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PAR HASARD, LA PALESTINE ?
par Marie Jo (IWPS)
Hares, le 17 Novembre 2004,
Aujourd'hui, c'est mon anniversaire ? 61 ans. Et un petit retour en arrière
est classique en pareille circonstance.
Quand on me demande, « Pourquoi pas le Tibet ou la Tchéchénie ? », je
parle
du hasard de la rencontre de militants pour les Droits humains motivés
pour
la Palestine, d'un concours de circonstances. Mais, en creusant un peu, je
vois bien qu'il n'en est rien.
Novembre 43, arrivée dans un monde qui s'entretue méthodiquement,
comment
échapper aux meurtrissures profondes et inconscientes : Vel d'hiv,
Oradour-sur-glane, la bataille du rail... ont participé à
l'environnement de
l'enfant que j'étais.
C'est une cousine plus âgée, revenant d'un camp d'été dans un kibboutz
en
Israël, qui représente mon 1er contact avec le Proche-Orient. Des chants
et
des danses... Quelle joie, ce pays en construction pour ce peuple qui a
tant
souffert !
Mais c'est une étudiante marocaine qui, la première, va apporter une
faille
à l'édifice savamment construit par l'atmosphère ambiante pro-sioniste
des
années 50. « Pourquoi les arabes devraient-ils payer pour ce que vous
avez
fait pendant la dernière guerre ? »
Inconfort, malaise ! On referme au plus vite et l'on poursuit son chemin,
en
France, encore dans l'euphorie des 30 Glorieuses.
En 67, je m'en souviens. J'avais une jambe dans le plâtre et j'affirmais
-
courageusement ! - que je serais prête à aller aider là-bas... les
Israéliens. Un proche, cependant, couvrait l'événement comme grand
reporter
et rentrait avec des mots très durs à l'égard de ceux-ci.
Puis, ce fut Munich. Mais alors, il y a des Palestiniens ! Il est
dramatique
de reconnaître que la violence atteint parfois son but : déchirer ce
rideau
si épais que l'on construit lorsqu'on ne veut pas voir.
Et la Palestine a, peu à peu, pénétré consciemment ma vie mais, par le
mauvais bout. Détournements d'avion, kamikazes... terrorisme. Comment
participer à cela ? Politique, extrémisme, autant de mots qui font peur
et
poussent l'anonyme que je suis à rentrer dans sa coquille.
99, réorganiser sa vie, trouver de nouvelles occupations pour une
existence
soudainement dépeuplée. On me parle d'une association, de solidarité,
de
Palestine... Je n'y vais pas. On ne rentre pas là-dedans pour combler un
vide. C'est trop sérieux. Il y a aussi l'ombre du terrorisme qui plane
encore dans ma tête.
Et enfin, 2001. Les morts, les maisons démolies, les femmes assises sur
des
gravats entourées d'enfant hébétés... la coupe est pleine. Je réalise,
dans
ma vie reconstruite, que je participe à ce carnage. La mondialisation,
c'est
aussi moi, du côté des riches, qui profite des retombées de l'impérialisme
des grandes puissances. Mon silence devient complice. Je dois faire plus
pour manifester mon refus de ce qui se passe.
Alors, je retourne vers ces militants, les interroge, vérifie leurs
motivations apolitiques, indemnes de tout antisémitisme, je m'assure que
c'est bien pour des Droits Humains fondamentaux que nous nous battons, que
nous allons rester à notre place, qu'aucun paternalisme ne viendra nous
asseoir, à nouveau, sur le siège le plus haut, aidant avec
condescendance
plus faible que nous !
Depuis, j'ai découvert ce qu'était ce conflit du Proche-Orient, sa
complexité politique encore un mystère pour moi, mais, aussi, sa
composante
humaine, si riche et si meurtrie par une telle souffrance, de part et
d'autre.
Je donne beaucoup, mais je reçois tant.
Ce sourire des Palestiniens, malgré le drame quotidien qu'est leur vie,
leur
vitalité et leur volonté de résister, ils nous accueillent et nous
remercient si chaleureusement. Ces Israéliens, croisés dans les
Territoires
ou en Israël, avec toutes leurs ambivalences et ce passé si lourd à
porter ;
nos échanges sont toujours passionnants bien que complexes. Je passe des
uns
aux autres pour mieux comprendre et échapper à tout sectarisme.
Non, assurément, la Palestine n'est pas un hasard pour une Européenne de
ma
génération. Nous sommes les héritiers de cet antisémitisme qui a donné
l'affaire Dreyfus, de ce colonialisme européen qui s'est partagé le
monde
après la guerre de 14 et nous profitons maintenant de la main mise
impérialiste qui mène le monde.
Ma génération verra-t-elle une issue heureuse à tout cela ? Autour de
moi,
beaucoup ne le pense pas.
C'est une Israélienne, aux cheveux blancs, qui disait l'autre jour « Je
suis
comme Moïse, je ne verrai pas la Terre Promise ».
Elle y travaille pourtant.
Source : J.C. Perron
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