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LA
BARRIERE EST DANS LA TETE
Oren Medicks
22.02.04
Ce
que je redoute, ce n’est pas tant la barrière physique, bien qu’elle
soit une réalité désastreuse pour le peuple palestinien
et une réalité honteuse pour nous autres Israéliens.
La barrière elle-même pourrait être démolie en moins de temps qu’il
n’en a fallu pour la construire.
On pourra planter de nouveaux oliviers
et recouvrir les cicatrices de la terre déchirée tout au long de
la longue route sinueuse.
Ce que je redoute, c’est ce que la barrière fera à nos esprits.
J’écris ceci parce que je vois ce qui est en train de se passer
maintenant, ce qui se développe chaque jour et qui fait que les Israéliens
s’habituent à la vision d’êtres humains derrière des barbelés.
“ Nous avons eu
peur. Réellement peur ”
a déclaré l’un des soldats impliqué dans la récente fusillade de
Mas’ha. “ On les a vus secouer la grille comme des
animaux. Que se
serait-il passé s’ils avaient réussi à forcer cette grille et à nous
foncer dessus ? A cause de cette peur, un jeune soldat a
tiré sur un manifestant non armé, Gil Na’amati, qui restera sans doute
handicapé à vie.
Peut-être ne s’agissait-il là que d’une excuse de circonstance pour
un acte abominable, mais qui illustre la modification dramatique des
mentalités qui s’opère chez de nombreux Israéliens.
La logique est à peu près la suivante :
Le fait même que des
Palestiniens soient mis en cage derrière des murs, des fils de fer barbelés
et des barrières électroniques les définit comme des animaux dangereux
dans la mentalité
israélienne.
Cette impression se
forme de la même manière que nous nous faisons une idée d’une
personne d’après ses vêtements, sa maison, sa voiture etc…
Devant la photo d’un homme menotté, plusieurs réactions sont
possibles.
La première question est : ”Qu’a t’il fait ? ”,
de façon à déterminer l’attitude appropriée, la pitié, s’il
s’agit, par exemple,
d’un prisonnier politique ou le rejet s’il s’agit d’un
criminel.
La plupart des Israéliens ont déjà condamné depuis longtemps les
Palestiniens.
Nos manuels scolaires ont remplacé la lutte nationale palestinienne par
des histoires de “ Bandits ”, et ont évacué la notion
d’un combat pour des droits politiques, sociaux et culturels pour
ne le représenter que comme une pure malfaisance insensée.
Beaucoup de jeunes Israéliens, nés longtemps après la fondation de l’Etat
d’Israêl et la destruction de la société Palestinienne (la Naqba), ne
peuvent tout simplement pas se faire à l’idée que les
Palestiniens puissent avoir des droits.
Il y a longtemps que les 420 villages palestiniens qui avaient été détruits
ont totalement disparu, enterrés sous des “ Kibbutzim ” ou
des villes israéliennes.
Pour ces jeunes Israéliens, la violence palestinienne est dénuée de
tout motif et toute justification. Dans leur univers mental, elle
s’inscrit comme une folie terroriste, et la place des terroristes ,
c’est d’être enfermés derrière des barreaux.
Cet système de pensée est soumis à un défi croissant quand l’image mentale du
“ terroriste ” est confrontée
à l’image réelle d’un jeune Palestinien essayant, un fusil à
la main, de défendre sa maison à Jénine ou Naplouse, face à
l’invasion de tanks israéliens et de bulldozers qui écrasent tout sur
leur passage.
La barrière permet non seulement de cacher à la vue cette réalité,
elle résout aussi cette contradiction interne par la construction d’une
réalité externe parfaitement adaptée à la réalité mentale.
Le monde est finalement équilibré et clair. Les Palestiniens, mauvais et
violents, sont derrière les barreaux et les fils de fer barbelés, à
leur place.
Ainsi, ce système mental qui ne reconnaît pas les droits des
Palestiniens et, éventuellement,
met en doute leur humanité même,
peut se cristalliser
autour de la barrière.
Ceci se manifeste clairement dans la facilité avec laquelle la plupart
des Israéliens acceptent cette nouvelle réalité d’un peuple tout
entier derrière des fils de fer barbelés.
Et il semble tout naturel à de jeunes soldats d’ouvrir ou de fermer des
grilles, d’autoriser ou d’interdire le passage suivant
qu’il estime que celui qui le demande s’est bien ou mal comporté,
ou même sur un simple caprice.
Je redoute la solidité et la stabilité de cette structure.
Le reflet physique parfait d’une image mentale.
Si le monde laisse le mur s’ériger pour enfermer les Palestiniens et si
les Palestiniens deviennent un “ Peuple Fantôme ”
derrière le mur, ils pourraient perdre leur derniers moyens de convaincre
les Israéliens de leur humanité :
Le contact des yeux et la voix humaine.
Oren
Medicks de Gush
Shalom
(traduction
libre de Claudine L.)
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