AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP |
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Londres,
Conférence internationale sur la Palestine, SOAS,
5 décembre 2004 La
résistance à l’apartheid israélien : stratégies et principes Contributions
de Victoria Brittain (GB), John Docker (Australie), Lisa Taraki
(Palestine), Mona Baker (GB), Ben Young (GB), Hilary Rose (GB), Lawrence
Davidson (USA), Betty Hunter (GB), Haim Bresheetsh (GB), Omar Barghouti
(Palestine) Note : Les communications ont été ordonnées et abrégées de façon
à éviter les répétitions. Les coupures sont indiquées par […]. Remarques préliminaires Victoria
Brittain Royaume Uni Il y a deux ans, la campagne de solidarité avec la Palestine avait déjà
mis en parallèle notre combat avec les stratégies de lutte qui avaient
été efficaces en Afrique du Sud. Ainsi, Ronnie Kasrils, alors ministre
des Eaux et Forêts, maintenant chargé de la sécurité dans le
gouvernement sud-africain, déclara : « Nous, en Afrique du Sud, savons bien en quoi consiste l’oppression
raciale. Nous l’avons combattue et vaincue parce qu’elle était
injuste… » Puis il cita l’archevêque Desmond Tutu, pour qui la
violence de l’apartheid sud-africain était « une partie de
campagne », à côté de la brutalité de l’occupation israélienne
en Palestine. Enfin, il énuméra toutes les actions de terrain qui
avaient fini par isoler le régime, « politiquement, économiquement,
diplomatiquement, culturellement et militairement. » Et notre conférence
présente fait partie de ces actions importantes, selon ce que nous
enseigne l’histoire de l’ANC et du mouvement anti-apartheid (AAM) Le combat fut très rude, pour rendre la liberté à l’Afrique du Sud. Après
dix ans de gouvernement par la majorité, il est facile d’oublier que
quelques années plus tôt à peine, nous étions plongés dans des
batailles pour tirer les gouvernements occidentaux de leur indifférence,
ce que fait en ce moment même le mouvement de la solidarité avec la
Palestine. Et il n’était pas facile de résister au découragement, dans ces années-là.
Pour vous donner une idée de l’atmosphère : la conférence d’Harare
en 1987, sur « Enfance, répression et législation dans l’Afrique
du Sud de l’apartheid » fut l’occasion pour les grands
dirigeants de l’ANC exilés de rencontrer les enfants qui avaient fait
l’objet de menaces de la part du régime, afin de briser l’esprit de
la résistance. La plupart des jeunes dirigeants des structures internes
de la résistance, le Font Uni Démocratique, ne s’étaient jamais
rencontrés, ni ne connaissaient Oliver Tambo, Thomas Nkobi, Johnny
Makatini, et tant d’autres. Cette génération avait porté la
responsabilité de la direction depuis l’exil pendant vingt ans déjà.
« C’étaient les gens qui, au début des années 1960, tandis que
tout semblait perdu et que l’organisation était écrasée, avaient
inspiré au président algérien ces paroles, dans son discours à toute
l’Afrique : « Il nous faut mourir un peu pour la libération
de l’Afrique du Sud ». Le sacrifice était la norme, et il en fut
de même pour la génération suivante. C’est seulement trois ans plus tôt,
en 1984, que le ministre des Affaires Etrangères britannique, Malcolm
Rifkind, déclarait à la chambre des Communes que « les tribunaux
sud-africains ont une solide réputation d’indépendance », juste
après l’arrestation de toute la direction de l’UDF qui venait de se
constituer. Nous l’avions dénoncé, en insistant sur les tortures
habituelles, l’arrestation des témoins, et tous les mécanismes
coercitifs de l’Etat, tout ce contexte qui rendait la déclaration du
ministre anglais absolument scandaleuse, et qui révélait la collusion réelle
des gens au pouvoir avec le statu quo. C’est pourquoi aujourd’hui les
gens comme nous n’ont pas le choix, sont obligés d’agir comme nous le
faisons pour les Palestiniens. L’histoire de l’Afrique du Sud dans ces
années dures avançait plus vite qu’aucun d’entre nous ne le
supposait ni n’aurait pu l’imaginer. Il en sera de même pour la
Palestine. Nous ne savons jamais à quel moment précis la marée change
de sens, mais une rencontre comme celle-ci peut être un moment clé. La colonisation de peuplement comme génocide: conséquences pour une stratégie de solidarité avec les Palestiniens John Docker, Australie C’est en avril 2002 que nous avons lancé, en Australie, une campagne pour
le boycott universitaire d’Israël : l’appel, d’un commun
accord, était signé par un Australien arabe,
Ghassan Hage, du département d’Anthropologie de l’université
de Sidney, bien connu pour ses publications sur le nationalisme et les
identités tant ethnique que culturelle en Australie, et par un australien
juif de Canberra, moi-même. Les résultats ne furent certes pas décisifs,
mais la protestation symbolique peut être puissante, comme nous l’a
appris Gandhi, grâce à la transformation invisible et silencieuse de
l’opinion sur un enjeu. Lorsque Mme Hanan Ashrawi se rendit en Australie
en 2003 pour recevoir le Prix Sydney de la Paix, elle fut reçue
chaleureusement, au grand dam de la communauté sioniste d’Australie,
qui avait essayé, par tous les moyens sournois imaginables, de l’empêcher
de prendre la parole en différents lieux, tels que le grand amphithéâtre
de l’Université de Sidney, ou à l’Hôtel de Ville de Sidney. Quand
ces interventions et pressions sionistes en coulisse furent connues, il y
eut beaucoup de commentaires hostiles sur les sionistes et leurs actions
de sabotage, dans un esprit anti-démocratique, loin des regards du
public. Il fut vite évident que certains dans la communauté juive de
Sidney étaient gênés, et ils avouèrent qu’ils avaient subi des
pressions pour tenter de salir la réputation du professeur Hanan Ashrawi
et le caractère de sa visite. C’est bien sûr l’histoire de l’Australie en tant que colonie de
peuplement, comme d’autres ex-colonies britanniques, la Nouvelle - Zélande,
le Canada, les Etats-Unis eux-mêmes, que nous avons en tête, pour
qualifier Israël de colonie de peuplement ; nous en revenons
toujours à l’analyse classique de Maxime Rodinson, publié pour la
première fois en 1967, Israël : A Colonial Settler State ?
Les années passant, je considère sa critique prudente et fine comme plus
pertinente que jamais, à condition de la relier à la théorie récente
du génocide. Je suis pleinement d’accord sur l’idée qu’Israël a créé des
conditions d’apartheid qui peuvent être comparées à celles des
bantoustans sud-africains. Mais personnellement, j’ai le sentiment que
l’ « apartheid » israélien n’est qu’un thème
secondaire, très cruel, certes, mais à l’intérieur d’un projet plus
vaste, celui du génocide tel qu’il existe, historiquement, en rapport
étroit avec la colonisation de peuplement dans le monde entier. Rappel : comment définir le génocide ?
Habituellement, depuis les années 1970, jusque dans les années 1990, le génocide
a été défini comme un épisode dévastateur de meurtre massif, et
l’exemple extrême et saisissant en est l’Holocauste. Mais les réflexions
sur le génocide des dernières années tiennent désormais compte d’une
conception bien plus large du génocide, une conception qui n’est pas
centrée sur l’Holocauste ; et c’est une question qui évolue très
vite. Ainsi, les réflexions sur le génocide en sont revenues à la définition
originale du génocide donnée par Raphaël Lemkin en 1944 dans son livre Axis
Rule in Occupied Europe. À ce moment, au chapitre IX, Lemkin définit
le génocide comme un phénomène complexe et divers : cela suppose
un plan d’actions coordonnées en vue de la destruction des fondements
essentiels de l’univers vital pour un groupe opprimé. Ce genre
d’actions peut inclure le meurtre de masse, mais ce n’est pas
indispensable. Il y a des manifestations économiques, politiques,
culturelles, sociales, légales, intellectuelles, spirituelles,
biologiques, physiologiques, religieuses et morales. Ces actions
comportent des considérations sur la santé, la nourriture,
l’approvisionnement. Et les attaques génocidaires impliquent une
atteinte à l’honneur et à la dignité d’un peuple. Lemkin est allé plus loin dans sa définition : il a également conçu
le génocide comme un processus de destruction du modèle national et de
l’environnement vital pour un groupe opprimé, assorti du processus
d’imposition de l’exemple national de l’oppresseur : « Cette
imposition, en retour, peut s’exercer sur la population opprimée
autorisée à rester, ou sur le seul territoire, après qu’on en a fait
fuir la population, de façon à permettre la colonisation de la région
par les ressortissants de la nation opprimante.» Lorsque Lemkin réussit
à quitter l’Europe nazie et trouva refuge aux Etats-Unis en 1941, il
assembla les matériaux nécessaires à sa recherche pour aboutir à son
livre de 1944, mais il commença en même temps à écrire les chapitres
d’un second livre, sur l’histoire du génocide, qui resta inédit
jusqu’à sa mort, en 1959. Dans ces manuscrits inédits, Lemkin
cherchait les liens historiques entre le génocide et le colonialisme de
peuplement, qui inclut la colonisation des Amériques après 1492, dont sa
nouvelle patrie en Amérique du Nord. Dans sa définition originale, et
dans ses écrits non publiés, Lemkin relie de façon constitutive et inhérente,
le génocide et la colonisation. Si l’on s’en tient à sa définition large du génocide –c’est lui
qui inventa le terme, rappelons-le– il est clair qu’Israël poursuit
avec constance, et jour après jour, la finalité du génocide contre tous
les aspects de l’univers vital palestinien. Et ces actions peuvent
inclure des formes d’apartheid, tout comme l’assassinat direct de
Palestiniens. Quelles peuvent être, alors, les conséquences de la
reconnaissance du fait que nous sommes bien en présence d’un Etat génocidaire,
pour une stratégie de soutien au peuple palestinien ? Il faudrait d’abord contribuer à casser l’image d’Israël comme pays
normal, et l’isoler. J’appelle à un changement d’outils conceptuels
pour écrire l’histoire du sionisme comme celle d’une idée génocidaire.
Pour citer Sven Lindqvist dans son livre Exterminate all the Brutes
(Exterminez tous les sauvages), livre qui a trait principalement à la
colonisation européenne de l’Afrique, il est temps d’en tirer des
conclusions et de faire des comparaisons avec ce que nous savons d’ores
et déjà des caractéristiques historiques du sionisme comme projet génocidaire.
Dans ses travaux, Lemkin a mis au point une méthodologie des situations
de génocide, ce qui incluait l’analyse du groupe génocidaire, les
divergences à l’intérieur du groupe génocidaire, les réponses des
victimes du génocide, et les réponses et actions d’autres groupes.
Toutes ces catégories sont pertinentes, s’agissant d’Israël,
particulièrement en ce qui concerne les dissidents en Israël et dans la
diaspora juive mondiale, et quant au soutien des Etats-unis. Observation finale : il peut sembler bizarre et insensible d’accuser
les juifs d’Israël de génocide, dans la mesure où ce sont des juifs
qui ont été victimes de l’Holocauste. Il faut ici rappeler que le
sionisme postérieur aux années 1890, en tant qu’idée européenne et
projet de colonie de peuplement, a toujours eu un potentiel colonial. Appel pour un boycott australien des
liens universitaires et culturels avec Israël Les universitaires et les intellectuels ont un rôle à jouer dans l’essor
d’un mouvement non-violent à l’intérieur de la société civile.
Nous supplions nos collègues de refuser de participer à des congrès en
Israël, de faire pression sur leurs universités pour suspendre tout
accord de jumelage ou de partenariat, et pour refuser de relayer
l’information universitaire en provenance d’Israël. En effet, tandis
que quelques universitaires et intellectuels en Israël affrontent leur
gouvernement, et sont, dans certains cas, actifs dans des projets de
recherche conjointe israélo-palestinienne, la plupart des universitaires
israéliens ont ou bien soutenu les massacres de l’armée israélienne,
ou bien prouvé leur inefficacité pour élever une protestation
significative contre ceux-ci. Le boycott que nous proposons aura inévitablement
aussi des effets négatifs pour ceux qui ne le contestent pas, et nous le
regrettons. Mais nous demandons à nos collègues et amis israéliens de
se plier avec nous à la solidarité. Ils savent aussi bien que nous que
ce qu’ils auront à subir à cause de notre boycott est minime, en
comparaison de ce que le peuple palestinien et ses universitaires
subissent continuellement. Comme pour les boycotts contre l’apartheid en
Afrique du Sud, il faut maintenant une action internationale pour mettre
un terme au génocide, au sens le plus large, du peuple palestinien. La campagne palestinienne pour le boycott universitaire d’Israël Lisa Taraki, Palestine La campagne s’adresse également aux Palestiniens de Cisjordanie et de la
Bande de Gaza. Elle implique le boycott de toute forme de collaboration
universitaire ou artistique, à l’exception des activités et des
relations qui servent la lutte nationale palestinienne et qui vise à
combattre toutes les formes de l’oppression israélienne, dans la mesure
où ce genre d’activités ne requiert ni ne favorise des relations de dépendance
ou le renoncement aux droits nationaux palestiniens. Je voudrais reprendre
ici quelques points qui ne sont pas encore tout à fait clairs. On a souvent prétendu que le soutien aux activités de recherche israéliennes
(à travers des accords de coopération scientifique et technique entre
des instituions européennes et leurs homologues israéliennes) pouvait être
détourné de façon à servir de soutien à la capacité de recherche
palestinienne, dans la mesure où grâce à ces accords, les chercheurs
tant palestiniens qu’israéliens, peuvent mettre en œuvre des projets
communs. C’est une des justifications avancées au Parlement européen
en janvier 2004, pour renforcer la coopération avec Israël :
« cela contribuera à détendre les relations entre les deux
communautés, israélienne et palestinienne ». L’Université de
Birzeit adressa alors un rapport au Parlement européen qui rejetait catégoriquement
cette hypothèse, en rappelant que la question se posait en termes de
relation entre occupant et occupés, situation dans laquelle aucune coopération
ne saurait être encouragée. Ce dont les institutions palestiniennes ont
besoin, ce n’est pas d’un soutien grâce à la médiation israélienne,
mais d’un soutien direct et visant l’augmentation de leurs capacités
en matière de recherche. Il va de soi aussi que les campagnes pour la
suspension des accords de coopération scientifique existants donneront
tout leur poids à cet enjeu, comme l’intervention de certains membres
de BRICUP l’a montré, précisément à cette occasion. On arrive à des résultats plus tangibles en observant la façon dont
certaines fondations et autres organes de financement donnent accès aux
demandes de fonds des chercheurs palestiniens. Peu de gens sont au courant
que ces aides sont conditionnelles : invariablement, on exige des
Palestiniens (comme des Israéliens, d’ailleurs) que leurs équipes de
recherche soient mixtes. Il en est de même pour les projets de nature
artistique et culturelle, où la collaboration entre Israéliens et
Palestiniens est une condition sine qua non pour obtenir des financements. Nos arguments contre cette condition de partenariat est la suivante :
cela prouve de façon crue qu’il y a une politisation de la recherche,
au-delà des intentions généreuses qui peuvent inspirer ces projets.
Faire miroiter de la sorte des aides aux universitaires palestiniens privés
de tout moyen d’exercice est une sorte de chantage politique, encore une
fois, quels que soient les sentiments des commanditaires. Nous pensons que
si ces financiers internationaux étaient sincères dans leur intention de
développer la capacité de recherche scientifique des institutions
palestiniennes, elles devraient offrir directement leur soutien, et non
pas le subordonner à une option politique. D’autre part, ces pratiques débouchent invariablement sur un renforcement
de la légitimité des institutions israéliennes en tant que pôles
d’excellence, sans réaliser concrètement grand chose en matière de
consolidation et d’élargissement de la capacité de recherche
palestinienne. Dans le cadre de la politique de non-coopération avec les
institutions israéliennes que pratiquent généralement les Palestiniens,
parce qu’ils rejettent la coopération avec l’occupant, seuls des bénéfices
individuels peuvent être attendus, de peu de conséquence au niveau
institutionnel. Ainsi, le seul résultat tangible de la collaboration est
le renforcement de la présence israélienne, légitimée et comme
naturalisée dans le paysage palestinien. Il en est de même, évidemment,
que tous les projets qui font l’objet d’une promotion enthousiaste à
l’échelle d’un « Moyen-Orient remodelé », ou de schémas
« méditerranéens » dont l’effet principal est de faire
apparaître comme une normalisation la présence israélienne à tous les
niveaux, qui se trouve ainsi pourvue de garanties. Modifier les règles en vigueur Le soutien direct aux chercheurs palestiniens et à leurs institutions fait
avancer la reconnaissance de l’autonomie palestinienne. C’est
particulièrement important pour modifier les règles en vigueur selon
lesquelles ce sont les « sympathisants » israéliens de notre
cause qui définissent les modalités et les limites dans lesquelles le
monde peut porter secours aux Palestiniens. Vous êtes sans doute déjà
familiarisés avec l’argument qui sert aux Israéliens « de gauche »
pour s’opposer au boycott et pour encourager la collaboration israélo-
palestinienne, jusque dans l’expression artistique. Dans le cas de
nombreuses rencontres universitaires, projets de recherche, et autres
forums plus ou moins institutionnels, on peut se demander ce qu’ils
rapportent à la cause palestinienne pour la justice. Les plus ardents
partisans de ces activités ne sont pas les Palestiniens mais plutôt le
« camp de la paix » et la gauche israélienne, c’est-à-dire
ceux qui ne rejettent pas d’emblée le contact avec « l’ennemi »
d’en face. Effectivement, c’est ce qui leur permet de garder le contrôle
de l’activité militante autour de la cause palestinienne, de déterminer
la nature du conflit, et d’autoriser certaines actions à l’exclusion
des autres. Tant que cette règle pernicieuse dénie toute voix au
chapitre pour les Palestiniens, cela rend aussi plus crédible l’idée
que le « conflit » entre Palestiniens et Israéliens se trouve
au niveau de la perception, là où des stéréotypes dominants au sujet
de l’Autre font obstruction à une compréhension et à la possibilité
de la réconciliation. Il y a toute une industrie qui a fleuri autour de
cette image fausse de la nature du conflit et des moyens de « rendre
justice » aux Palestiniens. J’invite nos amis étrangers à écouter
les discours qui soutiennent les recommandations de coopération, et à se
poser la question : « Qui sont les principaux bénéficiaires
de ce genre d’activité : les Israéliens qui ont besoin de
reconnaissance en tant que porte-parole de la paix, ou les Palestiniens,
qui réclament la justice ? » Pour moi, je considère qu’il
faut venir à bout de l’idée que la réconciliation puisse dépendre
d’un exercice de modification ou de déconstruction des perceptions ;
pour nous, la réconciliation aura lieu seulement quand les droits des
Palestiniens auront été restaurés, sur la base de la justice. Pour finir, je voudrais simplement montrer l’urgence qu’il y a à
reconnaître que les arguments de « gauche » d’Israéliens
et d’autres ne sont que le produit de décennies d’intoxication sur le
thème de l’exceptionnalisme israélien, qui permet à Israël de fixer
le cadre du débat, mais aussi, ce qui est le plus important, d’échapper
à toute critique et condamnation. Et malgré leurs bonnes intentions, ces
gens-là collaborent activement à la reconduction de cette exceptionnalité,
lorsqu’ils prétendent que le boycott isolera les forces de paix dans
l’université israélienne, renforcera la droite, et même poussera les
universitaires à s’identifier avec l’Etat, parce que leur dépendance
financière croîtra, comme résultat du boycott. Ils font d’ailleurs
preuve d’un manque grave de perspective quand ils avancent que le
boycott réduit la liberté les universitaires israéliens. Je propose
qu’on leur adresse les questions gênantes qui suivent : pourquoi
donc faudrait-il que les intérêts d’une petite minorité d’israéliens
soient protégés à tout prix et mis au-dessus de toute autre considération ?
Est-ce que par hasard la préservation de la « liberté de recherche »
des professeurs israéliens de gauche est une cause valable en elle-même,
sans considération du prix à nous faire payer pour qu’ils jouissent de
cette liberté sacrée ? En quoi consiste-t-elle, ici, la liberté de
recherche ? Est-ce la liberté d’accès sans limites aux fonds pour
la recherche, pour les congés sabbatiques, et tous les autres colifichets
attachés au statut d’universitaire ? Est-ce que cette attitude
n’est pas plutôt le reflet d’un narcissisme, de cette façon de tout
centrer sur soi-même qui a permis aux Israéliens, de gauche autant que
de droite, de confondre leurs intérêts avec ceux de la majorité, nous
autres ? Les arguments israéliens contre le boycott sonnent particulièrement creux
aux universitaires palestiniens. Dépouillés de leurs libertés les plus
essentielles, ils n’ont aucune raison d’être sensibles aux exigences
des Israéliens en matière de protection de la liberté universitaire ou
du danger imminent de l’effondrement de la gauche. Nous pensons que les
Israéliens, universitaires ou autres, ne peuvent pas prétendre à
certains droits sous prétexte que l’atteinte à ces droits compromettra
leur capacité de lutte contre l’occupation et l’oppression. En ce qui
nous concerne, l’université israélienne ne saurait prétendre au
moindre privilège, parmi les autres organes de l’Etat israélien, et sa
collusion historique, directe et indirecte, avec l’appareil colonial a
été largement prouvée. Ce que nous les Palestiniens attendons de nos
collègues du monde entier c’est la reconnaissance et la prise en compte
de ces considérations, ainsi que du principe qu’il n’y a pas lieu de
garantir à Israël un statut à part parmi les autres nations, malgré
l’impunité dont il jouit dans les coulisses du pouvoir mondial. À propos de la distinction entre institutions et individus Mona Baker Royaume-Uni Il faut partir de la réalité cruelle, décrite par Tanya Reinhart (“Why
the World Should Boycott Israeli Academic Institutions http://monabaker.com/pMachine/more.php?id=96_0_1_12_M5
) : “Traditionnellement, l’esprit universitaire veut que la
responsabilité intellectuelle inclue la défense de principes moraux. Si
l’on trouvait quelque chose de ce genre dans l’Université israélienne,
cela permettrait de la racheter quelque peu. Mais on ne trouvera rien. Pas
une seule fois, le Conseil scientifique d’une université israélienne
n’a voté une résolution protestant contre la fermeture fréquente des
universités palestiniennes, on n’y a pas entendu de voix isolée
protester sur la dévastation en cours durant la dernière Intifada. Ce
n’est pas qu’une motion dans ce sens ait échoué à obtenir un vote
majoritaire, c’est qu’il n’y en a jamais eu, dans tout le système
universitaire israélien. Même la clôture de l’université d’Al Quds
à Jérusalem en juillet dernier a laissé de marbre l’Université israélienne.
Lorsque dans des situations extrêmes de violation des droits humains et
des principes moraux, l’Université refuse d’exercer la critique et de
prendre parti, elle collabore avec le système d’oppression ». Il y a une autre justification pour le boycott qui ne relève pas de la
conduite des universitaires israéliens, individuellement ou
collectivement. L’un des objectifs de toute forme de boycott, tel que je
le comprends, est de miner les institutions qui permettent à un Etat
voyou de fonctionner et de prétendre à une place de partenaire agréé
dans la communauté internationale. Les institutions universitaires et
scientifiques israéliennes sont une source capitale de prestige, de légitimité
et de rentrées financières pour Israël. Israël publie plus
d’articles scientifiques per capita qu’aucun autre pays au monde.
Chaque fois qu’un membre ou une institution universitaire israélienne
publient un article ou s’expriment dans un congrès international, sauf
s’ils commencent par une proclamation pour se désolidariser de leur
gouvernement, ils confèrent automatiquement un degré supplémentaire de
légitimité à ce que notre appel au boycott considère comme un Etat
voyou. Chaque fois qu’un universitaire israélien publie un article ou
un livre, c’est tout le système universitaire, source de rentrées et
de prestige pour Israël, qui s’en trouve consolidé : financement,
promotion, relais dans les revues spécialisées, sites web des organismes
concernés brandissent les réalisations de l’éminent chef d’équipe
(sans tenir compte le moins du monde de son attitude personnelle envers
l’occupation) de façon à étendre le rayonnement international du
centre, attirer des étudiants, réclamer des subventions pour la
recherche, etc. Aussi je défends l’idée qu’il est inopérant de distinguer les
individus, dans une opération de boycott universitaire. Précisément
parce qu’il s’agit d’un boycott des institutions, et non pas des
individus, et que le fonctionnement des institutions ne dépend pas du
nombre d’individus courageux ou ignobles qu’elles comportent. Elles
fonctionnent parce que TOUTES les personnes qui y travaillent ont de ce
fait la possibilité de publier, d’intervenir dans des congrès, d’évaluer
des projets de recherche à l’étranger, et qu’ils défendent généralement
une image flatteuse d’eux-mêmes et du centre dont ils relèvent, sur la
scène internationale. Sans ces activités, accessibles à tous ses
membres, une université ne peut pas attirer d’étudiants,
d’enseignants invités, de directeurs de recherches doctorales, ni de
financement, ni gérer les mécanismes ordinaires pour garantir un certain
prestige. Voilà pourquoi je considère que le boycott universitaire est
au bout du compte un aspect du boycott économique plus général, ou
devrait être considéré de la sorte. [On sera bien sûr tenté de pénaliser les personnalités ouvertement
sionistes, et de protéger des effets du blocus ceux qui s’expriment
contre l’occupation. Mais les critères d’appréciation seraient éminemment
subjectifs, et donneraient lieu à des polémiques sans fin, ce qui au
bout du compte affaiblirait terriblement la campagne pour le boycott] En
revanche, il doit être possible de décider collectivement qui doit être
pénalisé pour sa complicité, ou soutenu pour son courage et son intégrité.
Mais pour cela, nous aurions besoin d’une institution largement respectée
comme l’était l’ANC à l’époque du boycott sud-africain. Pour différentes
raisons, il n’y a aucune espèce de comité comparable dans notre
contexte actuel, en grande partie à cause de la brutalité du système
israélien qui rend extrêmement difficile pour les Palestiniens
d’organiser un forum non-violent de résistance, ou de mettre sur pied
une organisation comme l’ANC, qui puisse communiquer avec le monde extérieur
au titre d’autorité reconnue, et nous orienter sur les personnes qui
devraient ou non échapper au boycott. Si nous acceptons que l’objectif du boycott est de saboter les instituions
d’un Etat voyou plutôt que de pénaliser les individus qui ne
parviennent pas à s’exprimer contre leur gouvernement, ceci doit
trouver son reflet dans le type de boycott que nous mettons en œuvre. Je
proposerai pour finir quatre principes directeurs, qui tiennent compte de
quelques précisions qui vont de soi, comme le fait que le boycott n’est
nullement basé sur la nationalité, et encore moins sur une affiliation
religieuse ou ethnique : a) Le boycott ne vise pas les Israéliens en tant qu’individus. Il
s’ensuit que les Israéliens qui travaillent pour des institutions non
israéliennes ne sont pas sujets au boycott. b) Logiquement, il s’ensuit que le boycott ne fait pas la différence
entre juifs, chrétiens ou musulmans parmi ceux qui travaillent dans des
institutions israéliennes. Cela signifie que toute personne se trouvant
dans ce cas, quelle que soit sa nationalité, sa religion ou son origine
ethnique est concernée, ce qui inclut également les rares Palestiniens
qui travaillent pour un organisme israélien. c) Là où il est possible de faire la distinction entre les institutions et
les individus –en d’autres termes, là où il est possible d’aider
ou de coopérer avec une personne, sans fournir par-là un soutien direct
à l’organisme qui les emploie ou qui leur confère visibilité et légitimité,
il est important de le faire avec des individus israéliens. Soit sur une
base informelle, à l’extérieur de toute tribune officielle ; ou
bien, par exemple, en engageant dans l’action un éditeur pour qu’il
vende des livres à des individus précis en Israël, tout en refusant
d’en vendre aux institutions israéliennes, ce que notre maison d’édition,
St. Jerome Publishing, pratique déjà. d) finalement, il est important de continuer à travailler avec chacun, y
compris avec des personnes rattachées à des centres universitaires israéliens,
dans le cadre d’un projet ou d’un contexte particulier, visant
explicitement à mettre un terme à l’occupation. C’est une
proposition très différente de celle qui consisterait à exempter
certaines personnes comme pour récompenser leur courage et leur intégrité
personnels. Il s’agit de tenir compte du contenu et des objectifs de
l’activité qu’ils exercent habituellement, et non pas simplement de
leur opinion sur l’occupation. Le fait que nous ayons travaillé avec
notre collège Ilan Pappe dans le contexte de cette rencontre est précisément
un bon exemple de cette démarche. Conclusion Nous n’avons pas besoin d’une campagne de boycott pour décider, sur une
base individuelle, que nous n’aimons pas la position politique de tel ou
tel universitaire israélien, américain, français ou espagnol, dans
notre domaine. Si nous n’avons pas envie de travailler avec une
personne, pour n’importe quelle raison, nous pouvons tout simplement
refuser de le faire. Refuser de travailler avec quelqu’un, ou sortir de
sa trajectoire normale pour travailler et soutenir quelqu’un d’autre,
est une affaire de choix personnel qui ne peut guère avoir d’impact sur
les institutions qui les emploient. Le boycott est une forme d’action
non-violente destinée à porter un coup au niveau des organes vitaux de
l’économie d’un Etat paria, de son prestige international et de sa légitimité.
Il vise en outre à provoquer assez de consternation, et de dommage réel,
aux institutions relevant d’un gouvernement élu démocratiquement, de
façon à forcer les habitants, à l’intérieur et à l’extérieur, à
réaliser à quel point leur horizon est contestable, et à forcer les
gens d’autres pays à affronter la gravité du problème en question. Parallèles et différences entre le mouvement anti-apartheid sud-africain et le mouvement étudiant pro-palestinien : la bataille pour le contrôle de la solidarité Ben Young Royaume-Uni Je tiens à préciser avant tout que, si j’ai effectivement milité dans
le mouvement Jews for Justice for Palestinians (JSJFJP), je m’exprime
ici à titre purement personnel, cette grosse organisation refusant de me
suivre sur cette question. Le combat à mener en Israël/Palestine est
autrement plus difficile à mener que celui qui a abouti à la victoire en
Afrique du sud.[…] Dans le cas de l’Afrique du Sud, il était très facile de se mettre
d’accord sur une plate-forme commune pour la fin des lois d’apartheid,
de la ségrégation et pour les droits civils pour tous, ce qui aurait immédiatement
été applaudi de la part d’un gouvernement élu par la majorité de la
population. Et les organisations étudiantes avaient contribué à développer
et à préserver l’unité la plus large dans les actions anti-apartheid
et dans le soutien à l’ANC, parce qu’elles avaient surmonté toutes
les manœuvres pour diviser leurs rangs. Cela avait commencé à la fin
des années 1940 (avant même que le National Party ait pris le pouvoir),
lorsque les organisations africaines et indiennes avaient décidé de coopérer
sur une plate-forme impliquant l’égalité pleine, les mêmes droits électoraux,
et un Etat démocratique, plutôt que des concessions ponctuelles Les
campagnes pour le désengagement commercial connurent un succès éclatant :
la Barclay Bank fut obligée d’abandonner ses implantations en Afrique
du sud. Une grande partie du contact avec l’Afrique du sud passait par
le sport ; l’arrêt de toute collaboration dans ce domaine fut un
excellent moyen de montrer l’immoralité du concept d’apartheid. Mais
dans le cas d’Israël, il faut choisir entre deux objectifs distincts :
s’agit-il de convaincre de l’immoralité de l’occupation de Gaza et
de la Cisjordanie, ou de celle de l’Etat d’Israël lui-même et de ses
présupposés ? Ainsi, la campagne d’ISM contre Caterpillar vise
plutôt le premier objectif, tandis que les manifestations devant Marks
& Spencer visent le second. Mais malheureusement, cette dernière
campagne est d’une efficacité très limitée pour une bonne raison :
Marks & Spencer jouit d’une image de firme authentiquement british,
et parce que les opposants, les sionistes extrémistes, ont réussi à
faire apparaître les manifestants comme des extrémistes eux-mêmes. Ceci m’amène à l’idée que les groupes pro-palestiniens ont été
affaiblis par l’incapacité de l’Autorité palestinienne elle-même à
encadrer et coordonner les actions étudiantes, contrairement à ce
qu’avait fait l’ANC. Il est facile de constater à quel point le
gouvernement israélien coordonne activités et campagnes des groupes de
juifs sympathisants, de façon à en faire des agents effectifs de la
politique israélienne [….] Ainsi, tandis que la campagne anti-apartheid
bénéficiait de ses liens officiels avec l’Union Nationale des
Etudiants, l’UJS s’est débrouillée pour empêcher tout débat sur
Israël/Palestine en faisant une alliance tactique avec les étudiants du
Parti Travailliste (qui sont principalement des carriéristes sans prétentions
idéologiques radicales), et en raflant les responsabilités dans tous les
comités locaux où les questions qui nous intéressent, telle que
l’antiracisme à un niveau international, pouvaient être mises sur le
tapis. Au niveau de l’Union nationale, très vite est apparue la crainte
d’être traités d’antisémites. C’est ainsi que fut annulé un débat
sur le boycott à Israël à l’Université de Warwick ; ce qui
montre à quel point cette peur a été inoculée avec succès.[…] J’ai une première raison d’être optimiste : pour la première
fois de mémoire d’hommes, le présent de l’Union Nationale des
Etudiants n’appartient pas à une branche du Parti Travailliste ;
les plates-formes électorales des différentes factions de l’Union sont
en train de changer, et cela va affecter l’alliance tactique qu’avait
l’UJS avec les étudiants travaillistes. […] Je pense que les étudiants pro-palestininiens commencent à réaliser
l’urgence d’une action unifiée. En octobre dernier, il y a eu un
congrès étudiant sur la Palestine à LES, qui regroupait la Fédération
des Sociétés d’Etudiants islamistes en Grande-Bretagne et en Irlande (FOSIS),
la JSJFJP (ce mouvement au sein duquel je milite), les associations
palestiniennes et d’autres groupes tels que War on Want pour bien
montrer ce qu’ils voulaient réaliser sur le campus et au sein de l’Union
Nationale des Etudiants (NUS). Il s’agit maintenant de resserrer encore
ces liens pour aller de l’avant. Je suis sûr que les événements
internationaux rendront notre message plus compréhensif et pertinent, aux
yeux du monde entier. Le boycott universitaire en Grande-Bretagne : les avancées et les blocages Hilary
Rose Professeur
Emérite, University of Bradford Le lien entre universités et armée israélienne
Les universités palestiniennes travaillent dans des conditions
inacceptables. De temps à autre l’armée israélienne interdit les
cours, et lorsqu’ils ont lieu, elle pénètre sur les campus, harcèle
et arrête aussi bien les étudiants que les enseignants. À l’université
d’Al Quds, dans la partie occupée de Jérusalem, Israël se propose de
construire un pan du Mur sur le campus lui-même. Aller à la fac suppose
de franchir des check point sans garantie que les cours ont lieu. Un
universitaire se rendant à son travail a été arrêté en tant que
« moins de 45 ans », selon un règlement pondu le jour même
par l’officier en poste. Un autre se vit refuser la permission de
traverser, sous prétexte qu’en tant qu’assistant d’un professeur,
il n’avait pas à faire cours lui-même. Ces humiliations et
frustrations, en plus de l’occupation, sont intolérables. Et il est
important de rappeler que les centres d’enseignement et de recherche
israéliens ont été activement ou passivement complices de ces actes. Un
petit nombre d’universitaires israéliens ont protesté (on pourrait les
compter sur les doigts de la main, a dit Ilan Pappe), mais les principaux
titulaires et directeurs de recherche se sont contentés, avec leur
administration, de soutenir tacitement le régime, et donc de continuer à
tirer profit des fruits de la répression. D’ailleurs dans la mesure où
l’armée israélienne n’est pas une armée de métier, mais au
contraire où tant les enseignants que les étudiants sont astreints à
des périodes de service militaire, il n’est pas question de distinguer
le domaine de l’éducation de celui de l’armée, comme dans d’autres
pays. Les soldats qui tuent de sang froid des enfants aux check points
peuvent parfaitement être inscrits ou en exercice à l’université. Nos
relations avec les universitaires israéliens ne sauraient être normales,
dans une situation aussi anormale. Au printemps 2002, Steven Rose et moi avons découvert qu’Israël est, de
façon parfaitement incongrue, partie prenante dans l’ERA (Aire de
Recherche Européenne) qui est plus large que l’Union Européenne. Ceci
requiert une explication, tant du point de vue géographique que pour les
records qu’Israël bat en matière de droits de l’homme. Nous avons
lancé un appel, publié dans le Guardian, au départ avec 120
signatures, mais bientôt repris dans tout le périmètre de l’ERA, y
compris par quelques Israéliens courageux ; j’avoue que ni Steven
ni moi ne nous y attendions, car il ne nous viendrait pas à l’idée,
comme nous disons en Angleterre, de demander à la dinde de voter pour Noël.
C’est vers les domaines scientifique et technologique que l’argent de
l’ERA afflue principalement. La situation est donc plus critique pour
les chercheurs dans ces branches. Néanmoins, ils ont commencé à signer,
toutes disciplines confondues, comme un moyen d’exprimer leur solidarité
avec les Palestiniens. Certains ont voulu faire quelque chose de positif,
sans exclure les institutions israéliennes, par exemple mettre sur pied
des sortes de jumelages entre chercheurs israéliens et palestiniens, mais
sans réussir à savoir si cela était praticable ou du goût des intéressés.
Dans la plupart des cas, ce n’était ni l’un ni l’autre. Dans l’état
de siège actuel, c’est la pénurie complète en matière d’équipements
pour la recherche, bibliothèques, laboratoires etc., ce qui rend toute
coopération significative impossible. Et Israël bloque l’acheminement
des matériaux (livres, produits chimiques) même quand ils proviennent de
commanditaires internationaux. Il est bien difficile d’être un
collaborateur actif dans la recherche quand les règlements de transit et
les check point vous empêchent d’aller rejoindre vos partenaires supposés,
et il est difficile de ne pas penser que ce genre de partenariat sert
surtout à garantir aux Israéliens l’accès facile à des fonds,
difficiles à obtenir sans cette condition. Aussi la suspension des
accords de coopération a-r-elle été accueillie avec soulagement par les
Palestiniens qui disaient : « L’Europe nous a oubliés ». Les deux syndicats britanniques pour l’enseignement supérieur (NATFHE)
ont invité leurs membres à reconsidérer leurs partenariats, tandis que
l’Association of University Teachers adoptait les termes de l’appel
publié par le Guardian. Les collègues français ont monté un
site pour relayer notre appel, et ont placé la barre encore plus haut. En
Australie, aux Etats-Unis, les signatures ont également afflué. Mais on
en est arrivé au point qu’un certain nombre d’universitaires éminents,
comme Richard Dawkins en Grande-Bretagne ou Etienne Balibar en France, qui
avaient soutenu la suspension des accords, se sont senti forcés à
accepter les termes d’un boycott avec lequel ils n’étaient pas
d’accord. La crise est apparue lorsque Mona Baker, sur les positions
françaises, a retiré du comité de rédaction du périodique qu’elle
édite deux universitaires basés en Israël. La presse a donné du relief
à la chose, particulièrement le très sioniste et pro-israélien Daily
Telegraph, en termes d’atteinte à la liberté universitaire,
relayant une campagne de mails honteux contre les premiers signataires, en
affirmant que toute critique d’Israël relève d’un antisémitisme sui
generis. Tant Mona Baker que plus tard Andrew Wilkie, professeur à
Oxford, qui avait exprimé son refus d’accepter comme candidat au
doctorat un étudiant qui avait fait partie de l’armée, ont été
soumis à des conseils de discipline dans leurs universités. Mona Baker
s’est défendue âprement et a prouvé qu’elle était irréprochable,
et elle a continué à se battre avec la plus grande énergie pour la
cause palestinienne. Le tempo sud-africain et les réclamations qui suivront
Le terme de boycott a fonctionné de façon contradictoire, négativement,
en détournant l’attention des manifestations de l’oppression israélienne
pour la focaliser sur le débat autour des modalités éventuelles du
boycott. Mais positivement, il a rendu visible le dégoût de la société
civile, qui perçoit chaque jour un peu mieux les ressemblances entre
l’apartheid sud- africain et la division en bantoustans des résidus de
territoires palestiniens. Le moratoire a été soutenu par Desmond Tutu,
et par le ministre sud-africain Ronnie Kasrils, qui a affirmé que
l’oppression des Palestiniens est encore pire que celle des
Sud-Africains noirs sous l’apartheid. Sans oublier tout ce qui distingue
les deux cas de figure, rappelons à ce propos à quel point la lutte pour
le boycott fut longue. L’ANC lança l’appel au boycott en 1958, à
partir du Ghana, c’était un an avant sa reformulation à Londres.
C’est seulement en 1965 que quelque 496 professeurs d’université se
prononcèrent en faveur du boycott pour défendre deux collègues
poursuivis pour leur soutien à la lutte pour la liberté. Un point commun
entre les deux combats est que l’intensité de la répression rendait nécessaire
le soutien du monde extérieur. Il s’en fallut encore de plusieurs années
avant que l’ONU adopte finalement des sanctions concrètes, et 35 ans
s’écoulèrent entre l’appel au boycott et la victoire. Je ne suis pas
sûre que la Palestine-Israël dispose de 35 ans, et encore moins qu’une
solution juste et non-violente apparaîtra. Mais les Palestiniens ont en leur faveur le droit légal et moral de
retourner chez eux, et aucun diplomate ne peut passer par-dessus. En
Europe, nous avons vu des citoyens juifs réclamer des propriétés qui
leur avaient été volées par les nazis, les citoyens du régime pré-soviétique
réclamer leurs propriétés qui leur avaient été soustraites par un
Etat monolithique et bureaucratique, et en tant qu’Européens, nous
savons que c’est un processus douloureux, mais nullement impossible. Les Israéliens qui accaparent illégalement des propriétés palestiniennes
doivent comprendre que cela peut leur tomber dessus aussi. Les progrès de notre campagne ont désormais un impact réel en Israël même,
où les journaux, de plus en plus mal à l’aise avec le parallèle
croissant avec l’Afrique du Sud, son boycott et ses sanctions, nous
donnent un large écho. Les universités israéliennes ont commencé à en
ressentir l’impact, et elles cherchent à s’organiser au niveau
institutionnel pour « défendre leur liberté académique et
combattre le boycott ». Depuis le printemps 2004, où a été lancé
l’appel unitaire, la société civile palestinienne s’est soudée
autour du projet, et il a galvanisé aussi beaucoup de sympathisants européens
et au-delà. C’est ainsi que s’est constitué le BRICUP (British
Committee for the Universities of Palestine (www.bricup.org.uk)
qui développe le boycott et travaille directement avec les universitaires
palestiniens sans passer par des partenaires israéliens. Et la campagne
de boycott commence à s’étendre en direction des artistes, des écrivains,
des musiciens, de façon à s’élargir à tous les secteurs culturels ;
il en est de même en Australie et aux Etats-Unis. Pour la suspension des accords de coopération Lawrence
Davidson États-Unis Les gouvernements occidentaux, livrés à eux-mêmes, n’ont aucune envie
de sanctionner Israël pour l’occupation illégale de la Cisjordanie (y
compris Jérusalem est) et Gaza, ni pour la violente destruction de la
société palestinienne. Aussi devons-nous faire l’éducation d’une
bonne partie de nos sociétés, en ce qui concerne la nature de la
conduite israélienne, et en même temps contraindre Israël à évoluer,
par l’encouragement de nos gouvernements en ce sens. Une tactique qui a
prouvé son efficacité est celle du retrait de fonds investis en Israël
et dans les sociétés qui font des affaires avec ce pays. Les montants
concernés sont de l’ordre de $100 milliards. Aux Etats-Unis
Il y a des mouvements de capitaux sur plus de 40 campus américains. Cela a
commencé en 2000 à l’université de Californie de Berkeley. La dernière
conférence pour la suspension d’accords en ce sens a eu lieu à
l’université de Duke, l’automne dernier. L’assemblée générale de
l’Eglise presbytérienne a voté un retrait sélectif de certaines
compagnies (ils ont investi environ $8 milliards dans des compagnies qui
travaillent avec Israël). Les méthodistes sont en train d’envisager
une action semblable ; et l’Eglise épiscopale (anglicane) s’est
engagée en ce sens. Ces décisions sont prises à l’instigation de
membres du clergé qui ont fait le voyage dans les Territoires Occupés et
qui ont été choqués par ce qu’ils découvraient. Il y a aussi un
petit nombre de campagnes municipales, en particulier à Seattle
(Washington), à Sommerville et à Boston (Massachussetts). Impact et réactions
Aussitôt, les réactions des sionistes américains ont été hystériques.
Accusations d’antisémitisme (de la part du président de Harvard Larry
Summers, entre autres). À noter qu’internet est utilisé pour véhiculer
de fausses déclarations antisémites au nom de ceux qui soutiennent le
boycott. Ce qui montre le manque de scrupules des sionistes, qui,
lorsqu’ils ne trouvent pas de preuves d’antisémitisme, en fabriquent.
Des pressions ont été exercées sur les sénateurs et membres du congrès
afin qu’ils entreprennent des actions en justice, sous prétexte que le
boycott viole les lois états-uniennes qui interdisent de mettre Israël
sous embargo. En novembre 2004, les Presbytériens ont reçu une lettre
menaçant de faire brûler leurs églises avec les fidèles, s’ils ne
cessaient pas leur action. Les méthodes
1.À partir des listes des firmes qui font des affaires avec Israël, répertoriées
sur les sites web, repérez où votre université, municipalité, caisse
de retraite, syndicat, ou autre, a placé des capitaux. Ces informations
sont souvent publiques ; dans le cas contraire, elles sont exigibles.
En tant que contribuable ou cotisant, vous demandez un rendez-vous au
responsable financier, pour savoir où va votre argent ; nul besoin
de leur dire pourquoi vous avez besoin de l’information. Notez précisément
tous les chiffres impliquant Israël. Préparez un document qui fasse
apparaître face à face les montants et les violations des droits humains
imputables au gouvernement israélien. Présentez-le aux responsables de
l’utilisation des fonds, demandez-leur de mettre en place leur retrait
dans un délai raisonnable. S’ils ne tiennent pas leurs promesses,
faites le savoir largement. Choisissez de préférence une compagnie vulnérable
pour démarrer la campagne. [1] La campagne pour le boycott des produits
israéliens : une priorité Betty
Hunter Secrétaire générale de la campagne de solidarité pour la Palestine, UK Les
hommes politiques ne bougent que lorsqu’ils ressentent une pression électorale.
À part quelques exceptions honorables, nous avons une classe politique
heureuse de collaborer avec les Etats-unis et avec Israël pour bafouer
les lois internationales. Et les institutions ne changent que lorsque
leurs profits ou leurs intérêts sont menacés. Nos
brochures visent à la fois à informer les consommateurs sur la situation
en Palestine, et à leur donner les moyens d’intervenir pour créer le
boycott dans leur zone d’achats. Il est facile d’expliquer qu’Israël
impose un boycott en Palestine depuis des années, avec son blocus
militaire, et au moyen du vol de la terre, de l’eau et des autres
ressources, sans compter démolitions et assassinats quotidiens,
verrouillages et check points. Nous protestons contre la vente de produits
israéliens partout ; Marks & Spencer, Waitrose, Sainsbury’s,
Tesco, Asda, etc, avec des autocollants, des affiches, des caddies chargés
de produits israéliens montrés aux responsables, etc. Les réponses des
responsables de grandes surfaces, quand on leur demande de changer de
fournisseurs, sont invariablement : c’est le consommateur qui décide.
C’est donc de la massivité de la campagne d’information que dépend
la pression sur les instances de décision. Les questions que nous
rencontrons le plus souvent, dès lors que nous avons mis les gens au
courant, sont : pourquoi notre gouvernement fait-il du commerce avec
un régime qui ignore les droits de l’homme et la loi internationale ?
Pourquoi vendons-nous des armes à un occupant illégal ? Pourquoi
Israël a-t-il de bonnes relations avec les Etats-Unis ? Il nous est
alors facile d’exiger, par une campagne de cartes postales, que notre
gouvernement demande des sanctions contre Israël. L’Union européenne est le principal partenaire commercial d’Israël, à un point qui est vital pour ce pays, ceci malgré la clause qui veut que les partenaires “respectent les droits de l’homme et la démocratie”, et en dépit du fait que les produits issus des colonies illégales portent la marque “made in Israël”. La suspension des accords a été votée en 2002, mais certains gouvernements refusent de s’y plier, violant ainsi la Convention de Genève qui stipule qu’une entité communautaire supérieure ne doit pas tolérer la désobéissance d’un tiers ; dans le cas particulier, il s’agit du fait qu’Israël se sert des Territoires Occupés comme s’ils étaient souverains. Nous travaillons à mettre fin à ce privilège indu. Dans toute l’Europe, la campagne s’amplifie et se fortifie. Lors du dernier Forum Social, on nous a demandé de centrer nos activités de solidarité sur le terrain des sanctions et du boycott. Nous avons d’ores et déjà atteint le point crucial où les individus et les organisations ne sont plus sensibles aux pressions en vue de les faire taire, ils cherchent le moyen de s’opposer concrètement à la politique raciste d’Israël. Nous cherchons en ce moment le moyen d’obtenir des syndicats qu’ils refusent d’avoir à manier des produits israéliens. C’est
un point sur lequel il faut mobiliser les étudiants. Nous allons dans les
mois à venir continuer à expliquer le rôle de Caterpillar, la compagnie
qui fournit les bulldozers assassins et d’autres équipements pour détruire
logements, plantations d’oliviers et autres, qui a des unités de
production et des bureaux dans le monde entier. Il faut que Caterpillar
devienne la Barclays Bank de la lutte contre l’apartheid en Afrique du
sud, pour isoler Israël. Le boycott et la campagne pour les sanctions
doivent être la priorité absolue de nos actions de solidarité. Nous
savons que le gouvernement israélien redoute les sanctions. La stabilité
financière repose sur la confiance. La fragilité financière chasse
l’investissement. Dès que les institutions commerciales et financières
considéreront Israël comme un pays à risque, ils chercheront d’autres
refuges pour leurs capitaux. La fragilité de l’économie israélienne
est réelle. Le versement annuel de £3 milliards de livres par an de la
part des Etats-Unis aide Israël à se maintenir. Mais l’économie de
guerre crée des problèmes internes massifs, avec beaucoup de chômage et
des niveaux de pauvreté élevés pour les Israéliens. Notre conférence
est une nouvelle étape dans la démonstration qu’Israël et son
banquier ne seront plus autorisés à poursuivre l’occupation illégale.
Désormais la majorité des ONG en Palestine et la Fédération
palestinienne des syndicats soutiennent notre campagne, ainsi que bien des
militants israéliens, y compris le pilote refuznik Jonathan Shapiro, qui
lors du Forum européen a lancé un appel à l’Europe. Levez-vous et faites-vous connaître : d’autres dimensions du boycott Haim Bresheeth Royaume-Uni Nous nous dépensons beaucoup en vain, en tentant de rendre acceptable
l’idée du boycott, à travers la comparaison systématique entre Israël
et l’Afrique du Sud. À mon avis c’est inutile, parce qu’en dehors
des similitudes superficielles, et de l’origine semblable des régimes
en question, ce sont des pays très différents, comme l’a montré
Edward Said. L’un était basé sur l’exploitation de la force de
travail de la population indigène, tandis que l’autre est fondé sur
leur expulsion. Cependant, dans les deux cas, la bataille n’a pas pu être
gagnée de l’intérieur ; d’où l’importance de notre rôle.[…]
Et les deux luttes de libération, palestinienne et sud-africaine, sont
devenues emblématiques et symboliques, à l’échelle mondiale, elles
représentent ceux qui n’ont rien, ni moyens ni pouvoir, contre les pays
les plus puissants de la planète.[…] L’Etat d’Israël échappe à tout contrôle, il n’y a pas de volonté
politique pour le ramener dans la communauté internationale, dans aucun
des deux pouvoirs jumeaux qui occupent illégalement l’Irak avec une
guerre démente qu’ils ont déclenchée seuls, une guerre par
procuration contre les Arabes et l’Islam. Le scénario en a été écrit
à Jérusalem, par Sharon lui-même, qui, quelques années plus tôt, en a
fait connaître les grandes lignes : l’Occident a besoin de
s’emparer de l’Irak, de la Syrie, de l’Iran et du Pakistan. Et le
plan se déroule par étapes, sous nos yeux. Israël n’a pas été
contraint de respecter les résolutions de l’ONU ni de respecter les
lois internationales, c’est le contraire qui s’est instauré, Israël
a fait basculer les pouvoirs principaux dans la déstabilisation illégale
et irresponsable de l’ordre mondial, et a établi un programme
d’escalade dans la terreur, apprenant aux grands comment terroriser les
petits, sans scrupule, sans limite morale ou légale, sans aucune autre
perspective que celle de la guerre, de la destruction et du conflit. En
faisant le lien entre le boycott et le Mouvement Anti-Guerre, nous ferons
comprendre et condamner le rapport entre les deux occupations, également
illégales et immorales. […] Israël soutient depuis des années la thèse
du « choc des civilisations » ; bien avant que cela
devienne un article de foi à Washington, la politique israélienne a été
guidée et centrée sur une simple analyse des relations internationales
en termes de série de conflits, dictés par la différence ethnique et
culturelle. […] Israël reçoit d’énormes financements pour la recherche, quelques
milliards de dollars chaque année, principalement en provenance des
gouvernements occidentaux. Une grande partie sert à financer le complexe
militaro-industriel, le quatrième au monde, source capitale de revenus,
maintenant que des industries plus pacifiques telles que le tourisme sont
en en chute libre ; c’est la production de mort et de destruction
qui est devenue la seconde nature de la société israélienne, et ceci
nous indique quelles sont ses priorités réelles, quelle place ce pays
fait vraiment à la paix. […] La plupart des universitaires israéliens
ont joint leurs forces à celles de l’Etat, à la machine de guerre qui
écrase et tue les Palestiniens. Ils ont prouvé qu’ils ne sont pas en
dehors de celle-ci, car nombreux sont les universitaires qui servent comme
officiers de réserve dans l’IDF, et qui participent activement à la répression
dans les territoires occupés. En fait, une bonne partie des cadres
dirigeants des universités israéliennes sont des officiers de haut-rang,
et il est tout à fait normal dans ce pays que les officiers à la
retraite entreprennent une deuxième carrière comme président, recteur
ou doyen dans une université. […] Le boycott est aussi un appel aux universitaires britanniques, pour qu’ils
prennent leurs responsabilités, dans un contexte qui empire de semaine en
semaine. À ce titre les écoles, bâties à une certaine époque pour préparer
les jeunes au contrôle de vastes régions sous la férule coloniale et
impériale, ont un rôle spécifique : nous avons raison de remettre
en question la pertinence de ces politiques périmées, bêtement transposées
du XIXe siècle dans le nouveau millénaire. La Grande-Bretagne, qui est
à l’origine du problème palestinien, avec ses choix politiques du début
du XXe siècle, refuse d’être à la hauteur de ses responsabilités, et
continue à attiser l’incendie déclenché par le Secrétaire aux
Affaires étrangères et chrétien sioniste Lord Arthur Balfour en 1917.
Si connaître c’est pouvoir, alors prouvons que nous savons utiliser
notre pouvoir, et unissons nos forces pour dessiner un avenir où les
universitaires, comme le reste de la société, pourront travailler sans
honte. Le boycott comme résistance, La dimension morale Omar Barghouti PACBI Nous nous battons pour le principe universel de l’égalité entre les
humains. L’Université hébraïque de Jérusalem a lentement mais sûrement
exproprié les terres palestiniennes en chassant leurs propriétaires pour
s’étendre. L’Université de Tel-Aviv refuse de reconnaître qu’elle
est construite sur un village palestinien rasé, un cas exemplaire de
nettoyage ethnique. Celle de Bar Ilan a son campus sur la colonie illégale
d’Ariel, près de Naplouse. L’Université Ben Gourion a encouragé de
plusieurs façons le nettoyage ethnique des Bédouins palestiniens dans le
Néguev, et l’Université d’Haïfa abrite l’un des universitaires
les plus racistes au monde, encore en vie, le professeur Arnon Sofer,
l’infâme prophète de la menace démographique arabe, qui fournit sans
cesse de nouvelles justifications au nettoyage ethnique sous toutes ses
formes. Pour ne rappeler que les crimes les plus voyants : impunité et
escalade dans les crimes contre les civils, sans susciter de protestation
de la part des universitaires ; discrimination des « citoyens »
palestiniens, à l’intérieur d’un Etat qui les exclut de sa propre définition
d’Etat « juif », et les encourage constamment au départ ;
discrimination des enfants palestiniens dans tout le système scolaire,
sans aucune mesure de protection contre ce phénomène ; système de
discrimination raciale basé sur l’identité religieuse et ethnique. Etienne Balibar a dit qu’Israël « ne devrait pas être autorisé à
instrumentaliser le génocide des juifs européens pour se mettre
au-dessus des lois internationales ». Après l’Holocauste, l’Occident
a contribué à perpétuer la misère, la souffrance et l’injustice, sur
de nouvelles victimes : « les victimes des victimes »,
comme le disait Edward Said. Israël est certes une démocratie pour les juifs et un système
d’apartheid pour ses citoyens palestiniens. Le philosophe israélien
le plus applaudi, Asa Kasher, fournit des justifications « éthiques »
pour les meurtres extra-judiciaires même si de nombreux civils innocents
sont tués ou blessés dans ces actions. Quant à la gauche israélienne,
ceux qui s’autoproclament comme tels, ils font apparaître les partis
d’extrême droite européens comme aussi soucieux de questions
humanitaires que mère Teresa, particulièrement quand il s’agit de
reconnaître les droits des réfugiés palestiniens. L’idée que le boycott fera du tort aussi aux Palestiniens sous-entend
qu’ils n’ont guère besoin que de nourriture, de logements et des
services de base, qui peuvent leur être fournis sans l’aide du boycott.
Le besoin de liberté, de justice et d’autodétermination, d’une vie
digne, de conditions de développement culturel, économique et social
dans la paix leur est selon cette logique dénié. Les Israéliens qui passent leur temps à demander des concessions
politiques aux Palestiniens en échange de leur « noble »
soutien ne recherchent pas vraiment la justice, ni une issue morale au
conflit. Certains courent en fait après les financements européens,
d’autres escomptent gagner en prestige, s’auréoler de gloire. Et
certains empruntent même cette attitude typiquement coloniale de façon
à duper les Palestiniens, ou à inhiber la résistance à l’oppression. Réclamer la paix sans la justice revient à institutionnaliser
l’injustice ou à faire que l’opprimé se soumette à la force démesurée
de l’oppresseur, et qu’il accepte l’inégalité comme une fatalité.
Ceux qui tentent de modifier la perception de l’opprimé plutôt que de
l’aider à résister à l’oppression sont coupables d’aveuglement
moral et de manque de clairvoyance politique. Comme l’a dit Edward Said :
« L’égalité ou rien ». Il faut absolument obtenir un vaste
boycott institutionnel de toutes les activités israéliennes. Sans un
soutien de principe et efficace de cette forme minimum, non-violente, de résistance
à l’oppression, les intellectuels faillissent à leur obligation morale :
se dresser pour le droit, la justice, l’égalité, et pour que les
principes éthiques universels soient mis en application avant tout autre
projet. Traduit par ISM Suisse. Notes : [1] Voir les
pages web suivantes : – Launch
a centralized nationwide campaign to divest from and otherwise pressure
Caterpillar Corp. is now under way , (us_campaign@endtheoccupation.org)
. –
Sustain (Stop US tax funded aid to Israël now), http://www.sustaincampaign.org/ – Global
Exchange Divestment Links, http://www.globalexchange.org/countries/palestine/divestmentlinks.html –
Divest from Israëli Campaign, http://www.divest_from_Israël_campaign.org/index.html –
Israël Business Exchange (listing companies with investments in Israël), http://www.Israëlemb.org/economic/uscompanies.htm –
College based Divestment Campaigns in the US: Harvard
- MIT Divestment Campaign: http://www.harvardmitdivest.org
Princeton
Divestment Campaign: http://www.princetondivest.org
Tufts
Divestment Campaign: http://www.Israël-divest.org/Tufts/petition.html
University
of Illinois Divestment Campaign - http://www.uofidivest.org/
University
of Penn Divestment Campaign: www.penndivest.org
Columbia
University Arms Divestment Campaign: www.columbiadivest.org
University
of Maryland Divestment Campaign : www.inform.umd.edu/studentorg/sjp
–
University of California Divestment Website, http://www.ucdivest.org/
|
||
Ce texte n'engage que son auteur et ne correspond pas obligatoirement à notre ligne politique. L'AFPS 59/62, parfois en désaccord avec certains d'entre eux, trouve, néanmoins, utile de les présenter pour permettre à chacun d'élaborer son propre point de vue." |
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