Elections
palestiniennes : poursuite de l’illusion de l’“Etat”
sur fond de poursuite du projet colonialiste sioniste
Par Jamalat Abu Youssef
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Aujourd’hui, après qu’Abou Mazen ait été désigné comme chef
du comité exécutif de l’OLP, sans aucune objection, puis après
qu’il ait été choisi en un temps record comme candidat à la présidence
de l’Autorité palestinienne, ou, comme on l’a dit, comme “président
attendu”, maintenant qu’il est devenu le président élu avec
une majorité qualifiée par les commentateurs de “planche de
salut”, grâce à ses promesses sans lendemain, des promesses dont
tout le monde savait qu’elles étaient totalement fallacieuses, dès
lors que celui qui les tenait n’était autre que l’ingénieur
d’Oslo en personne, nous sommes confrontés à une unique vérité
: à savoir que l’OLP s’est transformée en projet d’Etat
illusoire et soumis à l’occupation.
Vu de l’extérieur de la Palestine et au-delà de l’écran
d’un téléviseur, le tableau semble surchargé d’un surréalisme
qui rend la compréhension de la vérité d’une situation
particulièrement ambiguë bien proche de la question qui tue.
Guevara Al-Budaïri, la correspondante de la chaîne Al-Jazeerah, présentait
un reportage, ce jour-là, sur les élections municipales
palestiniennes.
Il faut dire qu’il fait froid, ces jours-ci en Palestine ; aussi
nous a-t-on montré “Abou Alâ”, Monsieur Ahmad Quraï, déposant
son bulletin dans l’urne, emmitouflé dans son chaud par-dessus de
bonne coupe et coiffé de sa chapka de fourrure.
Abou Alâ votait comme quelqu’un qui aurait été en train
d’inaugurer une nouvelle entreprise de construction…
Puis la caméra ne tarda pas à changer de champ, nous montrant une
des candidates à ces élections. Guevara al-Budaïri nous
dit : “Voilà : regardez comme la démocratie palestinienne est
magnifique : la femme palestinienne y joue un rôle de premier plan.”
Et la candidate de commenter : “ En effet, de même que nous
avons tenu notre rôle dans la résistance à l’occupation, nous
devons maintenant participer à la reconstruction !!! ”
Puis on passa à Khan Younès, aux ruines et à la désolation
qu’y a laissées la dernière incursion éclair israélienne,
provoquant de nouveaux sans abri, de nouveaux réfugiés :
sempiternelle histoire.
De nombreuses familles se retrouvent dehors, avec leurs enfants,
n’ayant plus pour seul toit qu’un froid intense. Là, ces gens
ne portent pas de vêtements qui puissent les protéger du froid ni
de somptueuses chapkas de vison.
Le correspondant d’Al-Jazeerah n’a pas osé leur demander ce
qu’ils pensaient des élections municipales, ni de quelconques élections,
d’ailleurs. Il ne leur a pas demandé leur avis sur la
reconstruction.
Ainsi se termina le reportage, son surréalisme exposant des
contradictions effrayantes et stupéfiantes, invitant à former un
jugement sur ce qui est en train de se passer : qu’est-ce qui,
dans tout ça, relevait du mirage destiné à égarer le téléspectateur
?
Qu’est-ce qui ressortissait à une vérité n’osant pas
s’exprimer carrément ?
Quiconque ne connaîtrait pas la situation réelle sur le terrain
pourrait retirer de ces séquences qui envahissent les écrans de télévision
vingt-quatre heures sur vingt-quatre, dès lors qu’il est question
de la Palestine, l’impression qu’il existerait deux Etats, dont
l’un serait la Palestine et l’autre, Israël.
La Palestine, qui aurait été occupée par les Israéliens en 1967,
serait retournée à son peuple, grâce aux accords d’Oslo, signés
en 1993… Seulement voilà : tout a commencé à clocher quand a débuté
l’Intifada (d’Al-Aqçâ), et encore plus après les attentats du
11 septembre 2001.
Sont venus s’ajouter au tableau d’autres signifiants dont on
comprend qu’il s’agit du terrorisme, et en particulier d’un
terrorisme du fait de groupes terroristes palestiniens, en
particulier musulmans fondamentalistes.
Ce que l’on comprend, dans le meilleur des cas, c’est qu’Israël
exercerait tout au plus un excès de violence en répliquant à un
terrorisme palestinien qu’il faut absolument stopper.
Et ce coup d’arrêt au terrorisme, ainsi qu’à la violence
mutuelle (toujours dans le meilleur des cas), ne peut être porté
que grâce à des négociations entre les deux parties, dont on suggère
implicitement qu’il s’agit de deux Etats : mettez-vous bien
cette idée dans la tête !
Ces négociations ne parviendraient jamais à une solution sans un rôle
effectif de la communauté internationale et le respect des décisions
du droit international, et au premier chef des Etats-Unis d’Amérique
(qui occupent aujourd’hui pourtant l’Irak et l’Afghanistan !)
et bla-bla-bla… les Etats-Unis devant contribuer à faciliter les
négociations en vue du rétablissement de la paix au Moyen-Orient.
Quand je vois à la télévision ce qui se passe en Irak, je ne sais
plus trop si ce pays fait partie du Moyen-Orient.
Ou bien se trouve-t-il dans quelque autre région du monde ?
Je pose à nouveau la question : la compréhension attendue de nous,
de ce qui nous est ainsi montré, est-elle la compréhension de la réalité
ou celle d’un mirage ?
Tout ce qui est dit, sur les petits écrans et sur tous les médias,
est destiné au monde entier.
En effet, tous les problèmes sont devenus des problèmes mondiaux
et la question palestinienne en constitue le pivot.
Nous avons affaire à un monde dont le pivot est la question de
Palestine, alors même qu’il est gouverné par le pôle (américain)
unique, selon sa loi capitaliste qui ignore les latitudes et les
longitudes, sauf lorsqu’il est question de ses profits ou de ses
éventuelles pertes.
Cette puissance unipolaire transforme tout ce qui se passe dans le
monde en fait d’événements ou de répercussions, en une sorte de
film cinématographique dont il distribue les rôles en fonction du
seul scénario susceptible de servir ses intérêts.
Il n’y a nulle place pour un quelconque désintéressement des médias
: ils doivent projeter ces séquences cinématographiques
artificielles sur la vraie réalité, qui sert seulement de décor
au scénario prévu, afin que son message soit reçu et que tous les
symboles en soient analysés conformément à ce que lui – le
capital – a décidé.
Les élections de la direction palestinienne reconnue par le pôle
unique dirigé par l’Amérique et adoubée par Israël, ces élections,
dis-je, ne sont qu’un acte de la pièce de théâtre qui se déroule
sur les écrans ou dans les coulisses, entre les deux camps. Cette
fois-ci, la pièce a pour titre : “ Qui sont les nouveaux
dirigeants du peuple palestinien ? ” Question posée en gros
caractères, alors même que la réponse (connue d’avance) est écrite
en toutes petites lettres : “ Mais oui, bien sûr, c’est la
direction reconnue et adoubée par le pôle unique… ”
Les objectifs de la pièce sont diamétralement opposés à ceux qui
apporteraient une réponse à la question posée dans le titre ; la
réponse directe n’est en aucun cas la réponse désirée. La réponse
attendue, en effet, dépend d’un contexte préexistant, déterminé
par de nombreux facteurs dont le principal est l’objectif
primordial du projet impérialiste pour cette région que l’on
appelle le Moyen-Orient, et en particulier en ce qui concerne la
Palestine.
Cette réponse sollicitée vise également à limiter (sinon à prévenir)
le déclenchement de développements dramatiques qui risqueraient
d’accompagner une requalification de la cause palestinienne par
ses protagonistes premiers ou par ceux qui les soutiennent, dans un
sens favorable à la véritable finalité de cette cause : la libération
d’un peuple victime d’un projet colonialiste visant l’ensemble
de la région.
Ainsi, cette direction désignée par les élections et baptisée,
bien entendu, la “ nouvelle direction ” du peuple palestinien se
divise entre deux catégories de dirigeants reconnus, comme il en va
pour les Etats souverains où la question de la souveraineté
n’est pas posée, ni celle de l’effacement de l’identité
nationale résultant de la colonisation et de l’occupation.
Aux yeux du monde entier, le peuple palestinien dispose désormais
d’une direction qui a reçu l’onction de la majorité des
suffrages et qui, par conséquent, reçoit les rênes du pouvoir et
détient la légitimité qui la rendra apte à diriger le peuple
palestinien et le projet de son Etat théoriquement existant et
concrètement inexistant.
Elle est investie d’un mandat pour toutes les négociations dans
lesquelles son rôle politique se limitera strictement à ce que lui
dicteront les conditions israéliennes qui s’imposeront.
Une fois de plus, on a ainsi substitué au droit à l’autodétermination
de nouvelles élections visant à désigner “ l’Autorité
palestinienne ”.
Quant à la deuxième catégorie de dirigeants, ce sont ceux de
l’opposition, qui vont spéculer sur la marge de succès – ou
d’échec – du gouvernement, et parieront sur son rôle central
dans la lutte contre la corruption, considérée comme la priorité
des priorités dans l’obtention d’une solution globale et
permanente. Sa position et son rôle politiques ne peuvent être découverts
que parmi des rumeurs, allant de l’allusion à la déclaration.
Par exemple quant aux choix en matière de négociations dont il
conviendrait d’améliorer les conditions, ou par rapport à la résistance,
à laquelle il faudrait fixer certaines limites, comme par exemple
la destruction du mur d’apartheid mais sans aller jusqu’à
l’exigence d’un droit au retour pour les réfugiés
palestiniens. Le discours de cette opposition s’adresse à la
communauté internationale, et en particulier à la société civile
occidentale donatrice.
Le discours qu’elle adresse au peuple palestinien n’a pas
d’autres fondements ; le plus souvent, il est extérieur au
contexte de l’affrontement direct avec l’ensemble du projet
visant à écraser le peuple palestinien où qu’il se trouve.
C’est pourquoi ces élections nous ont confrontés à un nouveau
concept trompeur consistant à abandonner le choix de la résistance
en vue de l’autodétermination au profit du retour dans les rangs
de ce qu’il est convenu d’appeler " l’opposition à la
corruption du gouvernement."
C’est de cette manière que ces élections présidentielles
envoient au monde entier un message selon lequel le peuple
palestinien aurait choisi la direction qui bradera ses droits.
Mais ce n’est pas grave, car tel est le genre de démocratie qui
est bonne pour les vaincus et les droits qui seront bradés devront
représenter le prix à payer pour liquider ce combat qui a rebattu
les oreilles de l’opinion publique mondiale, en particulier avec
tout le bruit fait autour des négociations qu’il faudra conclure
au plus vite après cette longue période de circonlocutions et de
temporisation.
Le combat national palestinien s’est transformé en une comédie
de boulevard qu’il est convenu d’appeler “ négociations ”
et la victime – le peuple opprimé – n’a plus qu’à accepter
encore plus d’oppression, afin de satisfaire à la demande des
spectateurs qui commencent à s’ennuyer et qui veulent dormir sur
leurs deux oreilles quelque temps, pensant que le crime n’est
maintenant plus le leur, voire qu’il n’est plus le crime de
quiconque, sauf bien entendu de la victime elle-même !
Dans ces élections présidentielles, peu importait que l’électeur
soit présent ou non. En particulier lorsqu’on voit les choix qui
lui étaient laissés.
D’ailleurs, peu importe qu’il ait même un choix : que
pourrait-il choisir ?
Pouvait-il en quoi que ce soit influer sur le résultat ?
Non : le résultat était déjà là.
C’est le point qu’a atteint le peuple palestinien, c’est-à-dire
le fond du tunnel bouché dont on dit pourtant qu’il déboucherait
sur l’indépendance. Et le résultat est bien là aussi, puisque
l’occupation l’a obtenu, en imposant comme elle l’a fait, sur
le terrain, les faits accomplis et les réalités de la répression
et de la terreur, mobilisant pour ce faire tous les instruments et
les méthodes de domination qui se sont intensifiées depuis le début
de l’acte désastreux d’Oslo comme jamais durant les actes précédents
de la tragédie palestinienne.
Sous le poids de cette situation, l’électeur n’aura eu
d’autre choix que celui du très court terme. Ce fut un peu comme
si on l’invitait à sortir de la tente des condoléances pour
assister à une noce, quelques courts instants, afin d’y assister
à la présentation des félicitations et des bénédictions aux
familles des jeunes époux qui convoleront, quoi qu’on fasse et
quoi qu’on dise, après quoi on le ramènerait à la tente des
condoléances éternelles, ces condoléances que d’aucuns prétendent
susceptibles d’être entrecoupées de réjouissances, ces condoléances
qui sont le seul horizon offert aux Palestiniens de Gaza ou de
Cisjordanie (les “ Palestiniens de 67”)
C’est accepter le pire des choix produits par la capitulation.
Mais cette situation va-t-elle s’imposer et conditionner encore
pendant longtemps la période actuelle aux conditions impérialistes
et sionistes ?
Bien sûr que non !
Aujourd’hui, après qu’Abou Mazen ait été désigné comme chef
du comité exécutif de l’OLP, sans aucune objection, puis après
qu’il ait été choisi en un temps record comme candidat à la présidence
de l’Autorité palestinienne, ou, comme on l’a dit, comme “président
attendu”, maintenant qu’il est devenu le président élu avec
une majorité qualifiée par les commentateurs de “planche de
salut”, grâce à ses promesses sans lendemain, des promesses dont
tout le monde savait qu’elles étaient totalement fallacieuses, dès
lors que celui qui les tenait n’était autre que l’ingénieur
d’Oslo en personne, nous sommes confrontés à une unique vérité
: à savoir que l’OLP s’est transformée en projet d’Etat
illusoire et soumis à l’occupation.
Elle n’incarne plus le projet de libération du peuple
palestinien.
Quant à l’invitation à en renouveler l’activité ou à la
reconstruire sur ses ruines, afin de tenter de sortir de l’impasse
du piège des négociations et de la tractation, il ne reste plus
qu’à soumettre ce concept à l’épreuve du test qui lui est
aujourd’hui proposé.
Dans le pire des cas, le peuple palestinien risque d’avoir besoin
d’attendre au moins une génération avant de pouvoir s’extraire
de cette tromperie programmée, et se débarrasser, par la même
occasion, d’une génération dont la majorité des dirigeants
s’est donné pour objectif de rester au pouvoir pour un temps, en
contrepartie des miettes que lui offrent des projets visant à
liquider le peuple palestinien. Ce dont le peuple palestinien a le
plus urgent besoin aujourd’hui, c’est d’une alternative apte
à diriger la résistance et la lutte, car ce peuple n’a pas
d’autre choix…
Mais quand cette direction alternative et ce moment historique
viendront-ils ?
Devrons-nous attendre pendant toute une génération ?
La réponse requiert effort, difficulté et grande responsabilité,
mais elle requiert également que quelqu’un accroche la clochette
au cou du chat afin d’instituer ce que fera la future génération.
Afin qu’elle ne trouve pas derrière elle un vide dont paieront le
prix tous ceux qui restent spectateurs ou observent cette situation
où la tromperie règne et dicte sa loi en l’absence d’une
position qui définisse la réalité de la bataille et persiste à
l’affirmer comme le combat d’un peuple doté du droit
d’affronter, d’une manière directe et avec une grande pugnacité,
un projet colonialiste et raciste perpétré à son encontre et à
l’encontre de tous les peuples arabes, car c’est chez eux que se
trouvent le pétrole et autres richesses.
En sachant qu’aucun droit n’est fait, dans ce projet, au peuple
palestinien, même pas dans un Etat faible dirigé par un Abou Mazen
ou par qui que ce soit, élu, ou non élu.
Leur projet, c’est de liquider l’existence du peuple
palestinien, d’une manière programmée. Ils ne permettront jamais
que la terre de la Palestine historique ne soit pas (peuplée par
une) majorité juive et raciste.
Quant à tous les autres, ils n’auront d’autre possibilité que
celle d’accepter de vivre dans les conditions édictées par le
racisme.
Il n’y a donc aucune raison de persister dans ce jeu absurde.
Je lance un appel à tous, en vue de l’édification d’un choix
fondé sur la compréhension du fait que le problème est un problème
d’autodétermination, un problème de recouvrement des droits du
peuple palestinien, de ses droits usurpés, car tel est le problème
créé par le projet sioniste, fondé qu’il est sur l’oppression
et le racisme.
Et le tout premier de ces droits et le droit au retour des réfugiés,
lequel signifie tout simplement ceci : les réfugiés palestiniens
ont le droit de rentrer chez eux.
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Traduction
: traduit de l’arabe par Marcel Charbonnier |
Source
: ISM
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=2215&type=analyse&lesujet=Réformes
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