Des Israéliens dans les territoires
Marie-Jo (IWPS)
Hares, le 24 Novembre 2004
Au hasard des rencontres dans les champs ou sur les routes, je saisis,
petit à petit, la multiplicité des tendances et des opinions des Israéliens
juifs que je rencontre en Cisjordanie, solidaires des Palestiniens à
l'occasion des olives ou militaires, réservistes ou appelés.
Un seul état démocratique gérant, au mieux, toutes ses composantes
culturelles et religieuses, bien peu en défendent l'idée. Un membre de
l'association "Alternative International Center (AIC)" me
disait, il y a 2 ans, que ce serait peut-être une solution, plus tard, si
les plaies arrivaient à se refermer. Certes, un étudiant rabbin affirme
que la nature de l'état importe peu si les droits de chacun sont respectés.
Il verrait bien un seul état juif, avec un droit égalitaire pour les
Palestiniens !
Reste à savoir si ceux-ci seraient d'accord.
Alors, 2 états, mais comment ? La politique actuelle de colonisation
intensive et de morcellement de la Cisjordanie fait dire à certains
analystes qu'on est en train de tuer cette solution.
Tout en cueillant les olives, une universitaire m'explique l'évolution de
la notion de sionisme. Avant 48, c'était la volonté de donner un état
au peuple juif. Depuis la création d'Israël, être sioniste, c'est
vouloir maintenir le caractère juif de cet état.
Beaucoup de ceux rencontrés dans les oliveraies sont sionistes. Certains
participent à cette campagne "Olives 2004" pour lutter contre
le décalage économique énorme entre Palestiniens et Israéliens et
aboutir à plus d'égalité. Un certain paternalisme est, d'ailleurs,
parfois perceptible au travers des commentaires. Une militante de longue
date nous fait remarquer que ceux qui viennent cueillir ne sont pas,
obligatoirement, les mêmes que ceux que l'on voit dans les manifestations
contre l'occupation ou le Mur.
Le Mur... beaucoup de ceux qui sont dans les champs y sont favorables,
pour la sécurité, disent-ils. L'un d'eux fait remarquer que c'est la
Gauche qui l'a imaginé et que ce sont les partis de Gauche qui l'ont le
plus défendu, dès le début. « Il préservera une certaine judaïté du
pays », « Il y a tant de pays arabes tout autour ». Par contre, ils
reconnaissent la nécessité de respecter un trajet sur la "Ligne
Verte".
Mais, à l'opposé, c'est un fermier d'un kibboutz, installé depuis des décennies
à quelques kilomètres d'un village palestinien, maintenant derrière la
clôture, qui parle des bonnes relations qu'ils avaient et qu'ils essaient
de poursuivre avec leurs voisins arabes. Ils ont lutté contre le principe
du Mur et, ne pouvant l'empêcher, ils ont demandé que l'emprise au sol
soit moitié sur leurs terres, moitié sur les terres arabes (ce qui n'a
pas été obtenu). Et pourtant ! Le kibboutz a eu 5 morts, il y a
quelques années, par attentat. « Le kamikaze n'avait rien à voir avec
le village voisin, nous sommes nombreux, ici, à en être persuadés »,
dit-il. On sent beaucoup de regrets, chez cet homme, sur l'évolution
actuelle de son pays.
Même impression d'immense nostalgie d'un passé meilleur chez cet
officier que nous croisons, un matin, à l'entrée d'un village. Il a plus
de 40 ans et effectue son mois de réserve dans les Territoires. Il nous
dit combien il regrette ce temps où la co-habitation et les échanges,
entre Juifs et Arabes, se faisaient sans problème. Il est manifestement
sincère lorsqu'il affirme essayer de calmer le jeu, pendant son mois
d'armée réglementaire.
Et pourquoi ne pas jeter en vrac tous ces témoignages qui apportent un éclairage
d'espoir et de chaleur humaine, au sein de ce drame dont on nous montre,
trop souvent, que le sang et les larmes.
Ce jour-là, un International attend pour passer un barrage militaire. Il
est témoin de la scène : une femme explique que son mari est décédé
la veille, qu'il faut qu'elle aille jusqu'à son village, l'enfant d'une
dizaine d'années, qui l'accompagne, pleure. Mises de côté, elles sont
contraintes d'attendre un passage incertain. Un soldat, à distance, fait
signe à l'International de s'approcher et lui remet, discrètement, deux
pommes en lui faisant comprendre de les donner à la mère et à sa fille.
Elle a 24 ans, israélienne, blonde aux yeux bleus. Elle m'explique
qu'elle vient de faire 2 week-ends d'information sur les Territoires Occupés
et les Palestiniens. Elle me dit que cela a bouleversé « sa vie et sa tête
» et que rien ne sera plus comme avant, maintenant.
Elle est de "Machson Watch", cet "Observatoire des barrages
militaires" qui fait un travail énorme en termes de respect de la
dignité humaine et de soutien de la population palestinienne. Chez elle,
on lui dit que son militantisme ne changera rien aux drames en cours !
Elle vient cueillir les olives entre deux séances aux barrages. Mais elle
nous dit combien elle ne supporte plus l'humiliation quotidienne que
subissent les Palestiniens. « Devoir demander à une Israélienne de
l'aide pour amadouer un soldat, c'est asseoir l'oppresseur encore plus
dans sa position de pouvoir », s'exclame-t-elle. Certaines femmes de
l'association ne peuvent, tout simplement, plus assurer ces surveillances.
Elles ne veulent plus voir ces files d'attente de femmes, d'enfants, de
vieillards, d'hommes, transformés en troupeau, à la merci du bon vouloir
de jeunes de 20 ans. Elles envisagent d'aller dans les villages rencontrer
les Palestiniennes, pour échanger entre femmes et créer des liens.
Pour finir, citons cette femme rabbin qui, au retour d'une journée de
cueillette, nous disait que les colons revendiquent cette terre comme étant
donnée par Dieu, dans la Torah. Mais, « pourquoi ne ferait-on pas plutôt
émerger les passages qui parlent de générosité et de non-violence ? ».
Puis,
elle ajoute : « Les 2 fils d'Abraham, Ismaël et Isaac, sont devenus
ennemis lorsqu'il a fallu désigner un héritier à leur père. Mais,
c'est ensemble qu'ils ont, le moment venu, enterré celui-ci. Nous espérons
que cela pourra se reproduire. »
Source : J.C. Perron
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