AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP |
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Avec les détenus palestiniens, par Ali Samoudi
Journaliste à Jénine
Nader Sawafta : 15 ans de détention dans les prisons israéliennes
Umm Muadh témoigne de l'histoire de sa famille avec l'occupation
Jénine, par Ali Samoudi
Maali Sawafta a passé la journée du dimanche à préparer son fils et
à se préparer à accueillir le retour de son mari. Quatre mois après
son mariage avec Nader Mustafa Muhammad Safawta, les forces de
l'occupation l'ont arrêté le 21 mars 2003 alors qu'il revenait de son
université, l'université nationale d'al-Najah, au barrage militaire.
Ils l'ont transféré à la prison du Naqab, où il fut mis en détention
administrative, renouvelée deux fois.
Alors qu'elle se préparait à accueillir son mari, dans la joie, comme
elle le dit, les forces de l'occupation l'ont privée de cette joie,
comme elles l'ont privée du bonheur du mariage. En une seconde,
dit-elle, la journée qui était symbole de la joie et du bonheur,
s'est transformée en tristesse et oppression, pour poursuivre sa
vie pleine de souffrance et de larmes. Les forces de l'occupation ont
refusé de libérer Nader en renouvelant sa détention pour la troisième
fois.
La nouvelle fut dure, pour Umm Muadh qui a serré son enfant contre sa
poitrine, en pleurant. Elle dit : "C'est une grande injustice que
nous impose l'occupation. J'espérais la fin de notre épreuve, la fin
de l'arrestation, j'avais préparé Muadh pour qu'il soit le premier à
accueillir son père qui ne le connaît pas. Muadh est né après son
arrestation. Il n'a pu le voir encore, car nous étions interdits de
visite. Malgré ma crainte du renouvellement, j'avais dépassé ce
moment, et j'attendais, je comptais les secondes et les minutes, mon
coeur et ma langue répétaient les invocations pour que mon mari puisse
enfin être libéré, pour que ma famille cesse de vivre dans la
souffrance terrible du fait des pratiques de l'occupation, auxquelles
aucun membre de la famille n'a échappé, et surtout mon mari. Il avait
été arrêté en 1990, plusieurs fois, et il a passé en prison plus de
15 ans de sa vie.
Des souvenirs douloureux
Au cours des instants d'attente, Umm Muadh s'est souvenue des années
passées et des souffrances subies. Elle raconte comment l'occupation a
transformé la vie de son mari en enfer, qu'il ne pourra jamais oublier.
En 1990, il a été blessé à la main droite, lorsque l'armée
d'occupation a mené un raid sur Toubas. A peine était-il guéri qu'il
a été arrêté lorsque l'école de Toubas a subi un raid, il était
encore sur les bancs de l'école, en dixième année (seconde). Il a
passé deux mois en interrogatoire, et les forces de l'occupation n'ont
pas tenu compte de son jeune âge. En 1993, alors qu'il se préparait à
passer son examen, les forces de l'occupation l'attendaient, il a été
arrêté et a été privé de poursuivre ses études et de réaliser le
rêve de sa vie. Au lieu des bancs de l'école où il devait passer ses
examens, il s'est retrouvé dans les cellules des interrogatoires dans
les prisons d'al-Fari'a et de Tulkarm. Plus tard, il est poursui vi
parce qu'il est accusé d'appartenir au mouvement du Hamas, et le 3
novembre 94, il est encore arrêté. Les appareils de sécurité n'ont
pu l'accuser de faire partie de la direction du Hamas, il est cependant
condamné à trois ans de prison. Après quelques mois de libération,
au cours desquelles il rejoint la faculté de la shari'a à l'université
d'anèNajah, et au cours de la vaste opération menée par les forces de
l'occupation contre le mouvement Hamas, au cours de laquelle sont tombés
martyrs les deux frères Adel et Imad Awad Allah, des Brigades al-Qassam,
il est arrêté et mis en détention administrative, ce qui signifie
qu'il n'y a aucune charge ni jugement. Sa détention a été renouvelée
trois fois, pour atteindre 9 mois. Il est ensuite libéré, mais de
nouveau, il est kidnappé par une unité spéciale israélienne dans la
rue Nablus. Il est resté un an et demi en prison, accusé d'appartenir
au mouvement Hamas et d'être le représentant du mouvement dans le
conseil des étudiants .
Mais ces années d'emprisonnement n'ont pas suffi aux autorités de
l'occupation, qui voulaient punir Nader et sa famille, comme le dit son
épouse. Comme il a été privé des études et de plusieurs occasions
heureuses, l'occupation l'attendait et voulait nous empêcher de vivre
notre vie normalement. A peine commençait-il à respirer l'air de la
liberté et de la stabilité, 5 mois après avoir été libéré, ils
l'arrêtent de nouveau le 31 mars 2003. Un mois après, il est transféré
dans la prison du Naqab et passe au statut de détenu administratif,
pour 6 mois, sans aucune charge contre lui. Son arrestation a été un
grand choc pour son entourage, et notamment pour son épouse, qui était
enceinte.
Au tribunal d'appel, l'épouse précise que le juge a refusé de le libérer,
bien que le procureur n'ait avancé aucune raison justifiant la
poursuite de son arrestation. Mais le tribunal s'est contenté de faire
référence au dossier secret, cette épée lourde qui pèse sur la
nuque de tout Palestinien et sa famille. Mais le grand choc fut la décision
de le déporter à Gaza. Son nom se trouvait parmi ceux que l'occupant
avait décidé de déporter vers la bande de Gaza. Mais cela n'a pas été
réalisé, suite aux protestations de l'avocat, et la déclaration
d'accalmie par les organisations palestiniennes. Le détenu a été donc
remis en prison, dans le Naqab, avec l'impossibilité de le voir, à
cause de l'interdiction des visites, et l'isolement des prisonniers.
"Ce qui me cause de la peine, c'est le fait que j'ai accouché, que
Muadh grandit sans connaître la tendresse de son père, sans qu'il
n'obtienne son droit naturel reconnu par toutes les conventi ons, les
traités et même les lois et coutumes naturelles. Plusieurs
associations sont intervenues pour autoriser une visite, pour moi et mon
fils, mais l'occupation a refusé pour des raisons sécuritaires. Quel
danger représente mon fils pour l'occupation ?
Ce qui est encore plus dur, c'est la décision de renouvellement de la détention
pour 5 mois encore, que les forces de l'occupation ont prise ces
jours-ci. "Au cours de cette période d'attente, je ne vis pas
comme les autres gens, notre vie est devenue une blessure. Je ressens
que je vis les mêmes conditions de détention de mon mari, il n'y a
aucune différence, le geôlier est le même. Je comptais les jours, et
les heures, j'attendais, je ne pouvais même plus dormir, les derniers
jours, avec toujours cette attente mortelle et les souvenirs. Et puis,
ce choc : les forces de l'occupation refusent de libérer Nader, dont la
détention est renouvelée pour six mois encore.
Umm Muadh doit patienter, elle qui ne possède que les invocations à
Dieu pour qu'Il allège ses souffrances et lui accorde la patience et la
détermination pour faire face à l'occupation et ses mesures injustes
qui visent Nader et ses frères. Plusieurs de ses êtres chers se
trouvent derrière les bareeaux. "Nous n'avons que Allah pour nous
plaindre à Lui, puisque le monde refuse d'entendre nos cris et nos
douleurs. Mon frère Issam est tombé martyr le 8 octobre 2002, sa dépouille
est toujours confisquée par les forces de l'occupation qui refusent de
la libérer, mon frère Faze' Sawafta, étudiant, est condamné à 7 ans
de prison, mon frère Arafat est en prison pour une peine de 40 mois. Il
a été arrêté un mois après son mariage, son épouse accouché d'une
fille qu'il n'a pu encore voir. Il ne manque encore à l'occupation de
nous arrêter, nous et nos enfants, pour qu'on ne constitue pas un
danger contre la sécurité israélienne, ce mensonge qu'i l utilise
pour nous confisquer notre liberté et notre vie et que nous payons trop
cher. Nous vivons quotidiennement ses conséquences, devant un monde qui
a perdu ses valeurs et son humanité.
Le sort inconnu pour une centaine de détenus dans les prisons de
l'occupation
L'occupant décide leur déportation mais la Jordanie refuse de les
accueillir : les familles paient un lourd tribut
Jénine, de Ali Samoudi
Depuis plus d'un an, Ruqiya Sa'id Hamade se déplace entre les bureaux
de la Croix-Rouge internationale, Nadi al-asir et les diverses
institutions humanitaires et juridiques et les bureaux de l'Autorité
Palestiniennes afin de trouver une solution pour son fils, prisonnier,
Muhammad Khaled Abdel Kader Hamade, que les autorités de l'occupation
ont décidé de déporter vers la Jordanie, alors que les autorités
jordaniennes refusent de l'accueillir.
Avec angoisse et inquiétude, la mère, âgée de plus de cinquane ans,
et vivant dans le village de Birqin, près de Jénine, ne cesse
d'invoquer Dieu pour qu'Il mette fin à la souffrance de son fils détenu
dans la prison de Meggido, sans jugement ni charge, ni même
interrogatoire, comme elle l'explique. "Le sort de mon fils est
inconnu sur cette terre sur laquelle Dieu nous a partagé les
subsistances. Ils nous ont tout volé, tout, ils bafouent les lois et la
justice. J'ai frappé à toutes les portes de Jénine à Ramallah, au
bureau du ministre et du préfet palestinien, et même à l'ambassade
jordanienne, mais le sort de mon fils Muhammad est toujours indécis,
comme s'il était d'une autre planète, s'ils arrivent à reconnaître
son humanité.
Le parcours de cette tragédie
La tragédie de Muhammad commence, comme le raconte sa mère, le 13
janvier 2004 lorsque les forces de l'occupation mènent un raid contre
notre maison. Elles l'arrêtent sans raison, bien qu'il soit le
principal pilier de notre famille, constituée de 6 personnes, après la
décès de son père. Il est emmené au camp de détention à Salem, près
de Jénine, où il est resté trois mois. Il n'a pas été interrogé,
ni condamné, jusqu'au jour où la police le convoque pour lui signifier
qu'elle a émis une décision de le déporter vers la Jordanie, car il
n'a pas la nationalité palestinienne et sa présence en Cisjordanie
serait illégale.
L'occupation est responsable
La mère explique que si son fils n'a pas le passeport palestinien cela
est dû à la politique de l'occupation. Elle dit : lorsque mon mari est
revenu au pays en 1996 suite à l'accord palestino-israélien, nous
avons habité dans le village de Birqin, où mon mari s'était réfugié
en 1948, après la Nakba. Mais en 1967, il a été obligé de se réfugier
en JOrdanie et d'y vivre, dans la ville d'al-Rusayfiya, où nous nous
sommes mariés et où sont nés les enfants, qui sont revenus avec nous
au pays. Lors de notre arrivée, nous avons fait une demande de
regroupement familial, lorsque le séjour nous a été accordé par
l'Autorité Palestinienne. Mais l'occupation a retardé la réponse,
mettant les obstacles l'un après l'autre, nous privant comme à des
centaines de familles d'obtenir le droit de nous retrouver ensemble,
dans notre pays. La source de notre malheur est l'occupation.
Les familles palestiniennes affirment que les autorités de l'occupation
contrôlent totalement tout le dossier des autorisations de regroupement
des familles, qui a été d'ailleurs stoppé tout net au cours de
l'Intifada al-Aqsa. C'est une des raisons pour laquelles Israël a arrêté
des dizaines de Palestiniens avant de les éloigner vers la Jordanie.
Mais dans le cas de Muhammad Hamade, qui a demandé l'aide d'un avocat
pour obtenir une autorisation de regroupement familial, étant donné
qu'il est le principal pilier de la famille, les autorités de
l'occupation ont refusé l'autorisation et pour cette raison, elles
veulent le déporter.
Un choc supplémentaire
Ce qui a encore surpris Muhammad et sa famille, c'est l'attitude des
autorités jordaniennes, qui ont décidé de l'arrêter sur le pont, et
de lui refuser d'entrer en Jordanie sous le prétexte qu'il a dépassé
la période légale qui lui perment de retourner en Jordanie, selon le
document qu'il avait obtenu. Il a donc été refoulé.
C'est alors, raconte Umm Muhammad, que les autorités de l'occupation
l'ont de nouveau arrêté et détenu dans la prison de Ofer, puis à
Meggido, où il se trouve actuellement avec 30 prisonniers dans la même
situation tragique. Les forces de l'occupation insistent pour les
emprisonniers, elles nous empêchent de les visiter, ils sont traités
comme les autres prisonniers, mais sans toutefois être jugés ou
traduits devant des tribunaux : il n'y a d'ailleurs aucune charge. Ce
qui est terrible aussi, c'est que nous ne pouvons même pas les visiter,
nous sommes inquiets, angoissés, nous craignons pour leur avenir, et le
sort qui les attend.
C'est la même situation vécue par la famille du prisonnier Abdel Salam
Abdel Fattah Habiya, de Jénine, comme l'explique son épouse, qui s'est
rendue à l'ambassade jordanienne, qui a fait le tour de tous les
bureaux de l'Autorité palestinienne, leur demandant d'intervenir et de
régler cette situation : son mari est arrêté depuis le 7 octobre
2004, à Meggido. Mais personne ne peut intervenir ni trouver de
solution, et la Jordanie refuse de le recevoir, Israël insiste pour
l'expulser ou l'arrêter, bien qu'il soit père de cinq enfants. Ainsi,
dit-elle, notre vie est devenue un vrai cauchemar.
Et c'est au nom de toutes ces familles de prisonniers que l'épouse du
prisonnier Afraj Ata Abu Zor de Ramallah demande aux organisations
internationales et humanitaires d'intervenir et de trouver une solution
à la tragédie vécue par son mari, arrêté sans aucune charge ni procès
depuis le 28 mars 2004. Elle ajoute : "Nous vivons vraiment une
mort lente, moi et mes enfants, devant ce sort inconnu qui attend notre
famille. Non seulement l'occupant l'a arrêté toute cette période,
mais il insiste à exécuter l'ordre de déportation vers la Jordanie,
au moment où nous trouvons que les diverses parties ne font rien pour
trouver une solution. Nous demandons au président Abu Mazen et à
l'Autorité Palestinienne d'insérer le problème de la centaine de
prisonniers palestiniens qu'Israël veut déporter vers la Jordanie dans
les pourparlers et les dossiers des négociations. Il faut faire en
sorte d'annuler cette décision de déportation et d'assurer de leur
retour à leurs familles qui vivent dans la plus grande détresse.
Traduit par :
Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
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