AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP |
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A l'occasion de la journée
mondiale de solidarité
avec les victimes de la torture
par Abdel Nasser Awni Ferwana, ancien prisonnier
et directeur du département des statistiques
au ministère des affaires des prisonniers et libérés
26 juin 2005
Entre l'arrestation et la détention, des milliers d'histoires.
La torture a également ses histoires et ses moments douloureux. A
chaque souvenir, la souffrance s'intensifie, et nous ressentons le désir
de vengeance, à cause de ce que nous avons subi et de ce que subissent
encore nos prisonniers, cette torture systématique et mortelle, dès
les premiers instants de l'arrestation. Cette torture qui se poursuit et
qui accompagne toute la période de la détention mais dont les conséquences
demeurent même après la libération et la fin de la détention. Bien
que libérés depuis des années, nous sommes encore soumis à la
torture et nous souffrons de ses conséquences, la prison est toujours
en nous, nous vivons toujours en prison, la torture nous poursuit, nous
élance, nous fait souffrir. Nous sommes toujours prisonniers...
Le 26 juin, les Nations-Unies et les organismes agissant en faveur des
prisonniers et des droits de l'homme célèbrent la journée mondiale de
solidarité avec les victimes de la torture. C'est le jour décrété
par l'Assemblée générale des Nations-Unies en 1997 pour mettre
fin à la torture, soutenir et réhabiliter ses victimes et activer la
convention contre la torture.
L'organisation internationale a voté plusieurs traités internationaux
interdisant la torture, le premier étant la déclaration mondiale
pour les droits de l'homme en 1948, dont l'article 5 interdit la
torture, puis la convention internationale des droits civiques et
politiques de l'année 1966 dont l'article 7 interdit la torture, qui
furent suivies par d'autres traités visant à interdire la torture, et
le 10 décembre 1984, la convention contre la torture est adoptée,
avant d'entrer en vigueur le 26 juin 1987.
Cette convention définit la torture comme étant " tout acte
par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou
mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins
notamment d'obtenir d'elle ou d'une tierce personne des renseignements
ou des aveux, de la punir d'un acte qu'elle ou une tierce personne a
commis ou est soupçonnée d'avoir commis, de l'intimider ou de faire
pression sur elle ou d'intimider ou de faire pression sur une tierce
personne, ou pour tout autre motif fondé sur une forme de
discrimination quelle qu'elle soit, lorsqu'une telle douleur ou de
telles souffrances sont infligées par un agent de la fonction publique
ou toute autre personne agissant à titre officiel ou à son instigation
ou avec son consentement exprès ou tacite. Ce terme ne s'étend pas à
la douleur ou aux souffrances résultant uniquement de sanctions légitimes,
inhérentes à ces sanctions ou occasionnées par elles. "
La torture dans les prisons israéliennes a commencé dès le début de
l'occupation, elle a été largement pratiquée sur les prisonniers
palestiniens et arabes. Elle a été adoptée en tant que pratique systématique
et institutionnelle, et a constitué une partie intégrante et
indissociable du traitement des prisonniers. Des centaines de milliers
des fils de notre peuple sont passés par des expériences terribles de
torture. Ils ont été soumis à différentes formes de torture, plus de
80, physiques et morales, et la plupart sont un mélange des deux. Les
formes de torture physique, comme le shabeh ou les coups, causent des
douleurs vives et un effondrement général. Quant à la torture morale,
comme les insultes, les menaces de mort ou les atteintes à la famille,
la détention en isolement, elle est cause de troubles psychologiques
importants, et provoque la peur et l'effroi.
La torture vise à détruire l'être palestinien, à démolir l'être
humain, physiquement, moralement et psychologiquement. La torture vise
à destructurer la personnalité du Palestinien, à modifier son
comportement et sa réflexion, afin qu'il devienne un fardeau pour sa
famille et sa société. Ces dures expériences ont laissé des traces
profondes dont les répercussions risquent de durer pendant des générations
encore. Les conséquences négatives de la torture ne se limitent pas
aux détenus, mais elles s'étendent pour toucher les familles et les
enfants, les pères et les mères, les proches, mais aussi le cercle des
amis et des voisins.
Israël est le seul Etat au monde qui a légalisé la torture
- interdit et dénoncé mondialement, sous toutes ses formes,
physiques et morales. Il l'a intégrée dans ses institutions sécuritaires
et judiciaires, lui assurant une couverture légale et juridique. Les
recommandations de la commission israélienne Landau publiées
partiellement le 30 octobre 1987 orientent les services des
renseignements vers les moyens de pression psychologique au cours des
interrogatoires des détenus. Ces recommandations furent adoptées par
la Knesset israélienne le 8 novembre 1987. Ce fut la première pierre
pour une loi effective autorisant l'utilisation de la torture sur les
prisonniers, ce qui a permis aux services de renseignements israéliens
d'agir avec une couverture légale et sans crainte d'être poursuivis ou
contrôlés, en exerçant toutes sortes d'actes répressifs contre les
prisonniers.
Suite à des efforts entrepris par des associations humanitaires
palestiniennes et quelques associations israéliennes et
internationales, la Cour suprême israélienne a promulgué en septembre
1999 une décision interdisant l'utilisation de moyens corporels contre
les prisonniers palestiniens, y compris le shabeh ou les secousses
violentes, la privation de sommeil, l'attitude de la grenouille,
considérant ces moyens illégaux.
Mais cette décision ne s'appuie pas sur l'interdiction absolue de la
torture, mais plutôt sur l'absence de loi autorisant les services sécuritaires
à utiliser les pressions corporelles contre les prisonniers. Malgré
cela, la torture n'a pas cessé dans les prisons de l'occupation. Cette
décision n'a pas été appliquée effectivement, l'utilisation de la
torture n'a pas été limitée ou restreinte, malgré la clarté du
texte international interdisant toutes sortes de traitements cruels,
inhumains ou dégradants, qu'ils soient physiques ou moraux, et à tout
moment.
La torture dans les prisons et centres de détention israéliens ne se
limite pas aux jeunes ou aux combattants de la résistance, mais elle
est pratiquée sur les jeunes filles et les femmes. Les prisonnières
subissent encore pire, comme les harcèlements sexuels, les menaces de
viols, ou le viol effectif, de même que les enfants prisonniers sont
soumis à la torture et aux mauvais traitements. Rares sont les enfants
prisonniers n'ayant pas subi une des formes de torture, même quand il
s'agit de viser les parents de l'enfant, ses proches ou ses amis.
Les médecins israéliens participent à la torture, ou du moins, ils
couvrent ou aident les tortionnaires, au lieu de soulager les
prisonniers blessés ou malades : les blessures et les maladies
s'aggravent, ce qui a mené au décès de quelques prisonniers, en
prison ou hors de prison. 70 prisonniers sont décédés depuis
l'occupation, du fait de la torture, et 39 prisonniers sont décédés
à cause de la politique de négligence médicale, alors que 71
prisonniers sont décédés ayant été exécutés lors de leur
arrestation.
Nous pouvons affirmer, sans aucune exagération, qu'il est
difficile de décrire la sauvagerie des tortionnaires israéliens.
La laideur dépasse toute description, la souffrance est plus puissante
que tout ce qui peut être écrit ou décrit.
Les pratiques de l'occupation, quel que soit son nom ou son lieu géographique,
sont des pratiques répressives et inhumaines, terroristes et
sanguinaires. L'occupant bafoue le droit international et le droit
humain, il viole les droits de l'homme par la force des armes, il
profite du silence international et modifie de fond en comble la
terminologie, la résistance devient pour lui du terrorisme, et la
torture devient un moyen de limiter le terrorisme. Ce que le monde a pu
découvrir concernant les pratiques et les violations dans les prisons
américaines en Irak, se déroule quotidiennement et depuis des dizaines
d'années dans les prisons israéliennes.
Mais alors que les photos des tortures dans les prisons américaines ont
réussi à sortir des prisons, très peu d'articles ont été écrits
sur les prisons israéliennes, et personne ne proteste, ni dénonce,
alors que l'occupation est la même.
Un an après la publication des photos des soldats américains se délectant
de plaisir en torturant les prisonniers irakiens, dénudés, et souriant
rien que parce qu'ils violaient l'honneur et la dignité arabes des
prisonniers, les geôliers de la section 7 de la prison israélienne
Asharon, où se trouvent des enfants, ont pris des photos scandaleuses
de nos enfants prisonniers, dénudés, pour briser leur mouvement de grève
qu'ils avaient entrepris, comme s'ils voulaient commémorer à leur
manière le scandale d'Abu Ghrayb. Le même phénomène s'est répété
un mois après le scandale de la profanation du saint Coran à
Guantanamo, lorsque les soldats israéliens de la prison de Meggido ont
également profané le Coran en le déchirant devant les prisonniers.
Ces images qui ont bafoué la dignité humaine, profané le saint Coran,
sont une forme de torture. Ces images visuelles, ces histoires lues ou
écoutées, racontées par tel ou tel prisonnier, de Palestine ou
d'Irak, resteront gravées dans les esprits, et ne s'effaceront pas de
sitôt de la mémoire. Un jour viendra où les peuples sauront se révolter
et regagner leur dignité bafouée et leur honneur violé.
Pour nos prisonniers libérés, il est incontestable que les jours, les
mois et les années passés dans les mortels cubes en ciment
ou dans les tentes des camps de concentration nazis ne peuvent passer
sans laisser des traces psychologiques et corporelles sur les
prisonniers. Leur état nécessite une attention particulière après
leur libération, ils ont besoin d'intérêt, de soutien, de réhabilitation
et d'insertion dans la société. Ils ont besoin d'un traitement équitable
et approprié, d'encouragement et de solidarité pour enrayer les conséquences
négatives de la torture. Ils doivent pouvoir trouver des possibilités
de travail digne, afin de pouvoir vivre avec leurs familles dans la
fierté et la dignité, eux qui ont donné leur jeunesse pour la liberté.
Nous leur devons au moins cela.
Traduit par
Centre d'Information sur la Résistance en Palestine
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