AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


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MISSION CIVILE. 94-B. -   Palestine   -       25 octobre-2 novembre. 2004  (Francis-Annie-Denise-Geneviève-Brigitte-Genevi-ève -( Sofiane)

Reportage photos  >>

 

Lundi 25 octobre

Arrivée à l'aéroport ( Bruxelles-Zurich-Tel-Aviv) à 2 h.30 du matin. Le passage police des frontières se fait sans aucune difficulté, contrairement à l'année dernière.

A peine une question sur le but supposé de mon voyage (tourisme, bien sûr).Je n'ai pas de tampon de mon passage de l'an dernier, en revanche, cette fois, mon passeport est tamponné d'office. Tant pis.

Hafida passe avec la même facilité, elle en est presque déçue !

Nous prenons un bus pour Jérusalem, déclinant l'offre d'un voyageur juif (reconnaissable à son accoutrement), d'un taxi partagé.

Porte de Jaffa, nous sommes très en avance sur nos prévisions, il n'est que 4 h. du matin !

Nous sommes devant la citadelle pour l'appel à la prière, des musulmans se dirigent vers la mosquée Al Aqsa, Hafida les accompagne. A la Porte de la Chaîne (Bab al Silsila), un policier israëlien contrôle Hafida, qui s'est voilée, lui fait réciter des versets du Coran pour vérifier qu'elle est bien musulmane !

Je l'attends, en gardant les bagages, près des policiers;l'un dort  affalé sur une petite table (« very very tired »), l'autre vérifie de façon apparemment aléatoire les sacs et/ou papiers de fidèles et se dit grand amateur de foot français, de Zizou, Desailly....

Chronique ordinaire d'un petit matin d'occupation, tandis que des cloches sonnent, des oiseaux s'amusent, des chats errent et une radio bavarde....

Nous rejoignons l'hôtel Petra, pour signaler notre arrivée à ceux qui nous ont devancés(Annie et Francis).

A 9h.30, réunion à l'AIC et départ en bus pour 4h.de visite de Jérusalem : « ligne de démarcation Est-Ouest », colonies, colonies, check-point et le MUR, le MUR, le MUR.

Il est terminé à Ramallah depuis 3 mois, très avancé à Qalandia.(photos du check-point).Il est, à Abou Dis, un serpent de béton  contre lequel butent des moutons indifférents.

Et aussi la prison d'OFRA, le long de la route ; nous voyons les prisonniers palestiniens, dans une sorte de couloir couvert de tôles...

Et encore les bédouins de Bir Na Balla, comme perdus dans la nasse de la colonisation, ceux de la tribu JA-Alin oppressés par la colonie de Ma'Ale Adoumim, si envahissante.

L'implantation de la zone commerciale de Sha'Arbin Yamin, pour les colons, évidemment, relève d'une stratégie  de contrôle de l'espace et des terres très élaborée. Yasser nous l'explique tandis qu' un colon qui s'est approché de notre groupe écoute d'abord puis proteste: « je n'ai jamais entendu de telles stupidités... ».Nous le laissons contredire sans réagir, il finit par s'en aller. Michel et Aïcha le rejoignent à la station-service pour l'interroger, le filmer.

De retour à l'AIC, réunion avec Hassib ( que j'avais rencontré l'an dernier, à la même époque, à Yanoun).Plan de campagne pour la cueillette des olives;

Cette campagne, gérée par 17 comités en association avec 3 associations israéliennes se présente comme plus difficile cette année ; les colons se montrent d'autant plus agressifs qu'ils agissent dans l'impunité.

Rendez-vous est pris pour demain matin à 7h. Porte de Damas, à Jérusalem, tous ensemble, pour prendre un bus (N°18) pour Qalandia où les sous -groupes (94A et 94B) se sépareront.

 

Mardi 26.10.h.

Porte de Damas, tout-le-monde est là, sauf Michel et Aïcha qui ont prévenu qu'ils nous rejoindraient directement au point de rendez-vous au check-point de Qalandia..

Nous prenons le bus ensemble pour Qalandia.Il est rempli de Palestiniens.

Au check-point, la vie est impétueuse, elle s'insinue partout:entre les obstacles -murs, barrières, barbelés, jeeps, soldats- des écoliers,l ycéens, mères de familles avec leurs enfants, des hommes et des camions, des taxis, des klaxons, des piétons, avec toujours comme horizon le MUR, le MUR.

Des marchands de fruits et légumes ont installé un petit étal, devant des barbelés. Des soldats israéliens déambulent, armés de leurs fusils et équipés de grenades lacrymogènes(cylindres oranges).Nous ne nous approchons pas du check-point puisque nous allons partir vers Deir Astya en minibus, en évitant Ramallah.

Michel et Aïcha ne sont pas au rendez-vous (?), nous partons sans eux et Sofiane nous accompagne.

A Deir Astya, nous sommes accueillis par notre contact, Rezek , du PPP, qui nous expose la situation générale avant que nous partions cueillir.

Michel et Aïcha nous rejoignent, ils nous auraient attendus, en vain, de l'autre côté du check-point (????).Tentative de « recollage des morceaux », de cohésion du groupe : je découvre avec surprise que Aïcha est la coordonnatrice du groupe, ( à Paris, j'avais dû quitter la réunion avant la fin), je ne risquais pas de le remarquer, eu égard à sa déficience totale. Nous avons décidé , en son absence, que Denise, qui parle arabe, et genevi-ève seraient coordinatrices, Brigitte est chargée des contacts téléphoniques et , avec Geneviève, des traductions en anglais.

Cueillette d'olives l'après-midi, pour s'exercer.

L'oliveraie est gigantesque, à perte de vue et, en vue, les colonies (il y en a 9), dont la fameuse ARIEL.

De retour au village, nous partageons le repas de rupture du jeûne et passons la soirée , sur la terrasse, chez des voisins, aisés. Des membres de la famille travaillent à Naplouse , au ministère du tourisme  et dans d'autres institutions officielles. Le jardin potager et fruitier est magnifique :pamplemousses, citrons, oranges, grenades, fèves, mirabelles... ; l'eau ne manque pas.

Narguilé et échanges de réflexions, l'ambiance est apparemment sereine, les colonies brillent de tous leurs feux, aux alentours. Les incursions des colons dans le village sont assez rares mais les difficultés pour se rendre à Naplouse, chez le médecin, à l'hôpital, à l'université, sont permanentes. Un jeune  qui a cueilli avec nous a ainsi dû interrompre ses études.

Denise, Geneviève et moi (genevi-ève) allons dormir chez Najwa et son frère Nahel, sourd-muet, à la sortie du village.

Najwa serait une avocate (« lawer) qui aurait connu une vie professionnelle et sociale importante : de nombreuses photos de congrès internationaux en témoignent.

Pour l'heure, elle ne peut travailler ( pbs de déplacement) et ne veut quitter sa maison qui a déjà été attaquée par des militaires nous voyons les impacts de balles dans les portes-Les forces d'occupation lui auraient promis de faire de sa maison un « désert »!Elle paraît totalement désemparée, son frère a très peur des colons et des soldats( il a déjà été arrêté).

 

Mercredi 27.10.

Nous sommes censées cueillir chez Najwa, devant sa maison, non loin des colons.

Nous commençons et... nous nous posons vite des questions : nous sommes seules à cueillir !!!! Najwa se repose dans sa maison et Nahel se fait chef de chantier (quand il  ne joue pas avec le téléphone, tout sourd-muet qu'il est.. cela ne manque pas de nous intriguer !).

Les autres membres du groupe ( diminué de Michel et Aïcha qui n'en font plus partie) nous rejoignent, nous cueillons sans conviction, réussissons quand même  à faire participer Najwa qui nous émeut presque. Elle est femme seule, célibataire, quelque peu déchue, a la charge de son frère. D'ailleurs, dans le village, elle ne paraît pas bien considérée, elle dit qu'elle s'en moque et veut se présenter comme  candidate à la mairie mais remplacerait-on un borgne par une édentée, lui aurait-on fait remarquer !!!

Tsahal, l'armée israélienne ,passe plusieurs fois ,en jeep, sur la route toute proche.

A midi, nous levons heureusement le camp, sur l'initiative de Sophiane et au grand désespoir de Najwa !

De retour au centre du village, nous attendons un moyen de transport pour Qalqiliya..l 'attente est une occupation de base dans ce pays incertain !

Nous apprenons que, hier, à Koutif (?), un cueilleur d'olives a été tué dans son arbre, par un colon; il était père de 2 enfants, avait 32 ans. Encore des morts à Gaza..

Arrivée à Qalqiliya, à 12 kms de la mer. Celle-ci est évidemment inaccessible.

Avant 1949, les paysans avaient accès aux champs jusqu'au littoral. Quand cela leur fut interdit, ils se sont tournés vers l'intérieur, sont devenus des experts en agriculture, très réputés; ils exportaient vers les pays du Golfe.

Israël a tout détruit : expulsions, déplacements, destructions, pillages, incendies ,en 1967.

Pour prendre le maximum de terres, l'occupant a alors ouvert l'accès pour travailler... en Israël : en 3 ans, il a été délivré plus de permis pour bosser en Israël qu'en 50 ans !

La ville est devenue une cité-dortoir et l'agriculture a changé : les serres se sont multipliées pour le marché israélien tandis que les permis de construire se multipliaient sur les terres agricoles et que des pompes et puits étaient supprimés.

Il faut parler aussi des ordures israéliennes, accumulées à 200 mètres des maisons de Qalqilya.La Knesset a obligé Israël à déplacer cette décharge, elle fut ré-implantée près d'une réserve d'eau qui alimente 6 villages. Contre les insectes et les odeurs, les Israéliens pulvérisent et plantent des arbres ..odorants ! 60% de  la production  des abeilles est détruite.

Qalqilya s'appelait autrefois Var Shalom, l'endroit du repos !

 

Accueil chaleureux au PPP puis au PARC.

« pas de mur entre les peuples, pas de peuple entre les murs », ce slogan prend tout son sens..

La ville est  en « cage », encerclée, enfermée par le MUR, long de 13 kms et plus ou moins large(de 53 à 104 mètres).

2200 dunums de vergers et de terres qui appartenaient à 543 agriculteurs se trouvent éradiqués par cette construction qui bouche l'horizon, au propre comme au figuré , qui interdit aux paysans d'accéder à leurs terres, qui interrompt brutalement la route pour Tel-Aviv, assez proche, qui met Habla, village voisin hors de portée malgré seulement 3 kms de distance.

Mais aussi la question de l'eau :Qalqilya se trouve au-dessus d'un bassin qui renferme 53% des ressources en eau palestiniennes. Israël y pompe, y vole 25% de l'eau dont elle a besoin ; 17 colonies se sont implantées sur les nappes phréatiques.

42000 habitants, dont 35000 réfugiés, en prison à ciel ouvert., 100.000 arbres détruits; l'agriculture qui faisait la richesse et la fierté de Qalqilya est sinistrée. La plupart des fermes sont devenues zone militaire.

40% des magasins ont fermé leurs portes, le taux de chômage est de 65%.

Sur les 8000 familles de la ville, 6000 bénéficient périodiquement de secours (colis alimentaires) de la part d'organisations internationales. La malnutrition se répand et entraîne l'anémie qui touche 40% de la population(sources:Qalqilya Hospital UNRWA).

L'éducation est frappée de plein fouet, elle aussi ; en 2002, le pourcentage de journées scolaires perdues s'élève à 25%; 600 étudiants ainsi que 74 enseignants universitaires originaires des villages avoisinants ne peuvent plus suivre/dispenser régulièrement les cours de l'Université.

Le programme militaire « Estomacs vides » (sic) fait en sorte d'étrangler la ville mais la ville affirme « Sharon peut bien déraciner les arbres et nous affamer, nous ne nous laisserons pas déraciner » (« S.O.S, Struggle for Survival », dépliant distribué au PARC).

Concrètement, deux ouvertures ,pour les paysans, sont fermées ! Il reste UN check-point.

Fayçal mettait 10 mn pour aller à ses champs, il lui faut maintenant au minimum 2 heures; il commençait à travailler à la fraîche, à 5h. du matin, il n'arrive désormais pas avant 9 h., quand le soleil est déjà chaud. Il est le seul  à disposer d'un permis pour aller cultiver ses champs, il n'a pu l'obtenir qu'à partir d'une carte magnétique qui n'est délivrée que s'il est un « good man », s'il n'a jamais eu le moindre problème avec les autorités d'occupation. S'il veut des permis pour des ouvriers agricoles, dont il a besoin, il doit présenter aux Israéliens des hommes mariés, pères de famille!

La vie quotidienne est semée d'embûches, chaque maison peut raconter une histoire, comme celle du médecin pratiquant une injection, sur un enfant malade, à travers une clôture ou encore celle du père non autorisé à passer avec son enfant malade et qui a laissé celui-ci devant la clôture. 

L'humour, politesse du désespoir ?  « si tu veux dormir avec ta femme, il te faut leur permission ».

 

« et après cela, Sharon demande pourquoi des kamikases ? »!

 

La ghettoïsation systématique ne semble pas entamer l'irréductible volonté de résister, de vivre : « s'ils détruisent ici, je reconstruirai là, je suis un être humain, la vie continue, dites le en France, en Europe, vos visites sont très importantes pour nous ....ils peuvent tout tuer, tout détruire mais jamais notre volonté de survivre, de vivre.. la nouvelle génération n'a pas de travail, beaucoup d'étudiants ne peuvent étudier, tout cela fait des bombes.., le mur est fait pour augmenter le terrorisme... nous aimons la paix, nous voulons vivre en paix, il faut trouver un chemin pour arrêter cela », dit avec émotion Fayçal qui nous reçoit dans son magnifique jardin dessiné par une israélienne, avant l'Intifada. Il nous montre une photo du marché couvert ,dont il était propriétaire. Il a été détruit en une demi-heure, la nuit, sans avertissement et donc avec tout son contenu, pour permettre au MUR de se déployer !

Questions récurrentes , en notre direction : « Pourquoi l'Europe ne fait-elle rien ? »et aussi «  pourquoi cette loi qui interdit le voile en France? » Nos hôtes découvrent que l'interdiction ne vaut que pour l'école.

Nous sommes installés,  tous les 7 que nous sommes, dans un appartement confortable , pour cette nuit.

Sofiane se fait bercer par les ventilateurs, avec délice !

 

Jeudi 28 octobre

 

Nous quittons Qalqilya, en direction de TULKAREM.

Normalement, il faudrait peut-être 15 mn de route. Mais il n'est possible de sortir du piège que par l'unique check-point. Nous y faisons la queue pendant trois quarts d'heure, enfermés dans notre taxi-service. Nous avons ainsi le « loisir » d'observer de très jeunes policiers israéliens faire leur loi, fouiller les sacs, s'engueuler aussi. Nous assistons à la relève, les candidats au passage n'ont pas, eux, la possibilité de s'extraire de ce nœud coulant !

Des taxis, arrivés de la ville, déversent leurs passagers qui tentent de passer, à pied, avec leurs paquets, leurs bébés. Une camionnette pleine de végétaux fait la navette jusqu'à une sorte de parking où se trouve un camion qui reçoit les chargements; il essaiera de passer pour des livraisons improbables.

Le temps n'a plus de sens.

Pour rentrer à Tulkarem, il faut quitter notre taxi pour qui le voyage s'arrête là et passer à pied .... jusqu'au check-point suivant où nous attendent des taxis pour atteindre la ville !

 « Cisjordanie, Pays des ckeck-points » le dit si bien Azmi Bishara ( « Check-point », Actes Sud.2004).

Nos passeports sont regardés rapidement  et nous passons sans problèmes, comme souvent et pas comme les Palestiniens!

A Tulkarem, nous sommes reçus au PARC,  où nous attendons l'autre groupe qui ne viendra finalement pas.

Tergiversations, contre-ordres, hésitations, bref, le groupe 94A irait à Beit Jalla(Bethléem) et nous (94-B) à QUFFEEN (8000 habitants), près de la colonie de Harmich (70 maisons, environ 300 habitants), à 20 kms au nord de Tulkarem, à une vingtaine de kilomètres seulement de Jénine. La Palestine est un mouchoir de poche.

Nous faisons quelques emplettes dans un petit magasin, des  lycéens nous interpellent avec des « Shalom » un rien provocateurs. La conversation s'engage, en arabe, grâce à Denise; nous expliquons ce que nous faisons ici, ils veulent alors que nous les accompagnions au camp de réfugiés où ils vivent. Nous n'en avons pas le temps.

Francis et Annie doivent nous quitter, il leur faut intégrer le shabbat dans l'organisation de leur retour, ils accompagnent Sophiane qui rentre à Rammallah.

Nous nous séparons à regret, le groupe est maintenant très restreint : Brigitte, Denise, Geneviève, Genevi-ève , mais toujours aussi homogène et efficace, la coordination continue à se faire par ajustement mutuel, naturellement.

Un taxi collectif nous emmène à QUFFEEN et nous pose au PARC. Il faut dire que les réseaux fonctionnent bien, que nous n'avons aucun souci à nous faire pour les déplacements, le gîte et le couvert, à condition de nous adapter aux horaires du ramadan !

Petit flottement quand même au PARC: Rusdi et Omar semblaient attendre plus de monde et pour plusieurs jours. La plupart des champs sont de l'autre côté du MUR, seul le propriétaire a un permis pour passer. D'autres champs  se trouvent derrière une clôture posée par les colons. Pour y cueillir, il faudrait être nombreux.. Les Palestiniens paraissent finalement plus soucieux de notre propre sécurité !

En attendant de prendre une décision, qui prendra du temps, la situation du village nous est présentée : la construction du MUR a pris 6500 donums ( unité de mesure comparable à l'hectare), la colonie voisine occupe elle-même 500 donums; il y a donc 2 problèmes, celui de la terre, celui de la colonie. Le taux de chômage dans le bourg est très important; Rusdi(43 ans, père de famille) ne travaille pas depuis 3 ans, Omar, diplômé en gestion après avoir fait ses études en Inde, est sans emploi.

Le moulin à huile d'olives, que nous visitons, tourne à plein mais l'huile ne peut être commercialisée. Le résidu sec des olives broyées, avec le noyau, constitue une sorte de tourbe qui est employée comme combustible pour les fours à pain, comme nous aurons l'occasion de le voir chez Daoulat.

L'huile d'olive devient aussi du savon ; nous souhaitons en acheter, nous nous informons du prix, nous payons mais la femme qui nous l'a vendu... nous rend l'argent, c'est cadeau !

C'est l'heure de la rupture du jeûne, nous sommes invités chez Rusdi et de nouveau les interrogations sur la France, l'Europe par rapport à la Palestine..

De retour au PARC - ( au rez-de-chaussée, un local pour le sport des garçons : Kung-fu, karaté, rien n'est prévu pour les filles, « ce n'est pas la ville, ici ») - nous voyons ,à la TV , des images assez pitoyables du départ de Yasser Arafat pour une hospitalisation en France.

Finalement ,et après beaucoup de coups de fil, y compris à Pengon, décision est prise de cueillir en -deça de la clôture de la colonie. Nous cueillerons avec la famille de Omar chez qui nous nous installons confortablement. Nous sommes choyées !

La nuit, orage, pluie et ,aux aurores, les tambours arpentent la commune pour annoncer le début de jeûne.

 

Vendredi 29 octobre.

 

Réveil à 6h. Petit déjeuner très apprécié et cueillette des olives jusqu'à 13h.30.

Femmes, enfants (il n'y a pas classe aujourd'hui), chansons (« we shall overcome »,« frère Jacques » en canon, les enfants répètent « ding-deng-dong » avec amusement).Le ciel tonne un peu.

La colonie toute proche ( 1km ?), derrière la butte, ne se sent pas. L'ambiance est travailleuse et chaleureuse.

Petits moments de grâce, de répit ? En tout cas, partage.

Après une toilette et une sieste, nous déménageons .Nous participons au repas de rupture du jeûne dans la famille avec laquelle nous avons cueilli.

La tante, 61 ans et qui a fait le pélerinage de la Mecque(ce n'est pas très loin) il y a un an ,est choquée par nos demi-jambes nues ; elle prétexte , délicatement, un prétendu froid pour nous proposer un drap qui  nous couvrirait. Nous obtempérons, pas dupes.

Et retour au PARC où nous apprenons qu'à Yanoun, il y a une quinzaine, 2 Palestiniens auraient été agressés par des colons , l'armée d'occupation serait arrivée et aurait..... « ficelé »(sic !) les 2 agressés jusqu'à ce que les femmes de « Women Right's Watcher » arrivent et que tout rentre dans l'ordre, chacun rentrant chez soi.

Nous rencontrons aussi deux femmes de IWPS ( International Women Peace Service), une française et une canadienne (membre fondatrice).

Cette organisation oeuvre à la sensibilisation des israéliens à la situation palestinienne, elle a été créée en 2002 pour 3 ans, est constituée de 16 membres-fondateurs et de volontaires. Elle connaît des problèmes , particulièrement  des blocages à la frontière ; actuellement, une militante anglaise attend , dans une cellule à l'aéroport, un avion pour être refoulée).Les Israéliens révèleraient des motivations diverses et parfois surprenantes(paternalisme colonialiste, par exemple !).

Quoi qu'il en soit, aujourd'hui à Quffeen, 2 israéliens et 2 encadrants de IWPS sont empêchés de passer la porte du MUR.

Les 2 militantes  paraissent très sérieuses et peu sensibles- c'est le moins que l'on puisse dire- à nos fous-rires et propositions abracadantesques ( organiser des charters de visite du MUR !).

Pour la nuit, nous sommes installées chez la sœur de Rusdi : Daoulat, magnifique femme de 40 ans qui en paraît beaucoup moins, mère de 7 enfants , dont Kafen -15 ans-pétillante, si pleine de vie, de projets. Le courant passe entre nous, nous nous sentons «  à la maison ».

Daoulat n'a dormi qu'une heure la nuit précédente (Ramadan oblige), notre belle hôtesse, always busy ( elle parle anglais) est fatiguée, nous essayons  de ne pas la retenir( ce que n'ont pas l'air de comprendre les 2 de IWPS qui nous ont rejointes).

Samedi 30 octobre.

De nouveau les tambours, cette nuit et aussi des piqûres de moustique. Nous nous levons à 5h. pour un départ aux zitounes (olives) à 5h.30 avec Daoulat, son mari, un de leurs fils.

Nous bossons bien- 12 arbres, 5  sacs et demi- jusqu'à près de 14h.

Nous voyons, au loin, les tours d'une centrale nucléaire, nous ne sommes pas loin de la mer, mer interdite, comme le reste, aux Palestiniens.

Daoulat  est très fatiguée, cela ne l'empêchera pas de vaquer aux occupations ménagères , en rentrant : faire le pain dans le four traditionnel, préparer le repas de rupture du jeûne, aller à la mosquée...

Au village, nous continuons à être l'attraction ; des jeunes nous emmènent  , près d'un terrain de foot, où une vache  et des brebis sont traites .Ils parlent de leur vie, de leurs études  empêchées.

Le village paraît ordinaire, paisible. Qui ne connaît pas la situation pourrait s'y méprendre.

Nous décidons de rester ce soir, il sera encore temps de partir pour Ramallah demain matin.

Nous nous couchons avec les poules, pour permettre aussi à Daoulat de dormir un peu.

 

Dimanche 31 octobre.

Lever à 5 heures, adieux à Daoulat, aux filles qui révisent leur contrôle avant de partir à l'école.

Une voiture-taxi vient nous chercher pour Tulkarem où nous prendrons le bus pour Ramallah.

A Tulkarem, nous prenons le bus qui doit s'arrêter au check-point. Comme d'habitude, de très jeunes soldats contrôlent ; ils font descendre 2 passagers, par le fond mais nous repartons , au complet, assez vite, finalement.

Nous avons l'impression de passer par un étroit boyau entre les colonies qui sont partout, tous azimuts..

A Ramallah, nous déposons nos affaires au PARC où nous avons rendez-vous avec l'autre groupe à 14 h. et nous partons, à pied, par la place des Lions et la rue de la radio vers la MUQATA, plaie béante.

Nous pouvons entrer, photographier- mais pas les gardes-

Yasser Arafat est hospitalisé en France,  « sans lui, it's not beautiful » dit un jeune policier, très ému.

Les traces de l'attaque de Tsahal en 2002 sont impressionnantes : les voitures écrasées par les chars sont entassées, des pans entiers de murs pendouillent dans le vide, des gravats  sont amoncelés, un fauteuil  semble attendre au milieu des ruines.

Un vigile campe sur le toit d'un immeuble qui n'est plus que son ombre et des bidons bleus remplis de ciment (s'agit-il d'une oeuvre d'art, d'une installation à la Buren ?) sont censés retarder la progression des chars, le cas échéant.

La presse internationale campe devant le perron, encombré de sacs  de protection contre une attaque. Elle attend une déclaration de l'Autorité Palestinienne.

Nous détonons....un journaliste asiatique s'approche pour nous photographier, en discussion avec un garde, nous refusons ; une journaliste de l'AFP  le fera en douce et nous suivra ensuite pour s'enquérir du motif de notre présence ici qui étonne. Nous éludons.

Sur le chemin du retour, nous pique-niquons sous un olivier dans le jardin d'une école pour enfants en soutien psychologique.

Dans Ramallah, nous sommes très chaleureusement accueillis quand nous disons que nous venons de France ; tout-le-monde pense à Abou Ammar accueilli par la France. Nous avions déjà la cote avant...

Quelques photos  :- une banderole blanche sur laquelle l'étoile juive  est comparée, par un signe « plus grand que », à la croix gammée.

        - la Fontaine de la Place des Lions, enrubannée de calicots ( à déchiffrer !
        une publicité peinte sur le pignon d'un mur : une souris ailée s'envole, un homme grimpe au fil qui la relie à l'ordinateur. Il est vrai que Internet et le mobile sont des instruments fabuleux pour desserrer l'étau.

Retour au PARC, dans un très bel immeuble. Nous apprenons qu'aujourd'hui, près de Hébron, il y a eu un blessé grave, lors de la cueillette des olives. En une semaine, 2 morts et un blessé, des Français auraient été expulsés  de la cueillette par les colons, l'armée aurait prêté main forte aux agresseurs et aurait tiré en l'air. Hassib nous parle d'informations ,qui resteraient à vérifier, relatives à des Bédouins « bombardés » par des produits chimiques, dans le Sud .

Il est décidé que nous -Denise, Genviève, Brigitte et Genevi-ève- nous rendrons  demain à Budrus où il y a aurait besoin de protection pour les olives.

Nous dormons à Ramallah, dans un petit appartement qui est mis à notre disposition.

 

Lundi 1 novembre.

Tôt le matin, en attendant que l'on vienne nous chercher, comme prévu, nous admirons le paysage, en toute innocence : nous n'avons pas capté que nous sommes en zone C, sous contrôle israélien et donc nous faisons des photos, particulièrement des nombreuses colonies avoisinantes.

Quand Achrab arrive et nous voit faire, il nous fait rentrer vite fait, non sans nous avoir montré les impacts des tirs sur les murs de la maison voisine ! La journée commence bien... nous ne sommes pas au bout de nos émotions...

Nous partons donc, après quelque flou, pour BUDRUS, à une quarantaine de kilomètres à l'ouest de Ramallah, où nous devrions, ou pas (?),cueillir les zitounes.

QIBIA, d'abord, village martyr : en 1953, Sharon, déjà lui , a ravagé le village.73 civils tués, 200 expulsés vers la Jordanie, 30% seulement en sont revenus. Des ruines demeurent  à côté d'un moulin à huile  qui serait vieux de 3000 ans, taillé dans la pierre.

Nous nous posons  dans un local où un jeune qui nous accompagne a exposé de belles photos du village. On nous montre la photo de Aïcha Ali Hasan, décédée en mai 2002, à l'âge de 21 ans, pour n'avoir pu être dialysée, du fait des check-points. Elle était la soeur de l'un de nos accompagnateurs.

Brahim , 21 ans, est sorti de prison ; il nous montre un tatouage qui lui a été fait au bras.

On nous donne les peignes pour cueillir les olives mais nous n'avons pas l'impression que nous allons cueillir....

Nous sommes emmenées à la périphérie du village, là où passe la route des colons qui est aussi le «  mur », en attendant la clôture électrifiée. De l'autre côté de la route, les oliviers, interdits.

Les Palestiniens voudraient que nous passions de l'autre côté, nous avons un peu le sentiment qu'ils cherchent à provoquer l'incident, sachant que nous sommes en zone C encore et sous surveillance permanente et que nous ne sommes manifestement pas venus pour cueillir

D'ailleurs, il ne faut pas longtemps pour qu'une jeep de l'armée déboule mais passe son chemin. Deux Palestiniens avaient eu le temps de traverser la route, cueillir quelques olives et revenir. Brigitte propose une belle photo : les olives « interdites », dans la main du propriétaire,  avec, en arrière-plan les oliviers inaccessibles.

Une deuxième jeep arrive et s'arrête, nous décampons en accélérant  notre pas. Les soldats nous intiment l'ordre d'arrêter, nous obtempérons tandis qu'un palestinien réussit à s'enfuir. Quand nous nous retournons, la surprise est presque réciproque : les mômes-soldats découvrent des « mamies » dont deux aux cheveux bien blancs ! Nous en jouerons sans vergogne !Un soldat prend les papiers d'un Palestinien et nous somme de descendre le talus jusqu'à la jeep. Nous prétendons que nous ne pouvons pas, nous faisons traîner en longueur, prévenons que nous voulons contacter le consulat, «  vous pouvez bien téléphoner à qui vous voulez, vous êtes en zone militaire, sous notre contrôle , allez, venez !», mais le blondinet ne semble pas trop savoir comment se faire obéir de ces mémés  récalcitrantes!une voiture de police vient en renfort tandis que le consulat est effectivement avisé de notre situation (vive le portable!)

Finalement, la jeep de la police s'en va, les papiers sont rendus, nous pouvons partir. Les Palestiniens disent que sans notre présence, ils auraient été embarqués et tabassés. Celui qui a dû montrer ses papiers doit se présenter aux autorités israéliennes  d'ici une semaine, il dit qu'il n'ira pas.

Nous marchons sur une petite route, en bordure du village, jusqu'à BUDRUS.

En cours de route, nous apprenons, par le portable, l'attentat qui vient d'avoir lieu  dans un marché à Tel-Aviv, qui est assez proche.

Est-ce pour nous, après l'incident, ou à cause de l'attentat qu'un hélicoptère survole la route au bord de laquelle nous étions ?

Nous arrivons à BUDRUS après avoir rencontré une voiture  avec plaque minéralogique israélienne : un américain et deux canadiens semblent très mal à l'aise face au questionnenent allègre de Brigitte !

Nous sommes conduits à la maison d'un responsable (?) et, là, surprise, les 3 passagers de la voiture y sont ,avec une quinzaine d'autres personnes, des internationaux  et UN israélien (refuznik); Les amis  de ce dernier( il en attendait une trentaine) n'ont pu passer, certainement à la suite de l'attentat de Tel-Aviv.

Le « responsable » est celui du comité « stop the wall », une « démonstration » est prévue devant les engins de terrassement qui sont en train de défoncer la colline pour le MUR.

Les Israéliens attendus étaient ceux de Gush Shalom. Nos amis palestiniens nous demandent si nous voulons participer; il est clair qu'ils nous ont amenés ici pour cela , maintenant nous comprenons. Nous sommes d'accord.

Après une prise de parole au mégaphone, une distribution d'oignons ,le cortège s'ébranle : hommes, femmes, enfants, internationaux, nous sommes peut-être 80 ? Nous apercevons le mouvement des militaires, sous les arbres, en face, dans la colline. La jonction se fait, à proximité des engins en action. Bousculades, grenades lacrymogènes ( le pourquoi de la distribution des oignons !!), course-poursuite, coups, discussions aussi : «  vous avez peur des enfants ! »  invective Brigitte et le jeune soldat de répondre «  non, je n'ai pas peur ! »  mais cela ne semble pas !

l'Israélien est attrapé par les soldats, « libéré » par les palestiniens, nous formons un rempart pour le protéger. Un soldat est déstabilisé par un jeune, il tombe, applaudissements... une soldate s'affronte verbalement aux femmes, porteuses du drapeau palestinien.

Flux et reflux des manifestants, dans la fumée ; les femmes retiennent les enfants, un jeune très en colère est refoulé par les femmes  et les internationaux sont finalement priés de se replier.Entre-temps, des jeeps sont arrivées par la route, les manifestants sont pris en sandwich, des enfants   se planquent derrière des cactus et lancent quelques pauvres pierres, un soldat se met en position de tir tendu et tire sur eux! Les internationaux ne cessent de crier « ce sont des enfants, ne tirez pas! ».

Des jeunes femmes obstruent les rues de grosses pierres, pour retarder  le passage des jeeps, les manifestants rentrent au village, il est temps pour nous de partir, par un sentier éloigné de la route, pour plus de sécurité.

Une voiture nous attend à Qibia pour notre retour à Jérusalem.

Avant de quitter le village, les Palestiniens nous demandent de témoigner rapidement par écrit  de ce que nous avons vu ici, aujourd'hui. C'est important pour eux.

Pendant toute la manifestation, de très nombreuses photos ont  été prises, très ouvertement, les soldats n'y ont  jamais  fait obstacle, à mon grand étonnement. Se sentent-ils si sûrs d'eux qu'ils n'en ont que faire ou  veulent-ils montrer par là qu'ils sont  « respectueux des droits démocratiques » ? Je penche sans hésitation pour la première hypothèse, c'est d'ailleurs le point de vue d' un soldat dans le documentaire « check-point » de Yoav Shamir.

Sur une photo, plus tard, je verrai avec surprise un soldat lancer une pierre !

Nous partons pour le check-point de Kalandia où nous prendrons un mini-bus pour Jérusalem.

Notre taxi cale dans une côte sévère ! il ne parvient pas à redémarrer, nous redescendons en marche arrière puis, après un demi-tour (nous poussons...), nous remontons... en marche-arrière, pendant peut-être deux kilomètres , de quoi recharger la batterie et, de nouveau, marche-avant pour filer sous nos applaudissements admiratifs !

Nous arrivons au check-point à 17 h., l'heure de la rupture du jeûne; il ya beaucoup de monde dans l'autre sens, pour rentrer à Ramallah alors que nous en sortons.

Nous passons sans problème, juste un regard rapide à nos passeports, nous passons le tourniquet, encore un peu étourdies par cette journée si dense. Elle n'est pourtant pas finie... Un coup de feu, des cris, de la précipitation, là juste devant nous !

Deux jeunes palestiniens sont ceinturés, molestés par les soldats, sous le regard de tous ceux qui attendent de passer et qui sont agglutinés derrière les grilles. L'agitation est forte, des soldats semblent cependant vouloir calmer le jeu.

Trois femmes israéliennes de « Women Right's watcher » ( elles portent leur badge) nous demandent de rester là ( nous ne pouvons rien faire d'autre !) et de prendre des photos, ce que nous faisons, au flash, et toujours sans problème!Elles prennent des notes, téléphonent, parlent avec les soldats. Nous ne saurons pas ce qui s'est vraiment passé, les femmes de WRW n'ont pas l'air de le savoir non plus.

Finalement, l'un des deux est relâché, l'autre est emmené ,«  c'est fini, rlâss » disent les soldats qui font circuler maintenant non sans s'être inquiétés de cette valise ( la mienne !) au milieu du passage: j'avais dû la lâcher pour photographier ! Les femmes de WRW nous invitent elles aussi à partir maintenant.

Retour à Jérusalem, nous retrouvons les autres. Quelle journée !

Je prends l'avion demain.

 

Mardi 2 novembre.

 

Reste l'épreuve de l'aéroport, cela avait été assez pénible, l'an dernier : interrogatoire et fouille approfondie.

Un nouveau terminal est inauguré, des animations  sont organisées : des clowns, des saltimbanques, des musiciens, comme cela paraît ahurissant !

On nous distribue même des sucettes et des enveloppes-premier jour.

Je suis très décontractée. Cela me vaut-il de passer facilement ? quelques questions sur mon séjour, bien sûr , je suis venue pour des raisons très personnelles, en mémoire de ma mère décédée.

Va pour l'étiquette bleue, je ne serai pas fouillée, seul le kilo de dattes sera rapidement regardé.

Tel-Aviv-Zurich-Bruxelles. Fin du voyage. Début du témoignage.

 

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