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Ha'aretz, 10 juillet 2005
Il y a un ennemi à
droite
par Doron Rosenblum
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Au cours de l'évacuation d'un avant-poste dans la bande de Gaza, quand
des
colons (pardon, des "extrémistes") se faisaient traîner par
les soldats, et
que les cris de "Un Juif n'expulse pas un Juif" se mêlaient à
ceux de "Ne
déracinez pas ce qui a été planté", un autre slogan, du registre
des anciens
slogans des colons, éclata soudain : "Laissez Tsahal gagner!"
(1). Celui qui
le criait était un colon qui résistait bec et ongles aux soldats du même
Tsahal, alors que l'un de ses camarades frappait férocement à coups de
pied
la tête d'un officier. Aurait-on pu créer dans un laboratoire un moment
aussi pur de "dissonance cognitive"? (2)
Puissance de l'inertie : pendant une génération entière, les colons se
sont
habitués à se voir comme l'alter ego du sionisme, comme les décideurs
autoproclamés de ses frontières, comme les commandants suprêmes des armées,
comme les intermédiaires exclusifs entre la volonté divine et la
politique
étrangère et de défense. Ils se sont si bien habitués à commander à
Tsahal
qu'ils continuent à lui donner des ordres, même quand le même Tsahal
les
traîne par les pieds et par les cheveux : ils continuent à le lancer sur
l'"ennemi", alors que ce sont eux qui jouent le rôle de
l'ennemi,
délibérément.
Comment en sont-ils arrivés là? Non seulement les colons (pardon, les
"extrémistes") refusent d'intérioriser le décret de désengagement
lui-même,
mais ils n'intériorisent pas non plus ce qu'il signifie, ce qui est
peut-être le plus important : la fin de leur position d'autorité suprême,
position qui leur a permis défier l'armée, les ministres de la Défense
et
les chefs d'état-major pendant toute une génération, de menacer et de
donner
des ordres : quelles maisons palestiniennes doivent être rasées, combien
d'arbres déracinés et où construire tel ou tel avant-poste. Ils se sont
si
bien habitués à cette symbiose armée-colons, militaro-religieuse, que
certains préfèrent déjà affronter l'armée en tant qu'ennemis déclarés,
tant
qu'ils peuvent se raccrocher à leurs jouets "sécuritaires" qui
les séparent
du vide existentiel.
Ainsi, des mois après que le désengagement a été approuvé par le
gouvernement israélien et par le parlement, le pays se remplit de toutes
sortes de colons "coordinateurs de la sécurité", de rabbins
qui défient
l'armée, de "spécialistes de la logistique" ("on a tous
fait l'armée et on
sait ce que c'est que le terrain") qui ont tout simplement déclaré
la guerre
à Tsahal et à l'Etat d'Israël, supposant (peut-être à juste raison)
qu'on
n'utilisera contre eux que des fusils en carton, parce qu'ils sont juifs.
L'un des colons les plus radicaux du Goush Katif, un certain Arieh
Yitzhaki,
qui tient la vedette dans la plupart des reportages de télévision sur le
désengagement, est capable de crier au commandant de la brigade de Gaza :
"A
partir de maintenant, c'est nous qui commandons! A partir de maintenant,
notre attitude envers la brigade va changer. Tu entends, Aviv? On enlève
les
gants!" Il y a plusieurs mois, on a vu ce colon annoncer le stockage
d'armes, et le début de man¦uvres logistiques contre "les troupes
d'assaut
de Dan Haloutz" (Dan Haloutz est le chef d'état-major, ndt), avec
pour
objectif la défaite de Tsahal. Et au nom de quoi? Au nom de la sécurité.
Cette semaine, le même commandant de la brigade de Gaza, le général
Aviv
Kokhavi, a rendu visite au quartier de Mouassi à Gaza (3). Il a essayé
de
parler aux Palestiniens et même de réparer les maisons détruites par
les
colons (pardon, les "extrémistes"). Il a dit que ces actes étaient
"une
honte". Le porte-parole du Goush Katif a réagi en disant que la
visite de
cet officier chez les Palestiniens l'avait "rempli de honte et
d'humiliation" (ce qui semble indiquer que la distance entre les
"extrémistes" et les "porte-parole" n'est pas si
grande). Et, comme s'il
s'agissait de montrer que l'ennemi de mon ennemi n'est pas nécessairement
mon ami, et que c'était même le contraire, l'officier a promis aux
Palestiniens que "nous les battrons et les ferons partir" (les
extrémistes
juifs) : nouvelle façon pour Tsahal de s'adresser aux colons. Une sorte
de
communauté d'intérêts de fait s'est créée entre l'armée, les
Palestiniens
modérés et la plus grande partie du public israélien de ce côté de la
barricade, alors que de l'autre se sont déployés le Hamas, le Hezbollah
et
les colons, ce pour quoi ces derniers ne peuvent s'en prendre qu'à
eux-mêmes.
Les colons sont allés trop loin dans le défi et la provocation. Pris
d'une
sorte de démence étrange, quasi suicidaire, non seulement ils parlent et
agissent comme l'ennemi, mais certains d'entre eux adoptent allègrement
ses
signes extérieurs : barbus et enturbannés, ils agitent des drapeaux
orange
ou jaunes et sont capables de n'importe quel acte de lynchage ou d'insanité.
Même les "modérés" agissent ouvertement contre les intérêts
de l'Etat
d'Israël, contre ses citoyens et contre ses infrastructures. Comme en a
témoigné le directeur de la prison où sont détenus les colons arrêtés
[pour
entrave au désengagement], ceux-ci se comportent comme les prisonniers de
sécurité palestiniens. Il y a même une différence entre la branche
"logistique", qui ne connaît aucune limite, et la branche
"politique" pseudo
naïve qui couine son bon droit et proteste qu'on "les traite en
ennemis".
Foin des circonlocutions : il y a un ennemi à droite. Quiconque se
comporte
en ennemi et parle en ennemi n'a pas à se plaindre d'être traité en
ennemi.
Et n'oublions pas : laissons Tsahal gagner.
(1) slogan qui signifiait, en substance : que l'échelon politique ne
s'embarrasse pas de calculs politiques, l'armée a la capacité de porter
un
coup mortel à l'intifada, qu'on la laisse faire
(2) sur la théorie de la dissonance cognitive de Leon Festinger, on
consultera par ex. http://fr.wikipedia.org/wiki/Dissonance_cognitive
(pardon
pour la cuistrerie)
(3) cf. http://www.lapaixmaintenant.org/article1095
( "Ce n'était pas un
spectacle isolé") et http://www.lapaixmaintenant.org/article1092
("Ce ne
sont pas des brebis galeuses")
Source
: La Paix Maintenant
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Ce texte
n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à
notre ligne politique. L'AFPS 59/62,
parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve,
néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer
son propre point de vue." |
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