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Palestine
: l'apartheid en pratique
Praful
Bidwai - 19 avril 2004
traduit de l'anglais par Claude Z. CCIPPP Sur
le site CCIPPP : http://www.protection-palestine.org
Praful
Bidwai est un écrivain indien parmi
les plus publiés. Il appartient au "Nehru Memorial Museum and
Library" et a remporté le prix "Sean MacBride 2000" du
Bureau International pour la PaixPublication originale : www.jang.com.pk/thenews/may2004-daily/06-05-2004/oped/o3.htm
Beaucoup
de monde en Asie pense que l'occupation israélienne en Palestine est
aussi oppressive, aussi brutale et intrusive, aussi dégradante,
humiliante et déshumanisante que l'a été le colonialisme en règle générale
dans le monde, à la nuance près que l'injustice actuelle dispose d'une
dimension religieuse du fait du sionisme.
Ces gens se trompent. L'occupation est pire, bien pire.
Je viens de visiter la Palestine-Israël pendant deux semaines et je peux
en témoigner. Prenons juste le fait suivant en considération. Durant la
première moitié du 20e siècle, la Grande-Bretagne avait progressivement
relâché sa poigne de fer sur l'Inde et était devenue plus accomodante
vis à vis des aspirations populaires. Durant la dernière cinquantaine
d'années, Israël n'a cessé de renforcer sa main-mise sur la terre de
Palestine et a pratiqué une politique d'exclusion de plus en plus forte.
Israël a confisqué les 24 % de la Cisjordanie et Gaza, et 89 % de Jérusalem
Est par le moyen d'implantations illégales, de routes, d'installations
militaires, de réserves naturelles etc...
Israël a réduit la vie quotidienne des Palestiniens à d'insupportables
formes d'une existence en prison. Ils ne disposent d'aucune liberté de
mouvement et parfois même à l'intérieur de leur propre intimité. Ils
ne peuvent rentrer même dans des villes dites "unifiées" comme
Jérusalem sans laisser-passer. Aujourd'hui, il y a 400 000 colons installés
dans 300 colonies réparties à travers la Cisjordanie.
Les colons sont incoyablement privilégiés. On leur alloue par exemple
1450 mètres cube d'eau par an, alors que le Palestinien ne dispose que de
83 mètres cube. Israël contrôle 80 % des ressources en eau dans les
territoires occupés et extrait également le tiers de ses besoins en eau
du Jourdain. 80 % des ressources des nappes phréatiques de la Cisjordanie
vont en Israël.
Les disparités entre les économies israélienne et palestinienne sont
stupéfiantes. Israël est le 16e pays au monde en terme de revenu (PIB),
avant l'Irlande et l'Espagne. L'économie palestinienne quant à elle dégringole.
Son volume d'activités a diminué de moitié, juste sur les 3 dernières
années. 70 % de ses entreprises ont soit fermé soit réduit fortement
leur activité. Le chômage se situe à 67 % à Gaza et à
50 % en
Cisjordanie. Plus de la moitié des territoires occupés a besoin d'aide
alimentaire en provenance de l'extérieur.
Les causes de cette grave détresse sur le plan économique résident dans
les bouclages et les confiscations de terres imposés par l'armée israélienne
dans sa soit-disante "lutte contre le terrorisme". Depuis
septembre 2000, la pauvreté dans les territoires a gravement empiré - de
20 à 75 % (et plus de 85 % à Gaza).
La campagne militaire israélienne qui a suivi septembre 2000 a tué 2984
personnes dont 500 enfants [chiffres publiés avant le 19 avril 2004, donc
avant les derniers massacres à Gaza en mai - N.d.T].
L'opération "bouclier défensif" a causé la perte de 360
millions de dollars, soit presque le double de l'investissement annuel
dans l'économie palestinienne. Et selon les estimations d'une conférence
des Nations Unies sur le développement, les bouclages et les dommages
infligés aux infrastructures par les opérations militaires ont entraîné
2,4 milliards de dollars de perte pour l'économie palestinienne. Les
Palestiniens ont également perdu 4 milliards de dollars en rentrées
financières.
La création d'Israël était censée réparer une grave injustice
historique, laquelle avait atteint son point culminant avec l'holocauste.
Mais au contraire, cela a créé une autre catastrophe (la "Nakba"),
c'est-à-dire le déracinement et l'expulsion de 800 000 Palestiniens.
Israël s'est auto-proclamé "état juif" et par cela même a réduit
les Palestiniens qui ont pu rester à l'état de citoyens de seconde zone.
En 1967, il a encore occupé la Cisjordanie et Gaza, déplaçant cette
fois-là 325 000 personnes.
Récemment, le premier ministre Sharon a proposé un "désengagement"
unilatéral de la bande de Gaza. Le plan devrait faire sortir 7500 colons
(sur une population palestinienne de 1,5 million d'individus) qui contrôlent
40 % des terres de Gaza. Ce plan a été repoussé dans le cadre d'un référendum
interne au parti Likud ce Dimanche [18 avril - N.d.T].
Personne ne doit pleurer à ce propos... Du point de vue de Sharon, ce désengagement
de Gaza n'a rien à voir avec l'accès des Palestiniens à l'indépendance.
Au contraire, il vise à se débarrasser d'un "point de
fixation" afin de consolider les plus grandes colonies en Cisjordanie
et à Jérusalem, et à empêcher l'émergence d'un état palestinien
souverain. Ce plan aurait permis à Sharon de se proclamer "homme de
paix", qui sait faire des "concessions".
En réalité, comme le dit l'écrivain israélien Meron Benvenisti, cette
sortie de Gaza "lui aurait permis d'améliorer la situation démographique
en retirant 1,5 million de Palestiniens du contrôle direct israélien, et
donc de réduire le risque que le pays cesse d'être un état juif".
Israël a déjà déclaré qu'il investirait des dizaines de millions de
dollars dans les implantations en Cisjordanie. La sortie de Gaza ne
signifie aucunement l'intention de céder une quelconque souveraineté sur
Gaza. Israël continuerait à contrôler l'espace aérien, les accès par
la mer et par la terre, et enverrait des troupes sous le prétexte
d'assurer sa propre "sécurité". La déclaration Bush-Sharon du
14 avril va explicitement en ce sens.
Autant donc pour le "désengagement".
"Après cette sortie, Gaza deviendrait une prison république"
dit Azmi Bishara, un Palestinien-israélien connu, philosophe et spécialisé
en sciences sociales, membre du parlement. "Ceci ne sera en rien un
pas vers la résolution de la question de la Palestine basée sur la fin
de l'occupation israélienne".
Sharon a temporairement été bloqué par son aile droite [si ce terme a
quelque signification quant il est question de Sharon ... N.d.T] à savoir
le lobby des colons. Mais il est lui-même responsable de la force de ce
lobby. Il n'a eu de cesse de renforcer l'extrémisme sioniste depuis 1977
à travers sa politique agressive de colonisation. Sa stratégie a
toujours été : quand une pression s'exerce pour rendre les territoires
occupés, répond par une extension de la colonisation ! Depuis sa
provocation de Septembre 2000 sur le Haram-al-Sharif, la politique israélinne
a pris un tour vicieux, et ses offensives militaires sont devenues féroces.
Le vrai but de Sharon est de confiner la Palestine en un ensemble de
Bantoustans sans continuïté territoriale, ni souveraineté ni indépendance.
Ceci ne peut s'appliquer que par la mise en pratique d'une sorte
d'apartheid, c'est-à-dire par la séparation et par la ségrégation.
Sharon a en train de mettre cela en pratique par :
- le confinement des Palestiniens dans de petites zones (Zone A sous contrôle
de l'Autorité palestinienne, Zone B sous sécurité
"conjointe"), en tentant de les expulser des zones C qui selon
les accords d'Oslo sont sous contrôle total des israéliens
- la soumission à un harcèlement , une obstruction et une punition
collective sur le plan économique visant à briser leur volonté
- l'impossibilité de se déplacer en créant 760 points de contrôle (checkpoints)
sans compter les blocs de béton, à travers la Cisjordanie et Gaza
- la démolition des habitations des Palestiniens, leur déracinement, et
l'imposition d'une ségrégation sur des bases ethniques.
Et c'est dans ce contexte qu'est apparu le "Mur de l'Apartheid"
de 700 kilomètres de long.
Il ve protéger les colonies et les insérer "géographiquement"
dans Israël. J'ai visité le chantier du Mur à Abu Dis près de Jérusalem.
Il coupe littéralement les villages palestiniens en deux, avec d'un côté
l'école, et la mosquée et le cimetière de l'autre. Ce mur monstrueux de
2 milliards de dollars n'a rien d'une structure temporaire. Il est destiné
à "changer les faits sur le terrain" par une division
territoriale irréversible. Le Mur va mettre la société palestinienne en
lambeaux.
L'occupation de la Palestine est la pire étape dans l'histoire du
colonialisme, et c'est le problème irrésolu du 20e siècle. Il égale à
la fois l'Algérie de 1960, le Viet Nam des années 1970 et l'Afrique du
Sud des années 80. Combattre cette occupation exige le même type de
solidarité internationale. La communauté au niveau international ne va
pas trouver facile de bloquer les visées israéliennes, cet état ayant
toujours défié de façon crapuleuse les lois internationales. Les
Etast-Unis ont été son plus fidèle allié et ne peuvent être considérés
comme un partenaire loyal.
Seul un authentique, général et multilatéral mouvement de solidarité
peut tansformer les choses. Beaucoup dépendra de l'évolution de la
situation en Irak, où l'Empire fait face à sa plus grave crise. Si
l'Irak change les rapports de forces au niveau mondial, les Etats-Unis et
Israël seront peut-être obligés d'entendre raison.
Praful Bidwai
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