Violences à As Sawiya
Marie-Jo (IWPS)
Hares, le 20 Novembre 2004
As Sawiya est un village de 2 000 habitants, perché sur une colline
longeant la route principale qui relie Jérusalem à Naplouse. A 700 m
d'altitude, ses maisons s'accrochent au terrain escarpé et la vue est
belle. Tout autour, ce ne sont que des successions de collines similaires,
leurs pentes sont
recouvertes de terrasses agricoles, témoins du labeur des générations
de paysans qui se sont succédées dans ce pays et qui ont réussi à
vivre malgré l'aridité et la rocaille. L'olivier règne en maître et
représente la première richesse de toutes les familles.
Mais, en 1983, tout bascule. La colonie israélienne d'Eli sort de terre.
Les quelques maisons du début sont devenues des lotissements disséminés
sur les 5 ou 6 crêtes avoisinantes, alors que quelques caravanes, au
loin, témoignent de la poursuite de l'expansion. Tout se trouve sur des
terres du village qui ont été, de facto, confisquées. Nos
interlocuteurs palestiniens nous affirment, pourtant, en avoir les titres
de propriété.
En ce mi-novembre 2004, en tant qu'Internationales, nous sommes sollicitées
par les habitants. Depuis 2 ans ou plus, les colons, avec chiens et
fusils, attaquent les paysans dans leurs champs. Il y a eu des jets de
pierres, des brutalités, des outils volés... En 2002, il y a eu, aussi,
l'attaque d'une
maison isolée dans la vallée, près de la route principale. Les colons
ont dégradé mobilier et outils et ont mis le feu aux stocks de bois, le
propriétaire étant menuisier.
Cette année, les 10 familles possédant des oliveraies sur les pentes qui
jouxtent la colonie ont essayé de faire leur récolte. Mais il leur a été
signifié qu'elles ne devaient pas monter au-delà d'une route qui chemine
à mi-pente et qui est nommée par l'armée « ligne de sécurité ».
C'est rendre
inaccessible plus de la moitié du terrain !
Le mois dernier, lors d'une tentative pour passer outre, l'armée est
intervenue. On leur a bien promis assistance, mais plus tard, en novembre.
Comme rien n'a été fait, les olives sont toujours sur les arbres et, la
pluie venant d'arriver, les paysans affirment que c'est trop tard. Il n'y
aura pas de récolte 2004 sur ces terres-là.
Même contexte économique dans ce village que partout ailleurs. Familles
très nombreuses, 7 enfants, par ci, 13 enfants par là... les grands
parents, le couple... chaque famille représente 10 à 15 bouches à
nourrir. Travail en Israël, avant cette Intifada et repliement sur
l'agriculture, depuis. Perte de terres par la construction même de la
colonie, maintenant aggravée par l'impossibilité d'accéder à de grands
espaces parmi ce qui reste.
« Nous ne haïssons pas les Juifs, disent-ils, seulement l'occupation. »
« Tout ce que nous voulons, c'est le droit de labourer notre terre sans
problèmes. » « Nous ne voulons pas nous battre, nous n'avons pas
d'armes. »
« Nous voulons la paix sans violence, le village a besoin de sécurité.
» « Nous nous inquiétons que les colons finissent par confisquer toutes
nos terres. »... La peur les paralyse. Ils sont été battus, les écoles
du village ont été saccagées plusieurs fois, bâtiments dégradés et
équipements détruits, la réserve d'eau potable a été souillée,
transformée en piscine pour colons, des oliviers ont été empoisonnés...
On est en train de leur prendre le reste de leur terre par la terreur.
Ils sollicitent les associations pacifistes israéliennes et
internationales pour qu'elles interviennent auprès de l'armée. Ils
veulent pouvoir atteindre ces terres devenues inaccessibles. Pendant l'année,
ils doivent labourer et tailler les arbres, à l'automne, la récolte doit
être faite au bon moment.
Mais, ils demandent, aussi, la présence des militants dans les champs,
les militaires ne représentent pas une sécurité suffisante.
Nous les quittons en promettant de réfléchir, avec nos partenaires israéliens
et internationaux, à l'aide que nous pouvons leur apporter.
Histoire au combien banale ! Les villages comme As Sawiya se comptent par
dizaines dans le pays. Il faut de toute urgence arrêter l'occupation. La
population palestinienne est en situation de mort lente. Sa terre, devenue
son seul moyen de survie, se réduit, inexorablement, comme une peau de
chagrin.
Source : J.C. Perron
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