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Pérès,
l'homme qui aimait trop le pouvoir
Les
Israéliens ont du mal à croire le vieux leader travailliste lorsqu'il
affirme ne pas être intéressé par un portefeuille de ministre. Il est
toujours prêt à se sacrifier pour la nation, ricane Yediot Aharonot.
Cela
faisait des mois que le pays bruissait de rumeurs selon lesquelles le
Parti travailliste menait des pourparlers secrets pour entrer dans le
gouvernement, des rumeurs prétendument ridicules et sans fondement. Et,
une fois par semaine, le chef de notre "opposition combative",
Shimon Pérès, se ruait sur les plateaux de nos émissions matinales pour
démentir ces rumeurs avec la dernière énergie. Et il suffisait de l'écouter
pour éprouver immédiatement un sentiment de culpabilité. Pourquoi embêter
ce cher homme ? Pourquoi avions-nous tant de mal à le croire quand il
jurait qu'il n'était intéressé par aucune fonction ministérielle, et
surtout pas par celle de ministre des Affaires étrangères ? Après tout,
il avait été de tous les gouvernements et avait obtenu tous les
portefeuilles possibles et imaginables. Il était au-dessus de tout ça.
Rien d'autre ne l'intéressait que la destinée du monde et celle d'Israël.
Deux participants aux négociations, Haïm Ramon pour le compte de Pérès
et Uri Shani pour le compte de Sharon, ne cessaient de distiller au
compte-gouttes les informations sur l'état des pourparlers entre Sharon
et Pérès. Et les médias, honte à eux, préféraient croire Ramon plutôt
que Pérès. Lorsque Ariel Sharon était interviewé sur l'état des négociations
entre le Likoud et le Parti travailliste, il ne parvenait pas à s'empêcher
de rougir quelque peu, affichant le sourire ingénu d'une jeune fille
surprise en train de flirter avec son premier amoureux. Mais Pérès, lui,
ne changeait pas de partition : il ne menait pas de négociations avec ce "gouvernement
nuisible". A présent qu'il négocie ouvertement, le temps
est venu de nous excuser devant Pérès. C'est gratuitement que nous
l'avons suspecté. Il n'y a jamais eu de négociations et il n'y en aura
jamais eu. Quand Pérès a rencontré Sharon ce 12 juillet, il s'est
d'abord demandé d'où ils se connaissaient. Tant d'années s'étaient écoulées
depuis qu'ils avaient eu leur dernière discussion sérieuse... Ils sont
ensuite tombés dans les bras l'un de l'autre (sans laisser à leurs
gardes du corps le temps d'intervenir), pour enfin prendre des nouvelles
des enfants.
"La paix n'attend que son entrée
au gouvernement"
Si jamais il restait un Juif à convaincre en Israël ou dans la diaspora,
Pérès a une réponse imparable pour lever les doutes et clouer le bec
aux importuns. Si Pérès parvient à imposer l'entrée du Parti
travailliste dans le gouvernement Sharon et à obtenir pour son parti des
portefeuilles ministériels confortables et influents, lui, Pérès,
serait prêt à rester à l'extérieur. Depuis 1969 (il y a trente-cinq
ans !), Pérès a occupé tous les postes ministériels possibles et
imaginables dans tous les gouvernements auxquels participait son parti.
Et, maintenant, voilà qu'il en aurait marre. Et il aurait raison. Il y a
en effet des limites à ce que le peuple et la patrie sont en droit de
demander à un vieil homme de 81 ans. A l'entendre, Shimon Pérès
pourrait se contenter de son siège de député et n'interviendrait en
rien dans les initiatives des "jeunes sexagénaires" qu'il
parachuterait au gouvernement. Et, toujours à l'entendre, la seule chose
qui pourrait encore faire revenir Pérès sur sa décision courageuse et
le faire entrer au gouvernement, ce serait son sens des responsabilités
envers la nation. Le lecteur pourra éclater de rire (il existe des
lecteurs que fait rire le destin de la nation), mais c'est la stricte vérité.
Pérès court de par le monde pour convaincre ses interlocuteurs israéliens
et étrangers qu'il est capable de tenir en laisse Arafat, que l'Union
européenne va faire couler l'argent à flots et que les Etats-Unis vont
applaudir, bref, que la paix n'attend qu'une chose : que le Parti
travailliste entre dans le gouvernement. Si, pour ce faire, Shimon Pérès
était forcé de participer au gouvernement, il se sacrifierait
volontiers. Les médisants continueraient de médire. La presse
continuerait de calomnier. Les camarades forcés de rester à la Knesset
continueraient de proférer des vilenies. Mais il ne ferait que son
devoir. Et si de petits esprits devaient à nouveau l'attaquer au nom des
"victimes de la paix", ce terme né dans les années 90 pour
qualifier les victimes d'attentats terroristes commis pendant les accords
d'Oslo, Shimon Pérès, lui, resterait à jamais convaincu que c'est lui
l'unique et véritable "victime de la paix".
Nahum Barnéa
Yediot Aharonot
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