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Ha'aretz; 3 juillet 2005-07-03
Ce n'était pas un spectacle isolé
par Uzi Benziman
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Les récents événements dans le Goush Katif reflètent la conception du
judaïsme des colons : d'abord, on s'empare d'une maison palestinienne
abandonnée, on y place une mezouza (1) et on la déclare propriété
juive. Puis on y organise des séances de prières et de danses
hassidiques. Plus
tard, on provoquera les voisins palestiniens, provocation qui produira des
jets de pierres et finira par une tentative par de jeunes Juifs de lyncher
à mort un adolescent palestinien évanoui.
Voilà, en quelques mots, l'histoire de la prise de contrôle par Israël
des territoires depuis 1967 : vol de terres étrangères, justification du
vol au nom de la halakha (2) et des ancêtres, créer des frictions et des
confrontations violentes avec les voisins palestiniens, user de la force
pour garantir que les nouveaux biens restent entre ses mains, compter sur
le puissante appareil de sécurité de l'Etat pour éliminer la résistance
des Palestiniens à l'injustice qui leur est faite.
La rhétorique de petit saint qui a accompagné la tentative de lynchage
dans l'"avant-poste de Tal Yam" (3) est caractéristique de
l'entreprise de colonisation dans son ensemble (plaquer des noms hébraïques,
en général bibliques, sur des avant-postes et des communautés fait
partie du processus de leur "conversion" au judaïsme). Le député
Shaul Yahalom (Parti National Religieux) a appelé l'opinion en Israël et
dans le monde à croire que les brutes qui ont lynché le jeune Hilal
Ziyad Majaida n'étaient pas des Juifs religieux, qu'ils n'étaient
qu'habillés en Juifs religieux. D'autres
dirigeants des colons, dont certains semblaient sincèrement choqués par
ce qu'ils avaient vu, se sont exprimés dans le même sens.
Il est probable qu'au moins quelques-uns parmi les leaders des colons,
rabbins et représentants politiques, sont sincèrement dégoûtés par le
comportement meurtrier de la jeunesse des collines et des jeunes partisans
de Kahana. Dans ce cas, il faut leur dire quelques vérités :
l'entreprise de colonisation est devenue un institut de judaïsme
contemporain. C'est la chaîne de production d'où est sorti le néo-judaïsme.
Les colons sont venus en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, et ont
imposé leur position à des gouvernements israéliens faibles, au nom
d'une droite originelle, s'emparant de territoires qui ne leur
appartenaient pas et privé les habitants palestiniens de leurs droits et
de leurs terres.
L'Etat, après avoir été entraîné dans cette manipulation, l'a
soutenue rétroactivement. Il s'est alors retrouvé coincé et obligé de
soutenir le projet, par la force militaire et au moyen d'artifices plus ou
moins légaux. C'est ainsi que l'enclave de Hebron a été créée en 68,
suivie par la plupart des 122 colonies et des 105 avant-postes illégaux.
Ce processus, un acte de gouvernement faussé à la base, était
politiquement stupide, immoral et inhumain, et a créé une dynamique dont
le résultat inévitable est, entre autres choses, le spectacle qui a tant
choqué le député Yahalom l'autre
soir.
Au début, les radicaux et les illuminés se sont accumulés dans quelques
communautés des territoires. Les frictions violentes avec les
Palestiniens ont créé les conditions pour que se déchaîne l'animal qui
est en l'homme. Quelles qu'en soient les causes, les débordements des
skinheads à Goush Katif n'étaient pas un spectacle rare. L'histoire des
colonies est remplie de meurtres et de vols, et de honteuses violations
des droits des voisins palestiniens où leur dignité a été foulée aux
pieds.
Le rapport Sasson est plein d'exemples où la loi a été violée par les
colons, leurs collaborateurs et les politiciens au-dessus d'eux. Cette
atmosphère où la loi n'a plus cours dérive d'un péché originel (le
besoin de s'établir dans les territoires) et fournit le bouillon de
culture où se développent les pulsions mortifères, comme cela s'est vu
lors du massacre dans le Caveau des Patriarches (4), le meurtre
d'innocents agriculteurs, l'assassinat d'Yitzhak Rabin et aujourd'hui la
tentative de lynch dans le Goush Katif.
Les colons refusent cette description. Ils considèrent que leur
installation en Cisjordanie et dans la bande de Gaza n'est que
l'application du droit de la nation juive sur la terre de ses ancêtres.
Ils justifient la contradiction entre leurs motivations et leurs conséquences
fatales par le fait de "brebis galeuses" isolées. C'est là
leur erreur. Même en tenant compte de la contribution des Palestiniens au
conflit, même en prenant soin de ne pas généraliser et en connaissant
l'humanité de nombreux colons, on ne peut échapper à la conclusion.
L'entreprise de colonisation a créé les conditions qui génèrent ces
actes terribles, commis par l'Etat et par des individus au nom du droit
des Juifs à un foyer national.
(1) mezouza : petites boîtes de forme allongée, contenant deux textes du
Deutéronome, que les Juifs observants ou traditionalistes placent sur le
montant de leurs portes.
2) halakha : loi juive, application des enseignements de la Torah dans la
vie concrète.
(3) Tal Yam : nom donné par les extrémistes juifs à la maison
palestinienne qu'ils ont investie et rebaptisée pompeusement
"avant-poste de Tal Yam".
(4) En 1994, un extrémiste nommé Baroukh Goldstein a tiré à la
mitraillette sur un groupe de fidèles musulmans en prière. Sa tombe
continue d'être un lieu de pèlerinage pour certains extrémistes de
droite, en particulier les partisans du "rabbin" Kahana
Source
: La Paix Maintenant
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