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Solidarité avec les prisonniers politiques palestiniens Isabelle Avran - Pour la Palestine n°43
Après près de trois semaines de grève de la
faim de la majorité d'entre eux, les quelque 7500 prisonniers
politiques palestiniens détenus dans les geôles israéliennes ont
marqué un point
Après près de trois semaines de grève de la faim de la majorité d'entre eux, les quelque 7500 prisonniers politiques palestiniens détenus dans les geôles israéliennes ont marqué un point : ils ont enfin obtenu l'ouverture de négociations sur leurs conditions de détention, que refusaient obstinément les autorités d'occupation. Celles-ci continuent aujourd'hui dans la dénégation sur le sujet auprès de leur propre opinion publique. Cette première victoire des grévistes de la faim, encore fragile, se lit pourtant à l'échelle de toute une société. Pas une famille palestinienne, en effet, n'a été épargnée par l'emprisonnement de l'un des siens. Mais les négociations sont loin d'être terminées. La solidarité qui s'est manifestée durant tout l'été doit se poursuivre. A la fois pour soutenir une plateforme qui porte sur le respect des droits humains les plus élémentaires et, au-delà, pour obtenir leur libération. "En ce qui me concerne, ils peuvent mener une grève d'un jour, d'une semaine, d'un mois, ou même mourir de faim ". Telle a été la première réponse de Tsahi Hanegbi, ministre israélien de la Sécurité publique, aux prisonniers politiques palestiniens qui entamaient, dimanche 15 août, une grève de la faim pour protester contre leurs conditions de détention et qui exigent le respect de leurs droits élémentaires. Une réponse comme un programme, mais surtout comme un aveu, une profession de foi, l'expression la plus crue de la représentation obsessionnelle de l'autre : sa déshumanisation. Arrogance du puissant, cynisme du conquérant, sans aucun doute ; mais pire encore : pour les dirigeants israéliens, les Palestiniens peuvent bien mourir, leur vie ne vaut rien. Arrêtés par dizaines de milliers, emprisonnés par milliers, torturés, ils ne sauraient tout simplement avoir d'humanité reconnue, de citoyenneté à défendre, de droit à faire valoir. Et ils devraient ratifier une seule alternative : la soumission ou la mort. Echo du seul mode de relation que la puissance coloniale affiche avec ses voisins qu'aujourd'hui elle occupe. Pas seulement la force contre le droit ; la force contre la vie elle-même. Comment ne pas y reconnaître la résonance de l'histoire et des discours officiels qui prétendent la dire ? Tentative d'effacement d'un peuple, jusqu'aux traces de son existence nationale et sociétale, pour accompagner son expulsion et l'accaparement de ses terres... Comment ne pas y déchiffrer le sens d'un projet et d'une stratégie politiques, de leur traduction quotidienne en Palestine occupée, où les terres s'annexent, débarrassées de ceux qui les peuplent, qui y vivent, qui y résistent, que l'on emmure jusqu'à l'étouffement faute de pouvoir tous les chasser. La réponse de Tsahi Hanegbi aux prisonniers politiques répète celle qui se joue en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, enfermement de masse, étouffement meurtrier, arbitraire blindé par les chars. Où le droit à la vie, au fondement le plus élémentaire de toute civilisation humaine, est rayé d'un trait de banal discours public. La barbarie du racisme assassin s'affiche avec la morgue tranquille de celui qui se croit protégé par l'impunité éternelle. Meurtrier, suicidaire. Plus de 7400 prisonniers politiques palestiniens Plus de 7400 Palestiniens croupissent aujourd'hui dans les geôles israéliennes. A l'échelle d'un pays comme la France, proportionnellement, cela représenterait... plus de 120.000 prisonniers politiques. Parmi eux, plus de 400 sont des enfants. Pour la plupart détenus avec des adultes, y compris des droits communs. 2500 enfants ont été arrêtés depuis le début de l'Intifada. Parmi ceux qui sont toujours prisonniers, plusieurs dizaines sont sous " détention administrative ", c'est-à-dire sans charge ni procès, de façon dite " préventive ", selon des réglementations héritées et réadaptées du mandat britannique. Près de 200 n'ont pas eu de procès. Les autres ont été lourdement condamnés après des aveux signés dans une langue qui n'est pas la leur, après des passages à tabac et des " interrogatoires " usant de " pressions physiques et psychologiques ", formule qui signifie usage de la torture. De nombreux enfants ont été condamnés à plusieurs mois pour jets de pierre contre des soldats d'occupation. Ces enfants demeurent privés de scolarité et de soins, parfois de nourriture et de sommeil. Plusieurs centaines de femmes et de jeunes filles ont aussi été arrêtées. Deux naissances ont eu lieu en prison, dans ces conditions. Pas un prisonnier n'a échappé à la torture. De toute nature. Privations de sommeil, enchaînements dans des positions insupportables, coups, usage de gaz lacrymogènes à l'intérieur des cellules, humiliations de toutes sortes... En violation des Conventions de Genève, une majorité des détenus est transférée sur le territoire israélien, privant dès lors les familles et nombre d'avocats de visites... Les images des tortures de même nature subies à la prison d'Abu Ghraib, en Irak, ont suscité l'émotion légitime de la communauté internationale, et de l'opinion américaine elle-même. Au point que des procès ont lieu, incriminant les exécutants de ces actes de barbarie, sanctionnés de quelques mois de prison. Pour leur défense, l'un de leurs avocats a plaidé la comparaison : les soldats américains n'auraient pas fait pire que leurs collègues israéliens. Ils auraient seulement copié. Alors que la torture est bannie de toutes les nations, que la justice internationale a fait sienne ce fondement éthique, Israël demeure le seul Etat à l'autoriser, contre la population palestinienne. Non seulement les tortionnaires bénéficient de l'impunité, mais de plus l'Etat revendique cette pratique d'un autre âge. Une plateforme humanitaire Aussi la plateforme revendicative des prisonniers palestiniens s'est-elle située sur le terrain des droits humains. Ils réclament que les gardiens cessent de les battre, de lancer des gaz lacrymogènes dans leurs cellules surpeuplées et infestées, la fin des fouilles au corps systématiques, dévêtus et au vu de tous, lors de tout déplacement, la fin des isolements durant de longues périodes, parfois des mois voire des années, le droit à des visites de leurs familles et de leurs proches et ce dans des conditions respectant la dignité de chacun, l'accès à des téléphones publics, des visites normales de leurs avocats, l'accès aux soins, à des régimes adaptés pour les malades, l'amélioration des conditions sanitaires, que les enfants soient séparés des adultes, la séparation des prisonniers d'avec les droits communs. Le gouvernement israélien et l'administration pénitentiaire
ont déclaré une guerre psychologique aux grévistes de la faim, usé de
toutes les pressions comme de toutes les rumeurs pour interrompre leur
mouvement. Certains medias ont évoqué un " bras de fer " entre
prisonniers et autorités israéliennes ; une image facile, qui
occulte cependant l'évidence d'un rapport de force, entre des geôliers
d'un côté, des hommes et des femmes de l'autre, prêts à mettre en jeu
leur vie pour voir respectés leurs droits, derrière les barreaux, prêts
supporter des jours puis des semaines de jeûne. Au programme d'Ofer
Lefler, l'un des porte-parole des prisons israéliennes : des parties
de barbecue pour les gardiens devant les cellules. Obscène. "
Nous étudions des moyens psychologiques pour traiter des problèmes comme
celui-ci ", annonçait-il mi-août.. De fait, les pressions se
sont multipliées, entre coups, refus de soins, isolements, transferts
multiples de détenus d'une prison à l'autre pour désorganiser le
mouvement... Les exactions dont ils sont victimes n'ont pas entamé la détermination des prisonniers politiques palestiniens, pas plus qu'elle n'est parvenue à mettre un terme à leur mouvement, soutenu par toute la société palestinienne. C'est avec un modèle politique bien particulier que les autorités politiques et pénitentiaires ont tenté de réprimer la grève : celui de la Grande-Bretagne de Margareth Thatcher qui, en 1981, n'a pas hésité à laisser mourir dix grévistes de la faim irlandais dans ses geôles avant de reconnaître enfin à ces détenus le statut de prisonniers politiques. Ils défendaient, eux aussi, une plateforme précise, autour de cinq revendications : pas d'uniforme carcéral, pas de travail obligatoire, droit de recevoir des colis, des visites, droit d'association. Dix d'entre eux sont morts dans les geôles britanniques. Assassinats assumés par le pouvoir d'alors. Parmi eux, Bobby Sands. Décédé le 5 mai 1981 après soixante-six jours de grève de la faim. Il venait d'être élu député à Westminster. Ni lui ni ses neuf camarades n'auront connu leur victoire posthume, tardive, la reconnaissance de leur statut politique. Rien d'étonnant dès lors que les prisonniers politiques palestiniens aient reçu le soutien des anciens prisonniers politiques irlandais, comme celui des détenus kurdes des prisons turques... Première victoire : les négociations ont dû s'ouvrir Les autorités israéliennes, qui jour après jour ont qualifié auprès de leur opinion ce mouvement d'hommes et de femmes désarmées dans leurs cellules de mouvement terroriste servant des revendications susceptibles de leur permettre de commettre des attentats, ont pourtant dû commencer à céder. Et les prisonniers palestiniens ont suspendu leur grève de la faim en ce début septembre, tandis que certaines de leurs revendications étaient satisfaites et que s'ouvraient des négociations. " La grève n'est que suspendue ", ont-ils cependant précisé. Elle pourrait reprendre à tout moment si les négociations n'aboutissent pas au respect de leurs droits élémentaires et de leur plateforme. Il s'agit aujourd'hui de continuer à développer une solidarité multiforme et aussi large que possible avec ces prisonniers politiques. En soutenant leur plateforme, d'abord, qui n'exige rien d'autre que le respect de droits élémentaires. Déjà, dans toute la Palestine occupée ont eu lieu des manifestations de solidarité, malgré la répression sauvage. C'est aussi le cas en Israël, où plusieurs associations de défense des droits humains, de même que le " Bloc de la paix ", appellent les autorités de Tel-Aviv à respecter les exigences des prisonniers. Un engagement ferme des parlements et des gouvernements nationaux de l'Union européenne et des instances européennes doit prévaloir d'urgence. Aucun prétexte ne saurait être avancé pour négliger des pressions efficaces pour contraindre le gouvernement israélien à respecter les revendications des grévistes de la faim. A respecter la Quatrième Convention de Genève. A respecter le droit humanitaire international. Au-delà, en exigeant leur libération. Comment imaginer construire la paix lorsque les forces vives de la population occupée croupissent en prison ? Tandis que le gouvernement israélien ne propose que des murs comme horizon, ces prisonniers politiques montrent que les brèches sont possibles, et construisent une autre voie. La paix suppose la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens. A commencer par les enfants. Les droits humains ne sont pas négociables. Isabelle Avran Source : France Palestine http://www.france-palestine.org/article731.html |
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