Ha'aretz, 17 avril 2005
Le rôle du camp de la paix israélien
n'est pas terminé
Par Yaïr Inov (1)
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Quand le Premier ministre Menahem Begin eut conclu les négociations de
Camp David [en 1978, ndt] par un accord qui conduisait à un traité de
paix avec l'Egypte, le camp de la paix israélien eut une heureuse
surprise et s'empressa d'adopter l'accord. Nous étions surpris parce que
nous partions de l'hypothèse que Begin mènerait une politique d'escalade
dans la confrontation entre Israël et ses voisins. Nous étions surpris
et heureux.
Aussi, quand le Premier ministre Sharon annonça son plan unilatéral d'évacuation
de toutes les colonies de la bande de Gaza et de quatre colonies du nord
de la Cisjordanie, la surprise ne fut pas aussi grande, et il sembla que
le camp de la paix israélien avait adopté le plan sans grandes
difficultés. Ceci en dépit du fait que le plan Sharon, dans sa version
restreinte, n'a pas pour objectif (pour l'instant) une suppression totale
du contrôle israélien sur les territoires en question. En apparence, le
plan semble malgré tout raisonnable.
La difficulté réside dans le fait que certaines parties du camp de la
paix israélien mènent une politique de soutien au plan Sharon d'une manière
telle qu'elle est sujette à interprétation interprétation qui a
effectivement cours dans les médias et dans l'opinion. Cette interprétation
dit en substance qu'un retrait limité et partiel produira l'accord israélo-palestinien
auquel le camp de la paix israélien aspire. En conséquence, quiconque
poursuit cet objectif hautement désirable peut se
poser la question : si vraiment "seul Sharon peut le faire",
pourquoi ne pas soutenir Sharon de façon inconditionnelle? Pourquoi
doit-on concevoir des organisations, des actions et des manifestations qui
pourraient être même contre-productives dans la mesure où elles
donneraient du grain à moudre à l'argument selon lequel Sharon a déserté
le camp nationaliste au profit du camp de la paix [et ainsi lui aliéner
toute la droite nationaliste, ndt]?
Il est de fait que pour qui est convaincu que Sharon a tourné casaque et
s'est engagé dans la bonne direction, rien n'est plus naturel que de
conclure qu'il est possible de transformer le camp de la paix en camp du désengagement.
Les résultats sont là.
Cependant, il faut être sourd et aveugle pour ne pas remarquer que tout
montre le contraire. Le témoignage le plus digne de foi vient de la
bouche de l'intéressé lui-même et de ses conseillers, qui n'essaient même
pas de cacher quoi que ce soit. Tout concourt à l'intensification et à
la pérennisation du contrôle par Israël du territoire de la
Cisjordanie. Tout concourt à empêcher la possibilité de créer un Etat
palestinien, même si l'on prétend le contraire. Le gouvernement Sharon
ne ménage aucun effort, ne rate aucune occasion pour faire échouer le
gouvernement de Mahmoud Abbas et provoquer sa chute.
Le développement et l'expansion des colonies se poursuivent à un rythme
accéléré, à une échelle bien supérieure à ce qui serait nécessaire
pour éventuellement reloger les colons évacués dans le cadre du désengagement.
Les soldats ont toujours la gâchette facile. On est toujours aussi tolérant
envers les voyous qui provoquent les Palestiniens et abusent les citoyens
israéliens. Comme continue la construction du mur/clôture qui provoque
une annexion de facto et des expropriations arbitraires. Comme continue la
construction de routes d'apartheid, qui, elle aussi, s'accompagne
d'expropriations à grande échelle. Et l'on pourrait poursuivre la liste.
Tout cela montre que, malheureusement, le travail du camp de la paix [israélien],
pour qui l'objectif est un accord israélo-palestinien, n'est pas terminé,
mais qu'il est devenu bien plus complexe. La nécessité d'intégrer le
soutien à ces mesures partielles et limitées qu'on nomme "désengagement",
ainsi que le flot d'informations sur les actions et méfaits du
gouvernement Sharon, tout cela rend les choses pénibles et compliquées.
Néanmoins, il n'y a pas d'autre issue que de trouver la force et le
savoir-faire pour gérer cette situation complexe, sans se laisser
aveugler et sans perdre le Nord. Un mouvement extraparlementaire pour la
paix ne mesure pas sa force par le nombre de bulletins de vote recueillis,
et il est normal qu'il connaisse des hauts et des bas. Ni sa vitalité ni
sa raison d'être ne s'évanouissent dans les périodes de basses eaux.
C'est la conviction profonde qu'il est impératif et vital pour l'Etat
d'Israël d'aboutir à un accord et à une co-existence avec les
Palestiniens qui doit
le guider dans son juste combat. Il doit parler haut et clair à
l'opinion, sans hésitation et sans équivoque.
(1) Yaïr Inov est membre du bureau exécutif de Shalom Arshav (La Paix
Maintenant)
Source
: La Paix Maintenant
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