AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP |
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Notre De Gaulle Palestinien Afif Safieh*
Il
y a maintenant une chance de paix - mais pas parce que Arafat est mort
Pendant toute sa carrière, Yasser Arafat a été l'objet de campagnes impitoyables « d'assassinats politiques » - non à cause de ce qu'il était, mais parce qu'il représentait le peuple palestinien dont la simple existence était une nuisance monumentale pour ceux qui convoitaient la Palestine. Pour moi, Yasser Arafat était le De Gaulle palestinien, l'architecte de la résurrection de notre mouvement national dans le milieu des années 60, et sa locomotive pendant près de 40 ans. Il a dû lutter contre ennemis et amis pour maintenir le rang et le statut de la Palestine et des Palestiniens, non affaiblis malgré l'occupation militaire israélienne et notre dispersion. J'ai rencontré la première fois Yasser Arafat à une conférence d'étudiants à Amman en 1970. J'avais 20 ans et j'étais président des étudiants palestiniens en Belgique. J'ai traduit pour lui pendant plusieurs de ses rencontres. Son message était : nous les Palestiniens sommes les victimes des victimes de l'histoire européenne. Nous sommes devenus les juifs des juifs. Mais nous ne voulons pas faire d'eux les Palestiniens des Palestiniens. Nous cherchons à briser la dialectique de l'oppression où les opprimés deviennent à leur tour les oppresseurs, d'où notre proposition d'un état unitaire démocratique en Palestine qui serait biculturel, multi-confessionnel et multi-ethnique. Yasser Arafat a été le premier à tirer les leçons stratégiques de la guerre d'octobre 1973. Dès lors, il a pensé qu'il ne pouvait y avoir aucune solution militaire au conflit mais seulement une solution négociée : la solution de deux états. Après 1973, il est devenu le leader de l'école de pensée pragmatique lors des sommets arabes annuels. Pendant toutes ces années, l'OLP (Organisation de Libération de la Palestine) et le peuple palestinien ont été l'entité rejetée et Israël l'entité qui rejette. Pendant les années de l'OLP à Beyrouth, j'ai servi en tant que membre du personnel du bureau d'Arafat. J'étais en charge des institutions des Nations Unies et des affaires européennes. Après la déclaration européenne de Venise en 1980 qui pour la première fois a endossé l'auto-détermination palestinienne et le rôle de l'OLP dans sa recherche pour la paix, j'ai assisté aux réunions avec lui et avec les présidents successifs du Conseil Européen des Ministres. Cela marquait le début d'une initiative européenne dans laquelle nous avions mis beaucoup d'espoir. A côté de lui, j'ai été témoin de la mini guerre israélo-palestinienne au Liban en août 1981 et les négociations en vue d'un cessez-le-feu avec le commandant des Nations Unies, le Général Callaghan et l'envoyé présidentiel américain, Philip Habib. Arafat a scrupuleusement respecté ce cessez-le-feu pendant 11 mois quand le général Sharon, démangé par une envie de guerre, l'a violé en juin 1982 en envahissant le Liban : une guerre que même l'opinion publique israélienne considérait comme n'étant pas une guerre nécessaire mais voulue par Sharon. Beaucoup d'observateurs dont la sympathie allait à Israël, ont considéré que depuis ce moment là Israël avait perdu sa « pureté des armes ». En 1980, on m'a demandé d'interviewer Arafat pour l'hebdomadaire catholique « Témoignage chrétien ». J'ai voulu terminer l'interview avec une touche humaine, alors je lui ai demandé : « Abou Ammar, quel est votre jour le plus triste ? » Il a paru surpris. Il était connu pour être réticent à répondre à des questions personnelles. Puis, après avoir réfléchi, il a répondu : « J'ai eu beaucoup de jours tristes dans ma vie ». Alors je lui ai demandé : « Et quel a été votre jour le plus heureux ? » question à laquelle il répondit : « Mon jour le plus heureux ? Je ne l'ai pas encore vécu ». Ma dernière rencontre avec Yasser Arafat s'est passé le 20 octobre ma femme et moi étions parmi ses derniers visiteurs. Il était déjà malade depuis plus d'une semaine, mais s'inquiétait qu'on n'attrape sa grippe. Pourtant pendant 25 minutes, il m'a questionné avec beaucoup de précisions sur la politique interne britannique, sur Tony Blair et sur ce que je pensais des possibilités d'initiative britannique après les élections aux USA. Il m'a dit de rester en liaison étroite avec le gouvernement car il était très favorable à toute tentative crédible et sérieuse en vue de revitaliser le processus de paix. Il y a maintenant une fenêtre ouverte sur l'opportunité de réactiver le processus : et non pas parce que Yasser Arafat est sorti aujourd'hui du tableau, mais pour des raisons objectives qui convergent maintenant et qui auraient eu sa bénédiction. D'abord, maintenant que le président Bush a sécurisé sa place à la Maison Blanche pour un deuxième mandat, il pourrait aussi vouloir sécuriser sa place dans l'histoire. Ensuite, il existe une exaspération européenne et internationale vis-à-vis de l'inaction volontaire de l'administration américaine ces dernières quatre années et dont le résultat a été la détérioration irresponsable en Israël et la Palestine. Et finalement, il y a une conscience grandissante à Washington sur le fait que ce qui empoisonne les relations internationales et qui créé un fossé avec le monde arabe et musulman c'est la perception de la complicité américaine avec les appétits territoriaux israéliens et la tragédie palestinienne non résolue. Arafat, un obstacle à la paix ? Je pense que nous aurions besoin d'un « obstacle » israélien du même genre afin de faire plus de progrès dans notre recherche insaisissable. *Afif Safieh est le Délégué Général Palestinien pour la Grande Bretagne et le Vatican Publié dans le quotidien britannique The Guardian : |
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