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Ha'aretz, 23 mai 2005
Gaza : qui a peur de l'indépendance?
par Akiva Eldar
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Les nouveaux tirs de mortier et de roquettes Qassam sur des colonies israéliennes
depuis Gaza ont "fait naître des questions" au sein de l'armée
sur l'utilité des tentatives de coordination du désengagement avec les
forces de sécurité palestiniennes. Dov Weissglas, le conseiller du
Premier
ministre, déjà parti pour Washington avant la rencontre entre le président
Bush et Mahmoud Abbas, exploitera sans nul doute ces incidents pour
"faire naître des questions" sur la capacité de Mahmoud Abbas,
et même sur sa volonté, de protéger les citoyens israéliens. Bush réprimandera
les Palestiniens, Abbas promettra d'accélérer les réformes de son
appareil de sécurité, le Hamas réagira par des tirs, Israël se
plaindra auprès des Américains en disant qu'Abbas ne lève pas le petit
doigt pour imposer l'ordre dans la bande de Gaza et le cycle
continuera.
On peut supposer que les "questions" sur la capacité/volonté
de l'Autorité palestinienne à servir de tampon entre Israël et le Hamas
s'accumuleront si les tirs continuent après le désengagement. Après
tout, d'après le plan de désengagement, quand le retrait aura été
effectué, "l'argument selon lequel Gaza est un territoire occupé
deviendra sans fondement". En d'autres termes, une roquette tirée
depuis Gaza sur Sderot [ville israélienne proche de la bande de Gaza et
cible traditionnelle des tirs] le matin qui suivra le désengagement
n'aura pas le même "statut" qu'une roquette tirée depuis un
territoire occupé. Il sera considéré comme un acte d'agression d'un
pays
étranger contre un voisin, qui aura alors le droit de prendre les mesures
qu'il estimera nécessaires pour protéger ses citoyens.
Le plan dit aussi que "le désengagement ôtera toute validité à
l'argument évoqué contre Israël concernant ses responsabilités à l'égard
des Palestiniens de la bande de Gaza". Autrement dit, si les
habitants de Gaza meurent de faim ou de la peste, Israël pourra rediriger
les plaintes vers l'Egypte ou la Finlande. Exact? Non, absolument pas.
En réalité, le plan de désengagement sape l'argument israélien selon
lequel le retrait revient à mettre fin à une occupation dans la région.
Il stipule qu'"Israël se déploiera dans la région frontalière le
long de l'axe Philadelphie" qui sépare la bande de Gaza de l'Egypte,
et que, "si et quand les conditions seront favorables à une évacuation
de cette zone, Israël sera prêt à examiner la possibilité de créer un
port maritime et un aéroport dans la bande de Gaza". Inutile de préciser
qui décidera si "les conditions sont favorables" pour que les
Palestiniens puissent prendre le contrôle des portes de Gaza qui donnent
accès au monde extérieur. Difficile d'envisager symbole plus fort d'une
occupation que le contrôle par un pays étranger des frontières de son
voisin, par terre, mer et air.
Si le contraire d'une occupation, c'est la liberté et la souveraineté,
l'entité indépendante qui naîtra dans la bande de Gaza devrait avoir le
loisir d'inviter tous les réfugiés à y entrer, qui exerceraient ainsi
leur droit au retour. De son côté, la communauté internationale ne
reconnaîtra aucune "fin d'occupation" dans une zone où un Etat
étranger décide de qui peut ou non y pénétrer.
D'un autre côté, l'indépendance a un prix que les Palestiniens n'ont
pas très envie de payer. Sharon a déclaré que ceux qui ne veulent pas
voir de soldats israéliens dans le couloir de Philadelphie et veulent opérer
de manière indépendante l'aéroport de Dahaniyeh [ancien aéroport de la
bande de Gaza, pour l'instant en ruines] devront renoncer aux accords
douaniers
israéliens, ce qui signifie la fin de l'"enveloppe" douanière
qui concerne Israël et les Territoires. Les Palestiniens craignent qu'un
système douanier différent à Gaza porte atteinte à leur économie déjà
bien malade. Pire, ils
craignent que la séparation entre les deux parties de la Palestine
[Cisjordanie et Gaza, ndt] aide Sharon à réaliser son plan de perpétuation
de l'occupation israélienne en Cisjordanie.
Difficile d'accuser les Palestiniens de paranoïa. Pas mal d'Israéliens
pensent en effet que "Gaza d'abord", c'est "Gaza et puis
c'est tout". Mais ceux qui depuis longtemps rêvent d'indépendance
ne peuvent pas y renoncer quand cette indépendance est à leur porte,
pour un plat de lentilles douteux. Pendant de nombreuses années, Gaza
s'est débrouillée sans "enveloppe économique". Et, quant à
la crainte que la séparation économique [avec la Cisjordanie] devienne
une séparation politique, cela ne se produira que si, et quand, le
gouvernement palestinien indépendant transforme la bande de Gaza en un
Etat terroriste.
Jeffery Aaronson, de la American Foundation for Peace in the Middle East,
qui a étudié les implications du désengagement pour le compte du
gouvernement canadien, affirme : "sans souveraineté à Gaza, il n'y
a aucune chance pour que se produisent des réformes de l'appareil
palestinien de sécurité, et l'absence de réformes est une garantie du
retour des violences, ce qui éloignera d'autant les Palestiniens de l'indépendance.
Et qui sait quand ils auront une autre chance?"
Source
: La Paix Maintenant
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