Lettre ouverte aux sionistes de France et du monde
de Robert Thompson
Mesdames,
Mesdemoiselles, Messieurs,
Il me semble que nombre d'entre vous ont du mal à supporter les critiques
qui sont formulées par certains de nos concitoyens contre l'état d'Israël,
et que vous réagissez en accusant les auteurs de ces critiques ce
faisant d'exprimer des sentiments antijuifs.
Je ne suis qu'un Avocat Honoraire de province dans une région bien rurale
du Pas-de-Calais, mais je ne désarme pas dans les luttes que je mène
contre le racisme et l'injustice dans le domaine public et contre le
cancer dans ma vie privée. Je précise que j'ai passé des
années à défendre devant les tribunaux des personnes accusées de
crimes et/ou de délits graves. Fort de cette expérience,
j'ai du mal à comprendre l'amalgame entre des sentiments antijuifs, que
toute personne doit absolument condamner comme je le fais depuis mon
enfance, et des sentiments anti-sionistes, qui reposent sur notre
attachement à la justice pour les dépossédés palestiniens.
Evidemment, vous avez le droit absolu de faire valoir vos arguments en
faveur du sionisme, mais il est inacceptable de qualifier automatiquement
vos adversaires d'antijuifs, ou pour utiliser une mot stupide d'antisémites.
Chaque semaine j'adresse des articles à des sites internet aux Etats Unis
pour expliquer aux citoyens de ce pays mon point de vue en tant que chrétien
catholique européen engagé et pratiquant sur ce qui se passe dans le
monde. Des fois, j'ose même commenter la politique aux Etats
Unis, un pays que je n'ai jamais eu l'occasion de visiter.
Suite à des évènements dans ma vie professionnelle, je m'intéresse
beaucoup aux pays arabes, où j'ai toujours trouvé un accueil chaleureux
et amical, et ceci de la part de musulmans, de chrétiens et de juifs.
Je suis donc bien conscient qu'il existe des communautés juives qui
fleurissent dans certains de ces pays, surtout en Tunisie, au Maroc, en
Syrie, au Liban et en Egypte.
J'ai lu tout récemment le texte de la conférence donnée aux Etats Unis
par Madame Isabelle Tahar Miller sous le titre "Vivre en France en
tant que juif". De ce texte, j'ai appris qu'elle est née
à Paris de famille juive d'origine tunisienne, et je suis bien surpris
par tout ce qu'elle a trouvé à dire sur la France et les français.
Pour reprendre le vieux dicton "Paris n'est pas la France", et
elle ne semble pas avoir remarqué que, lors de notre dernière élection
présidentielle, il y avait une déclaration commune des responsables des
communautés chrétiennes - catholique, orthodoxe et protestante - juive
et musulmane contre toute forme de racisme. J'ai l'avantage
d'avoir des amis juifs et musulmans - ce qui me permet d'éviter tout
amalgame entre l'une ou l'autre de ces religions et le mal - comme semble
toujours le faire l'actuel président des Etats Unis.
Comme beaucoup d'autres, je m'insurge contre toute confusion entre le
judaisme - une religion pour laquelle j'ai un très profond respect - et
le sionisme, que je considère comme fondamentalement injuste.
Dans ses écrits au 19ème siècle, Théodor Herzl donne l'impression
d'avoir cru que la Palestine - qui à l'époque faisait partie de l'empire
ottoman - était un pays peu peuplé, et donc disponible pour y installer
la "race juive" qu'il proclamait haut et fort. Je me
permets de remarquer en parenthèse que je ne vois pas comment on peut
croire à une race juive si on voit la difference physique entre des juifs
de l'Europe ou de l'Amérique du Nord d'un côté et ceux qui viennent de
l'Inde ou de l'Ethiopie de l'autre. En outre, malgré les déclarations
de Monsieur Herzl dans son livre der Juedenstaat que les "juifs"
protégeraient les sites vénérés par les chrétiens et les musulmans,
ses expressions d'intention n'ont pas été respectées par les sionistes
des vingtième et vingt-et-unième siècles.
Pour moi, un juif est un individu qui fait de son mieux pour respecter et
vivre la foi juive, et je trouve difficile à comprendre comment on peut
logiquement concevoir l'idée d'un "juif non-religieux".
J'accepte bien volontiers qu'il existe des personnes issues de familles
juives qui ont perdue la foi de leurs ancêtres, comme c'est le cas de
personnes issues de familles chrétiennes ou musulmanes. Mais
je ne vois pas comment un tel individu peut - ni pourquoi il veut - prétendre
au titre de juif.
Il est évident que les mots "antisémite" et "antisémitisme"
tels qu'ils sont appliqués par les personnes sans formation adéquate
sont - pour utiliser une expression vulgaire - "bêtes et
stupides", parce que la langue sémitique de loin la plus répandue
est l'arabe. Je ne vois pas comment l'on peut être contre un
groupe de langues, même si on peut manquer le bon sens de voir que ces
langues sont parlées par des gens de races extrèmement variées.
Cette question fait l'objet d'un nombre d'articles que j'ai écrits et qui
ont été publiés en Europe ou aux Etats Unis.
Pour poursuivre la logique de ma pensée, le fait que je me trouve
incapable d'accepter comme juste l'établissement d'un état juif sur les
terres des palestiniens ne veut aucunement dire que je suis antijuif.
A mon avis, si on doit - et j'y ai des doutes - accepter le principe d'un
état fondé sur l'appartenance à, ou sur l'existence d'un lien avec, une
seule religion, la taille maximum de cet état doit être limitée à
celle du Vatican.
J'espère que, suite aux horreurs de l'époque pendant mon enfance et ma
jeunesse où les nazis tuaient tant de personnes parce qu'elles furent
censées être des juifs, la grande majorité de nos concitoyens partage
le respect fraternel que j'éprouve pour nos frères et soeurs de religion
juive. J'adhère à un parti politique, et je sais que parmi
ses principaux dirigeants et responsables il y a des chrétiens, des juifs
et des musulmans, ainsi que des personnes sans attache religieuse connue.
Malgré mes critiques fondamentales de votre point de vue, je vous adresse
mes voeux pour une très bonne année 2005, et je termine de ma façon
habituelle en vous souhaitant
Shalom - Salaam - Paix
Robert Thompson
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