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Tom
n’est pas mort en vain
si nous savons nous inspirer de son sacrifice
Par Silvia Cattori
15-01-2004
Tom
était un être de droiture. Photographe, il voulait, par son témoignage,
attirer l’attention du monde sur cet univers apocalyptique où la folie
d’Israël a plongé ces damnés. C’est ainsi que nous aimons nous
souvenir de Tom. En ce geste, où il s’oublie, où il se met de côté,
où il se tourne vers ces victimes de la violence aveugle que le monde
veut ignorer
Tom,
s’est définitivement éteint le 13 janvier 2004. Il avait à peine 22
ans. De fait, Tom avait déjà cessé de vivre sa vie de jeune homme
entreprenant et passionné, en ce 11 avril 2003, où un soldat israélien
l’a visé en pleine tête avec la franche intention de le tuer, sans
quoi il aurait ajusté le tir sur le bas de son corps.
Son assassinat s’est produit à Jebna, un quartier miséreux du camp de
réfugiés de Rafah - l’endroit le plus martyrisé de la Palestine –
alors qu’il voulait protéger, en compagnie de ses camarades du
Mouvement international de solidarité (ISM), les enfants victimes des
abus de l’armée israélienne .
Tom était un être de droiture. Photographe, il voulait, par son
témoignage, attirer l’attention du monde sur cet univers apocalyptique
où la folie d’Israël a plongé ces damnés. C’est ainsi que nous
aimons nous souvenir de Tom. En ce geste, où il s’oublie, où il se met
de côté, où il se tourne vers ces victimes de la violence aveugle que
le monde veut ignorer.
Quand je suis arrivée dans les bureaux ISM, il y avait là une quinzaine
d’internationaux, abattus, repliés sur eux-mêmes. Personne n’osait
rompre le silence. Un silence oppressant. Le corps ensanglanté de Tom -
que ses camarades d’infortune avaient baptisé depuis son arrivée à
Rafah, Thomas, pour éviter de le confondre avec l’autre Tom,
britannique comme lui – était dans tous les regards.
Le drame de la veille les avait traumatisés. Tom gisait sur un lit
d’hôpital désormais. Tom respirait encore. Mais tous savaient dans le
secret de leur cœur que leur camarade ne sortirait plus de son profond
sommeil. Et cela était dur à accepter. La guerre, les violences, les
situations aigues où des vies sont en jeu, avaient déjà marqué leurs
jeunes visages.
Comment contenir cette rage impuissante qui les rongeait ? Il fallait du
temps et du recul pour digérer la barbarie à l’état pur,
l’incompréhensible.
Chacun se remémorait ces difficiles moments partagés avec Tom, où des
soldats totalement fous venus d’Israël tiraient sur les enfants et les
adolescents palestiniens, sans raison autre que de s’amuser, que de
"bouffer" du Palestinien.
Chacun savait qu’il n’y avait pas de place pour la vie ici à Jebna.
Mais chacun avait déjà plus ou moins décidé, en son fort intérieur,
qu’il ne partirait pas. Qu’il était impossible de laisser ces
persécutés seuls. Chacun savait qu’il était impératif pour Israël -
qui voulait s’annexer plus de terres qu’il en avait déjà volées -
de "nettoyer" Jebna, coûte que coûte.
Quand il a fallu répondre aux questions des médias, pour se laver de ses
responsabilités, le commandement militaire a menti. Dit en substance que
Tom était armé, qu’il tirait sur eux, qu’il était engagé dans des
échanges de coups de feux.
Tom le doux ! Il a fallu six mois d’âpre lutte à la famille de Tom,
pour obtenir l’ouverture d’une enquête publique afin que la vérité
soit dite.
Cette famille admirable se bat aujourd’hui également en défense du
peuple palestinien, dont elle a découvert, au travers de la fin brutale
de Tom, la totale déshumanisation.
"Nous ne pouvons rester silencieux et permettre que des gens comme
Tom et Rachel, Brian Avery, Ian Hook et James Miller, deviennent de si
tragiques victimes. Si nous ne nous dressons pas pour que le gouvernement
israélien rendre compte de ses actions, alors il n’y aura pas de fin à
ces terribles pertes en Palestine" affirmait avec indignation la
sœur de Tom.
Pourquoi, en 2003, décision a-t-elle été prise par l’Etat Major
militaire israélien, d’aller jusqu’à tirer sur les internationaux ?
Il faut se mettre dans l’univers de pensée des militaires israéliens
pour trouver des éléments de réponse. Israël mène une guerre de
déstabilisation et de destruction massive contre les Palestiniens. Une
guerre qui ne cesse de s’intensifier, accompagnée de massacres, et
qu’il s’agit de cacher au monde. Les internationaux qui se trouvent
dans ces zones où Israël a programmé de mener des opérations
meurtrières, gênent l’armée ; ils sont considérés comme des ennemis
potentiels d’Israël.
Le photographe Tom - comme le cameraman Miller - voulait témoigner des
ces étranges opérations, qui conduisent les soldats - entre autre - à
tuer chaque jour un certain nombre d’enfants, pour forcer les parents
paniqués, dont on avait déjà détruit la maison, à décamper. Israël
a été le premier surpris par l’endurance des habitants de Jebna qui
ont persisté à vouloir rester sur leur lopin, après des mois de
bombardements continus, d’exécutions arbitraires.
Tom n’a pas été tué par hasard. Il dénonçait la barbarie de ces
bataillons de soldats envoyés à Rafah avec des chars d’assaut, des F
16, pour mener une guerre folle contre des enfants qui résistaient avec
des pierres et qui tombaient régulièrement sous les balles et les obus.
Tom faisait partie de ces êtres qui comprenaient que, dans la logique des
stratèges militaires, un enfant palestinien est une bombe à retardement.
Et que le tuer, en tuer quelques dizaines par mois, faisait partie de tout
un système. Et cela était pour lui inacceptable.
Tom a été tué parce qu’il gênait les militaires israéliens dans
l’exécution de leurs crimes. Ces internationaux qui regardent les
Palestiniens comme des êtres humains, sont considérés par Israël,
comme des ennemis de guerre, comme des gens abattre.
Israël a voulu les faire fuir par la terreur. C’est le contraire qui
s’est produit. C’est pourquoi, ne pouvant les tuer tous, Israël le
geôlier qui maintien la Palestine sous clé, a multiplié les
restrictions, pour les filtrer, les empêcher d’entrer en Israël, donc
en Palestine. Ces restrictions destinées à isoler les Palestiniens, sont
particulièrement inquiétantes.
Le monde n’a jamais pris conscience de la gravité des mesures
criminelles prises par Israël pour martyriser les Palestiniens et
provoquer à coup de "petits" massacres continus, leur départ
«volontaire» ou forcé.
Jenin, Balata, Naplouse, Rafah, Tulkarem, sont des villes martyres, où
tuer est facile, où les soldats, qui n’ont aucun problème de
conscience, se montrent féroces.
Ils exécutent sans états d’âme, avec désinvolture, des ordres qui
ont quelque chose à voir avec ce projet de "nettoyage
ethnique", de "transfert", commencé en 1948, que Sharon a
l’obsession d’achever.
Et nous, qui avons la chance de vivre en toute sécurité, nous n’avons
pas le droit de garder ce privilège pour nous.
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