Histoires d'eau
Marie-Jo (IWPS)
Hares, le 14 Novembre 2004
Le district de Salfit est localisé au-dessus de la nappe phréatique la
plus importante de Cisjordanie. Les sources sont nombreuses dans les vallées
et, depuis des millénaires, les populations ont su creuser les puits indispensables à leurs besoins. L'importance et la qualité des
productions agricoles, tant dans l'histoire que dans le temps présent, témoignent de
cette richesse naturelle, particulièrement vitale au Moyen-Orient.
Mais, l'occupation, c'est aussi l'emprise sur l'eau.
Dés les années 70, la situation évolue au fur et à mesure que
s'organise la colonisation du pays. Des stations de pompages sont installées pour
satisfaire les besoins domestiques, agricoles et industriels des infrastructures israéliennes. Des canalisations de gros diamètres
autorisent des débits très importants. L'eau, non seulement utilisée sur place,
serait également dirigée vers la vallée du Jourdain et Israël.
Dans le même temps, une législation restrictive limite les capacités de
pompage des Palestiniens. Les canalisations au-delà d'un certain diamètre
sont strictement interdites. Certains villages font, également, état de l'empêchement de creuser de nouveaux puits.
En parallèle, l'eau courante est installée progressivement et, en une vingtaine d'années, presque tous les villages en sont équipés. Mais,
une seule compagnie, israélienne, est habilitée à la distribuer dans un
contexte de monopole. Le prix du m3 serait, parait-il, 3 fois plus élevé dans les
villages palestiniens qu'en Israël.
En matière d'eau, tous les villages ont leur histoire dans cette région.
Le village de Marda a une arrivée d'eau qui ne dépasse pas 25 mm.
Certaines maisons sont privées d'eau, l'école n'en a pas non plus. Certes, le
village a 2 sources mais, du fait de la pollution par les boues de la colonie qui
la surplombe, l'eau n'est pas potable.
A Salfit, les pompages de la ville sont à 10 mètres de la petite rivière
qui charrie les déjections de la colonie d'Ariel et la vallée environnante a
perdu toutes les sources qui coulaient spontanément des collines, il y a
20 ans.
A Qarawat Bani Hassan, c'est la violence des colons qui empêche les villageois d'accéder à leurs sources qui sont, par ailleurs, polluées.
A Qarawat Bani Zeit, les coupures d'eau sont fréquentes, prolongées
parfois de près d'une semaine et ce, sans avertissement préalable. Le village dépend
alors des livraisons par camion.
Et, maintenant, arrive le Mur !
Car, outre les canalisations trop petites, les pompages drastiquement limités, l'obligation de dépendre d'un unique fournisseur monopolistique
et la pollution généralisée, la construction de la barrière dite de sécurité
a, aussi, des conséquences en matière de ressources et de distribution de
l'eau.
Là où la séparation est d'ores et déjà terminée, on a pu constater
que les travaux ont signifié la destruction de milliers de kilomètres de
canalisations d'irrigation des terres agricoles. La barrière, c'est
aussi, la perte de contrôle de nombreux puits, certains villages étant d'un côté
alors que leurs puits se retrouvent de l'autre, leur accès et leur
entretien devenant aléatoires et difficiles. C'est dans ce contexte qu'un petit
village de 300 habitants, Daba, n'a plus d'eau et reçoit celle-ci par
camion, tous les 2 jours, à condition, bien sûr, que la porte de la clôture
soit ouverte ces jours-là.
Il est actuellement constaté que les Palestiniens utilisent 5 fois moins d'eau que les Israéliens et que leur consommation moyenne journalière
est largement inférieure aux minima appréciés par l'OMS. La situation
va-t-elle encore s'aggraver ? Et jusqu'où poussera-t-on la dégradation de la vie
en
Palestine ?
Les soldats sur les routes et les barrages militaires sont le côté
visible de l'occupation. La face cachée, c'est la vie au quotidien, lorsqu'on
ouvre un robinet qui ne coule plus ou qu'un enfant ne peut plus se baigner dans
le ruisseau qui faisait le bonheur de son père, car la source est tarie ou
trop polluée.
Source : J.C. Perron
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