Nous ne sommes pas des pierres mais des êtres humains "
Présenté et traduit de l'anglais par Marie-Jo (IWPS)
Hares, le 16 Décembre 2004
1967, la guerre des 6 jours ! Cet homme avait 7 ans. Il comprend que son
pays entre dans l'occupation. Il assiste à l'arrestation brutale de son père,
emmené par les soldats. Il le reverra libre, 18 jours plus tard, maisbrisé
physiquement et moralement.
Petit à petit, autour de l'enfant, tous apprennent à vivre sous
occupation : « Notre liberté de mouvement était et reste restreinte
tout comme toute autre chose dans notre vie ».
Pendant la guerre de 73, il connaît les couvre feu, les avions qui
tournent en boucle au-dessus des maisons...
A 18 ans, après le lycée, il voudrait étudier le droit à Los Angeles.
Mais, il n'a pas d'argent et, fils aîné, il ne peut s'éloigner trop de
sa famille. Ses études ? Quelques semaines à Beyrouth, puis la guerre du
Liban provoque la fermeture de l'université. Ensuite, Alexandrie, mais le
traité de paix
entre Israël et l'Egypte fait que les Palestiniens ne sont plus tolérés.
« Je suis rentré chez moi quelques mois plus tard. Nos vies n'avaient
aucun sens. Nous étions et sommes simplement en survie. »
Alors, il s'engage dans la lutte avec le Fatah. « Je voulais toujours étudier,
mais il n'y avait pas d'université en Cisjordanie à cette époque. »
Il s'est marié. « Nous n'avions pas d'argent et nous vivions chichement.
J'étudiais l'anglais et je continuais à aider mon peuple autant que je
pouvais avec les moyens que j'avais. »
Son fils avait 1 an et demi lorsqu'il fut arrêté, le 25 juillet 1986. «
Il ne savait dire qu'un mot "Papa". Comme j'avais vu mon père
partir pour la prison, mon fils m'a vu prisonnier ! Un malheur ne vient
jamais seul et mon 2ème fils est mort à la même époque, il avait 1
mois. Moi en prison, ma femme et mon fils aîné n'avaient rien à manger.
»
Il est condamné à 20 ans de prison par le tribunal militaire qui le juge
pour terrorisme. Il en fera 13. « Je ne suis pas un terroriste, je suis
contre l'occupation. Mon fils a grandi sans père. Quand je suis rentré
chez moi, il avait 14 ans. J'étais un homme libre, mais en grande
souffrance. »
En 1989, il commence à écrire sur la justice et la paix. « Les 2
peuples, israélien et palestinien, doivent trouver une solution juste
pour vivre en paix. Je n'étais pas le seul à le penser : en fait,
aucun de mes co-détenus ne voulait se battre juste pour la lutte, ils
voulaient tous se battre pour la paix. Mais, le Monde ne savait toujours
pas qui nous étions et ne nous comprenait toujours pas. Un écran de
propagande sépare le peuple palestinien du reste du Monde. »
A l'automne 2000, c'est le début de la 2ème Intifada. Il participe à la
création de l'organisation "Ta'ayush" (vivre ensemble, en
arabe), un mouvement d'Arabes et de Juifs travaillant, de concert, à la
paix.
L'armée israélienne ferme son village, aucune nourriture ne peut pénétrer,
ils sont complètement emprisonnés, entourés de barrages militaires et
de blocs sur les routes. Des gaz lacrymogènes sont lancés sur les
maisons et sa femme, enceinte de 8 mois, fait une fausse-couche. En
2001, son frère est blessé par balle et reste paralysé à vie.
Mais, c'est le 26 juillet 2004, le lendemain du jour où il était fait
prisonnier 18 ans plus tôt, qu'à nouveau, sa vie bascule. C'est ainsi
qu'il s'exprime :
« Mon fils a été fait prisonnier par le « Shabak », la police secrète
d'Israël. Pourquoi l'ont-ils pris ? Je me pose cette question tous les
jours. Peut-être cherchent-ils à m'atteindre au travers de mon fils ?
Peut-être mon fils faisait-il quelque chose contre l'occupation ? Mais,
pourtant, c'est aussi notre droit de nous défendre.
56 ans sous occupation, 56 ans d'oppression, de tueries, de démolitions,
d'emprisonnements. Nous défendrons notre droit à la vie en tant qu'êtres
humains et notre droit de nous battre pour la paix, jusqu'à la fin. C'est
notre droit de demander justice et paix ; nous devons nous efforcer d'être
meilleurs qu'eux malgré le fait que nous n'ayons rien.
Nous, les Palestiniens, nous avons vécu sur cette terre pendant plus de 6
000 ans. Certains d'entre nous ont choisi de réagir par la violence pour
défendre notre droit de vivre ici, d'autres ont choisi le chemin de la
paix... Nous sommes les victimes, les opprimés. Israël et ceux qui la
soutiennent réécrivent l'histoire, notre histoire. Ils se nomment eux-mêmes
les victimes alors qu'ils nous tuent et nous oppriment. Notre terre est
prise, chaque jour, et, cependant, ils continuent à se dire victimes, et
nous n'avons rien, nous vivons dans le dénuement.
La paix, c'est apporter la justice et non les colonies, le Mur de
l'Apartheid ou une armée d'occupation. Si rien de ceci n'était arrivé,
nous vivrions normalement et eux aussi, au lieu de vivre selon la loi de
la jungle, où le plus fort en terme de force militaire opprime le plus
faible.
L'histoire se répète encore et encore. Il ne s'agit pas de
violence contre les Juifs ou les Israéliens mais contre leur violence.
Pourquoi la terreur palestinienne est-elle mauvaise et la terreur israélienne
bonne ? Quelle est la différence entre le terrorisme d'état et le
terrorisme individuel ?
Pourquoi ne parle-t-on pas de la terreur israélienne ? Pourquoi les vies
des palestiniens sont-elles si insignifiantes ? Beaucoup de questions sans
réponses...
Pourquoi ont-ils fait mon fils prisonnier ?
Les Palestiniens ne sont pas des pierres, nous sommes des êtres humains
comme chacun d'entre vous. »
Source : Jean-Claude Perron
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