Interview
de Scott Leckie,
directeur exécutif du COHRE
Par Palestine Report
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Si la solution à deux états doit être une solution viable, les
deux parties doivent posséder un territoire satisfaisant, ils ont
besoin d’avoir l’intégrité territoriale, un territoire contigu
économiquement viable, où les droits humains et le Droit
s’appliquent.
Jusqu’à ce que la question de la restitution des biens des réfugiés
palestiniens soit prise en compte, il n’y a aucune raison de mener
des conversations à long terme pour arriver à un accord permanent.
Il y a d’abord des mesures préalable à prendre.
"Palestine Report on line" a interviewé Scott Leckie,
directeur exécutif du COHRE, le Centre pour le Droit au Logement
basé à Genève, à propos des conclusions apportées par les
associations des droits de l’homme, après leur récente étude
intitulée "La Palestine souveraine : Une histoire des saisies
judéo/israéliennes – juridiquement autorisée- des terres et des
habitations en Palestine", qui affirme que la solution de deux
états n’est plus réalisable.
PR : Il y a déjà eu plusieurs études sur les exigences
palestiniennes concernant les droits à leur territoire de Palestine
et leur droit au retour. Qu’est-ce qui rend cette nouvelle étude
particulière ?
Leckie : Une des choses les plus importantes de cette étude,
c’est que pour la première fois toutes les lois inhérentes,
celles d'avant Israel et celles d’après 1948, ont été
globalement étudiées dans des conditions soigneusement calculées
et décidées pour servir, in fine, l’intérêt des Israéliens.
Souvent les gens se fixent sur les lois de la personne, comme la Loi
sur les Biens des Absents, mais ne voient pas celles qui font partie
d’un tout plus important, et je pense que cette analyse systématique
de tout le système juridique israélien - en ce qu’il établit un
rapport entre le logement, la terre et le droit à la propriété
des Palestiniens - montre très clairement qu’il y a eu volonté délibérée
de déposséder les Palestiniens de leurs terres au cours des six décennies
passées.
Ce fut une volonté systématique, un résultat parfaitement voulu,
quelque chose qui en dernier ressort rend la proposition d’une
solution à deux états impossible, physiquement et pratiquement.
Ce lien entre la dépossession des biens des réfugiés, de leur
terre, et la question du statut permanent des conversations de paix,
est l’un de ceux qui est rarement abordé.
Nous devons regarder franchement le lien direct existant entre la
confiscation de terres au cours des soixante dernières années et
l’éventuel résultat de tout d’accord.
Si la solution à deux états doit être une solution viable, les
deux parties doivent posséder un territoire satisfaisant, ils ont
besoin d’avoir l’intégrité territoriale, un territoire contigu
économiquement viable, où les droits humains et le Droit
s’appliquent.
Jusqu’à ce que la question de la restitution des biens des réfugiés
palestiniens soit prise en compte, il n’y a aucune raison de mener
des conversations à long terme pour arriver à un accord permanent.
Il y a d’abord des mesures préalable à prendre.
On ne peut pas avoir de véritables conversations pour une paix définitive
si cette question, qu’ont systématiquement ignorée les
gouvernements israéliens successifs, n’est pas traitée comme
elle doit l’être.
Les réfugiés du monde entier, d’Afghanistan à la Bosnie-Herzégovine
en passant par le Mozambique et le Timor-Est, ainsi que toute une série
de pays au cours de ces deux dernières décennies, ont tous pu bénéficier
du droit au retour et du droit à retrouver les biens qu’ils
avaient perdus à cause des conflits.
Il n’y a aucune raison, particulièrement dans le domaine des
droits de l’homme et dans le domaine du Droit, pour que ces droits
puissent être conférés aux réfugiés partout, à l’exception
des réfugiés palestiniens.
PR : Dans les termes du discours israélien, la solution des deux
états n’implique aucune restitution de leurs biens aux réfugiées
ni ne confère aucun droit au réfugiées palestiniens.
En fait, au-delà même des opinions politique, la question de ne se
pose pas.
Pourquoi est-ce si important d’avoir une solution viable à deux
états ?
Leckie : le COHRE a énormément travaillé sur cette
question dans plus d’une dizaine de pays dans le monde et nous
avons découvert très clairement que sur un plan purement
politique, et mis à part les droits légitimes, à moins que vous
ne trouviez un accord sans ambiguïté, transparent et juste sur la
question des restitutions, il n’y a pas de possibilité pour une
paix viable à long terme.
C’est pourquoi les Israéliens, en fin de compte, vont devoir
s’occuper de ce problème.
La triste ironie des choses, c’est que de tous les peuples du
monde qui ont justement bénéficié des procédures de restitution,
aucun n’en a plus bénéficié que le peuple juif en tant que
victime de l’Holocauste et des discriminations de l’Europe de
l’Est, après l’Holocauste et pour ce qui concerne les
confiscations des biens.
Israël connaît bien le concept de restitution. Certaines des
associations les plus puissantes du monde sont israéliennes, et
elles savent à quel point les restitutions sont importantes pour
les réconciliations.
Plus de 20.000 m2 de terre ont été confisquées. Nous avons plus
de 100.000 maisons palestiniennes occupées par des familles juives
avec le plus entier soutien de l’état israélien.
Il y a cinq ou six millions de réfugiés prêts à tout pour
retrouver leurs biens, et pas un réfugié n’est autorisé à
revenir chez lui ni à rentrer dans ses biens.
Pourtant la situation aujourd’hui c’est que des pans immenses de
cette terre sont vides, et que le retour est possible.
Nous vivons dans un monde où le droit à la terre et à la propriété
est universellement reconnu.
Le droit à la propriété est un droit abondamment invoqué par les
Etats-Unis et leurs alliés quand il s’agit d’Israël, mais qui
n’est appliqué qu’à une seule partie de l’équation.
Les Palestiniens ont des revendications écrasantes sur leurs droits
de propriété à faire valoir auprès de l’état israélien qui
doit régler le problème une fois pour toutes.
Comme l’a montré la situation des réfugiés à travers le monde
au cours des dernières années, le droit au retour des réfugiés
n’est pas que le droit de rentrer dans leur propre pays, mais un
droit à récupérer leurs maisons et leurs terres d’avant.
Ce même scénario doit jouer pour l’ensemble de réfugiés les
plus importants au monde, les Palestiniens.
Sans cela, comment les Palestiniens pourraient-ils espérer négocier
d’égal à égal avec les Israéliens ?
PR : Mais la notion d’un état pour le peuple Juif est central
dans tout ça. Comment peut-on s’en tirer ?
Leckie : C’est évident. Beaucoup des membres du COHRE
vivent et travaillent en Israël et nous connaissons bien les
principaux sentiments qu’expriment Israël et les Israéliens.
Mais ce dont on a absolument besoin à long terme, c’est d’une
nouvelle approche de toute la question, où les questions que nous
avons toujours posées et les cadres dans lesquels on y a
constamment répondu, seraient abandonnés.
La simple affirmation du voeu du gouvernement israélien, qui est
distinct de celui de nombre d’Israéliens, d’avoir et de
continuer l’idée d’un état juif, ne doit pas nécessairement
prendre la forme qu’il prend aujourd’hui dans l’Israël
contemporain.
On peut développer bien des formules pour ceux qui pensent que l’état
du peuple juif est un aboutissement nécessaire, mais dans un
contexte différent ou dans un cadre territorial différent qui
permette le retour des réfugiés et permette peut-être à un état
fédéral d’émerger. Il y a un certain nombre de possibilités à
mettre sur la table.
Le monde s’est maintenant trop enlisé en mettant sur la table des
options simplistes et à trop courte-vue et, comme nous le voyons
ici, il y a eu des discussions, des discussions et des discussions
et sans jamais aucun résultat positif pour l’une ou l’autre
partie.
Nous devons repenser les choses, les gens ont besoin d’être
imaginatifs et les gens devraient venir avec des options qui
pourraient se montrer très différentes de celles que nous avons
maintenant et qui offriraient aux deux parties une solution qui leur
permettrait de vivre avec. Jusqu’à présent, on en est loin.
Résultat : la situation que les Palestiniens doivent affronter –
n’avoir accès qu’à moins de 10% du territoire de la Palestine
mandataire, vivre derrière un mur de 8 mètres de haut - bien plus
long et bien plus haut que le mur de Berlin ne l’a jamais été -
être soumis à une législation ouvertement discriminatoire, être
économiquement étranglés dans leurs secteurs qui ressemblent de
plus en plus à des enclaves – n’est pas un chemin valable pour
créer une paix durable entre deux nations.
Nous avons besoin d’avoir des hommes et des femmes d’état
capables, des deux côtés, de travailler ensemble et de comprendre
que les similitudes entre ces deux peuples sont plus importantes que
le monde ne le perçoit ou même que les gouvernements des deux
parties n’en ont conscience. Les possibilités d’un futur commun
sont plus grandes que les gens n’ont l’habitude d’en créditer
les deux parties.
C’est notre espoir, particulièrement pour la société israélienne.
Bien que nous n’entendions pas couramment la question des
restitutions aux réfugiés se poser en Israël, il y a un nombre
croissant d’Israéliens qui reconnaissent ce qui est arrivé, qui
veulent demander qu’on les excuse pour ces faits et veulent
vraiment trouver un nouveau un système dans lequel tout le monde
dans ce pays pourra vivre en bonne entente, exactement comme les
gens de toutes opinions vivent ensemble, sans histoire, dans toutes
les démocraties du monde guidées par les principes fondamentaux
des droits de l‘homme et du Droit .
Quand vous visez une situation d’exclusion, comme c’est le cas
maintenant avec la construction du mur, c’est un billet pour le désastre.
Vous ne pouvez pas avoir un état qui exclut dans le monde globalisé
d’aujourd’hui, et je pense que l’Israël contemporain, en
2005, ressemble à l’Afrique du Sud des années 80 quand s’y
mettaient en place une série d’actes désespérés pour maintenir
un système raciste moribond.
PR : Rien de ce que vous dites n’est étranger aux oreilles
palestiniennes, et en fait, c’est consacré par les résolutions
des Nations Unies. Alors, où est la communauté internationale ?
Leckie : en termes de loi, de résolutions et de déclarations,
elle a tout appuyé ; la communauté internationale est très présente
; les centaines de résolutions depuis 1948 ont universellement
soutenu le droit au retour des réfugiés palestiniens ; ont
universellement condamné les confiscations illégales de terre et
les constructions illégales de colonies.
Le mur de sécurité a été déclaré illégal.
La liste est sans fin et elle est communiquée par le conseil de Sécurité
des Nations Unies aux associations des droits de l’homme.
Pourtant, en pratique, c’est une autre histoire.
Le soutien constant des Etats-Unis à Israël sur tous les fronts a
rendu très difficiles aux états favorables à une solution du
problème respectueuse des Droits de l’Homme, d’avancer et de
persévérer.
Les réalités historiques de l’Europe rendent encore plus présente
l’intégration de cette difficulté par les Européens, et le
monde arabe a été très fort du point de vue rhétorique mais
moins créatif du point de vue diplomatique.
Beaucoup de forces sont au travail, mais nous croyons que la
communauté internationale doit se montrer plus engagée et plus
imaginative et suggérer des moyens possibles pour aller de
l’avant..
Il n’est tout simplement pas défendable d’imaginer qu'une
solution à deux-Etats soit quelque chose de réalisable maintenant.
PR : Etes-vous partisan de mettre la question des réfugiés au
centre du processus de paix plutôt que de la laisser de côté
comme on l’a fait depuis Oslo ?
Leckie : Absolument. Et pas seulement à Oslo, mais presque
toutes les initiatives qui ont été prises depuis. C’est une
chose de dire que la partie israélienne s’oppose fermement à ce
que les Palestiniens obtiennent le droit au retour, mais les
Palestiniens doivent parler d’une seule voix sur cette question.
Quand on parle aux réfugiés, il y a une certaine unanimité sur ce
qu’ils aimeraient voir et que ne reflètent pas toujours les hauts
responsables supposés représenter ces populations. Nous espérons
que les deux parties entendront les vœux et les revendications des
réfugiés.
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Source
: http://www.palestinereport.org |
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Traduction
: CS pour ISM |
Source
: ISM France
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=2851&type=analyse&lesujet=Interviews
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