions favorites des Palestiniens, c'est :
" les Juifs ne ratent jamais une occasion de forcer les Palestiniens
à rater une occasion".
Enfin, nous adorons les paraboles, comme celle du lac, de la grenouille et
du scorpion.
Le scorpion demande à la grenouille de l'aider à traverser le lac (qui
symbolise la paix). La grenouille accepte, mais se méfie : "je
suppose que tu ne vas pas me piquer, sinon nous nous noierions tous les
deux". A mi-chemin, le scorpion pique la grenouille, et avant qu'ils
ne meurent tous les deux, la grenouille, choquée, demande pourquoi. Le
scorpion, sans beaucoup d'imagination, répond : "c'est le
Moyen-Orient".
Le problème, c'est que, dans cette histoire, Palestiniens comme Israéliens
pensent qu'ils sont la grenouille.
(1) Ray Hanania est un Américain d'origine palestinienne (sa famille est
originaire de Jérusalem et de Bethléem). Humoriste et satiriste, il présente
son spectacle "Si on peut rire ensemble, on peut vivre
ensemble", soit seul, soit avec Aaron Freeman, un Juif noir américain.
Son site internet est à
http://www.hanania.com
(2) le parti israélien "Shinoui" de Tommy Lapid est un parti
israélien laïque "centriste", souvent qualifié de populiste.
La lutte contre les religieux est à peu près son seul programme, avec
une conception très libérale de l'économie (et un certain racisme
anti-oriental chez son "leader
charismatique"). Comme l'a assez bien vu Ray Hanania, il a su attirer
des électeurs de tous les horizons (en particulier de gauche, qui plus
tard se sont sentis floués), en maintenant le flou sur ses positions.
Source
: La Paix Maintenant
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