Sommet
Abbas / Sharon
Il
n'y aura pas de paix au Proche-Orient sans justice
A aucun moment hier il n'a été question d'occupation
Par
Robert Fisk
The Independent, 9 Février 2005
http://news.independent.co.uk/world/fisk/story.jsp?story=`9177
<http://news.independent.co.uk/world/fisk/story.jsp?story=`9177>
Traduit par Danielle Mourgue
Ainsi les Palestiniens vont mettre un terme à leur occupation d'Israël.
Les
tanks palestiniens n'entreront plus en écrasant tout sur leur passage
dans
Haifa et Tel Aviv. Les F-18 palestiniens ne bombarderont plus les villes
israéliennes. Les hélicoptères Apache palestiniens ne mèneront plus
"d'assassinats ciblés" -c'est à dire de meurtres- de leaders
militaires
israéliens.
Les Palestiniens ont promis de cesser tous les "actes de
violence" contre
les Israéliens et Israël a promis de mettre un terme à toute
"activité
militaire" contre les Palestiniens. Ca y est alors. La paix est là..
Un Martien- même un Martien bien renseigné- aurait conclu que c'était
ça le
message, à supposer qu'il soit tombé sur le monde de "fantasy"
de Sharm
el-Sheikh hier. Les Palestiniens avaient utilisé "la violence",
les
Israéliens eux ayant mené "d'innocentes" opérations. La
violence
palestinienne ou "le terrorisme et la violence" - cette dernière
formulation
étant nettement plus populaire puisqu'elle porte le stigmate du 11
Septembre
2001- était maintenant terminée. Mahmoud Abbas- qui a dit à un proche
ami
libanais cette année qu'il portait un costume et une cravate pour paraître
"différent" de Yasser Arafat- a accepté tout cela. Seulement
quelles
personnes occupaient les maisons de quelles autres personnes restait un
mystère.
Mahmoud Abbas, cheveux grisonnants et chargé de sagesse, avait la tête
de
l'emploi. Nous devions oublier que c'était le même Abbas qui avait rédigé
les Accords d'Oslo, qui, dans les 1000 pages qui les composaient avait
négligé d'utiliser -ne serait-ce qu'une fois- le mot
"occupation" et qui ne
parlait pas de "retrait" israélien des territoires palestiniens
mais de
"redéploiement".
A aucun moment hier, il n'a été question d'occupation. Tout comme le
sexe,
"l'occupation" devait être censurée et ne pas apparaître dans
le récit
historique. Comme d'habitude -comme à Oslo- les vraies questions ont été
repoussées à une date ultérieure. Les réfugiés, le "droit au
retour",
Jerusalem Est comme capitale palestinienne: occupons-nous en plus tard.
Jamais auparavant nous n'avons eu autant besoin de la voix caustique du
regretté Edward Saïd. Des colonies- des colonies juives pour les juifs
,et
uniquement les juifs, sur la terre arabe- on n'a, bien sûr, pas parlé
hier.
Pas plus que l'on a parlé de Jerusalem Est. Ni du "droit au
retour" des
réfugiés de 1948. Ce sont les "rêves irréalistes" auxquels
les Israéliens
ont fait référence hier.
De tout cela on discutera "plus tard" - comme cela était censé
l'être dans
les accords d'Oslo sans espoir d'Abbas. Tant que l'on peut renvoyer à
plus
tard les causes réelles de la guerre, tout va bien. "Un terme à la
violence", qui a coûté 4000 morts- tout a été dit hier, sauf l'équation
de
première importance que les deux tiers de ces morts étaient des
Palestiniens. La paix, la paix, la paix. C'était comme le terrorisme, le
terrorisme, le terrorisme. Le genre de truc qu'on peut trouver sur une
étagère de supermarché. Si seulement.
A la fin de la journée, les questions étaient les suivantes. Les Israéliens
démantèleront-ils leurs énormes colonies en Cisjordanie, y compris
celles
qui entourent Jerusalem? Aucune référence à cela hier. Mettront-ils un
terme
à l'expansion des colonies juives- pour les juifs et uniquement les juifs
en
Cisjordanie palestinienne? Aucune référence à cela hier.
Autoriseront-ils
les Palestiniens à avoir une capitale dans l'arabe Jerusalem Est? Aucune
référence à cela hier. Les Palestiniens mettront-ils vraiment un terme
à
leur intifada- y compris aux attentats suicides - suite à ces promesses
qui
n'existent pas?
Comme les élections irakiennes- qui ont eu lieu sous occupation étrangère-
les pourparlers Israelo-Palestiniens ont été historiques parce qu'ils
étaient "historiques". La Ministre américaine des Affaires
Etrangères,
Condoleezza Rice,a "averti" les Palestiniens qu'ils doivent
"contrôler la
violence" mais il n'y a eu, comme d'habitude, aucune demande de
"contrôler"
la violence de l'armée israélienne.
Parce que la condition sine qua non de l'équation était que les
Palestiniens
étaient coupables. Que les Palestiniens étaient la partie
"violente" -d'où
l'exhortation à ce que les Palestiniens mettent un terme à "la
violence"
alors que les Israéliens mettraient simplement un terme aux "opérations".
Il
semble que les Palestiniens soient génériquement violents. Les Israéliens
génériquement respectueux de la loi; ces derniers mènent des "opérations".
Mahmoud Abbas a approuvé ce non-sens.
C'était on ne peut plus clair dans la façon dont ont été rapportés
les
évènements d'hier. Ce qui était en jeu a dit CNN était "un terme
à toute
violence"- comme si l'occupation et la colonisation illégale n'étaient
pas
des formes de violence. L'agence de presse américaine Associated Press a
parlé lâchement de "villes qui, pour l'instant, continuent à être
sous
contrôle israélien" en d'autres mots, sous occupation israélienne,
bien
qu'ils ne le disent pas sous cette forme à leurs lecteurs.
Ainsi Mahmoud Abbas va être le Hamid Karzai de Palestine, sa cravate étant
l'équivalent de la robe verte de Karzai, "notre" homme neuf en
Palestine, le
"tsunami" qui a nettoyé la contamination de Yasser Arafat, dont
Condoleezza
Rice a évité la tombe hier. Mais les chausse-trappe subsistent:
Jerusalem
Est, les colonies juives et le "droit au retour" des
Palestiniens de 48 dans
les maisons qu'ils ont perdues.
Avant d'applaudir comme les "faiseurs de paix" de Sharm
El-Sheikh hier, nous
ferions mieux de comprendre que, à moins d'apporter une réponse à ces
importantes questions sur l'injustice maintenant, ce nouvel acte
d'"accord
de paix" se révèlera aussi sanglant qu'Oslo. Demandez à Mahmoud
Abbas. Il
était l'auteur de ce premier accord fatal.
Source
: m u l t i t u d e s - i n f o s
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