http://www.haaretz.com/hasen/spages/546725.html
Ha'aretz, 2 mars 2005
Qui a dit que nous
avions adopté la barrière?
par Yossi Beilin et Yasser Abed Rabbo
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
C'est avec beaucoup de déception que nous avons suivi le débat et le
vote du gouvernement israélien la semaine dernière, 12 jours seulement
après le sommet de Sharm el-Sheikh, autorisant le "tracé amélioré"
de la barrière de sécurité.
Dans Ha'aretz du 24 février dernier ("et maintenant, la gauche
adopte la barrière"), Meron Rapoport suggérait que l'Initiative de
Genève voyait ce développement d'un bon ¦il. Il avait tort. Cette décision
est mauvaise, aussi bien du point de vue du processus que du contenu.
Le tracé de la barrière ne sert ni les intérêts israéliens ni les intérêts
palestiniens. Il a fallu trois ans à une commission spéciale du ministère
de la Défense pour se rendre compte de ce que nous savions tous
concernant la politique de démolition de maisons : outre son immoralité,
elle accentue la colère et l'hostilité au sein de la population
palestinienne. (1)
Une barrière peut contribuer à la sécurité des deux côtés, et peut
peut-être empêcher des attentats terroristes comme l'attentat suicide
condamnable qui s'est produit à Tel-Aviv le week-end dernier. Une clôture/mur
construite à l'intérieur du territoire palestinien, en ne tenant pas
compte de la nation palestinienne ni de sa direction, a la même logique
que la démolition de maisons dont nous parlions plus haut.
Une barrière physique construite sans le consentement des Palestiniens,
à l'intérieur du territoire palestinien, fait de quelque 250.000
Palestiniens des annexés involontaires à un Israël délimité par sa
barrière. Des dizaines de milliers de colons demeurent "du côté
palestinien". Cette barrière finira
par être démolie ou déplacée. Mais, pour les Palestiniens, la vie
quotidienne en est bouleversée.
Pour les Israéliens, toute révision, tout kilomètre inutile de la barrière,
accapare des ressources qui manquent cruellement aux budgets sociaux,
alors que des trous béants demeurent dans sa construction, le
gouvernement Sharon hésitant à défier la Cour suprême israélienne,
les décisions de la cour de La Haye et le gouvernement américain.
Nous ne sommes pas contre une frontière qui serait physique en plus d'être
politique, les bonnes clôtures faisant les bons voisins. Mais pas quand
la clôture se trouve dans le jardin du voisin. Une frontière qui aura
fait l'objet d'un accord sera la meilleure garantie de sécurité pour les
deux
peuples.
Dans le cadre de l'Initiative de Genève, nous sommes parvenus à un
accord sur la frontière (les cartes détaillées peuvent être consultées
sur http://www.geneva-accord.org)
avec pour base les lignes de 1967, quelques modifications mineures et réciproques,
et un échange de territoires qui
répond aux besoins des Israéliens comme des Palestiniens.
Outre son contenu, la décision [du gouvernement israélien] est également
troublante du point de vue de la politique qui la sous-tend. L'unilatéralisme
qui a caractérisé ces dernières années doit aujourd'hui devenir un
langage qui appartient au passé. D'un côté, le gouvernement Sharon a
pris la main que tendaient les Palestiniens à Sharm, mais de l'autre, il
continue à édicter des décrets unilatéraux qui vont influencer notre
avenir commun.
Cette politique unilatérale a deux composantes : l'un des côtés décide
de ce qui va se produire, puis applique ces décisions, seul. Il semble
qu'en ce qui concerne leur application, le gouvernement israélien ait
compris le besoin de coordination et de coopération. Mais ce n'est pas
suffisant. Le processus de prise de décision, les paramètres, le
contenu, doivent, encore une fois, résulter d'un dialogue et d'un
dialogue entre Palestiniens et Israéliens, et non entre Israéliens et
Israéliens. Nous devons revenir à une négociation générale.
Le désengagement de Gaza et la construction unilatérale de la barrière
de Cisjordanie ne sont pas seulement liés par le vote du gouvernement
israélien. Notre inquiétude est que cela révèle des intentions du
"matin d'après Gaza", et pour parler clair : continuer à éviter
les pourparlers autour d'un règlement définitif, et créer d'autres
faits accomplis sur le terrain qui saperont la viabilité même d'une
solution à deux Etats.
La tentation d'avancer lentement, à pas mesurés, sans rien faire de
spectaculaire, est peut-être humaine et compréhensible. Mais elle est
erronée, et ne tire aucune leçon des dix dernières années. Le cruel
attentat de Tel-Aviv constitue encore un exemple de ce que peuvent faire
des
extrémistes pour saboter et détruire. Il est de l'intérêt de nos deux
peuples d'en finir avec ce conflit, et vite. C'est probablement la raison
pour laquelle un sondage récent montrait que 64% des Israéliens et 54%
des Palestiniens soutiennent le contenu de l'Initiative de Genève.
Privilégier des arrangements intérimaires et éviter de définir les
objectifs à atteindre, c'est le meilleur moyen d'encourager les extrémistes
des deux côtés à torpiller chaque pas effectué sur le chemin du règlement.
La progressivité est un fardeau insupportable pour toute tentative de
stabiliser la situation sur le plan de la sécurité. Ne pas définir les
solutions à atteindre, c'est nourrir des peurs inutiles et des rêves irréalistes
de chaque côté. A beaucoup d'égards, il peut être plus facile de
parvenir à un accord définitif qu'à un accord intérimaire.
Naturellement, nous soutenons tous les deux la fin de l'occupation à
Gaza. Mais le "matin d'après Gaza" nous attend au coin de la
rue, et ceux qui souhaitent que ce conflit continue, ou qui croient qu'il
fait partie de notre destin, préparent déjà leurs prochaines actions.
Il n'est donc pas trop tôt, pour la coalition de la lucidité des deux côtés,
de déclarer qu'après Gaza, il n'y aura plus ni unilatéralisme, plus de
solutions provisoires, qu'on en finira avec le flou, et qu'il sera mis un
terme au conflit.
Nous trouvons instructif que depuis un an que l'Initiative de Genève a été
lancée, aucun autre plan détaillé n'a été proposé pour résoudre le
conflit israélo-palestinien. Même ceux qui nous critiquent semblent concéder
que si, ou quand une solution sera trouvée, elle suivra les principes de
l'Initiative de Genève.
L'alternative est de remettre à plus tard les décisions, et de prolonger
le conflit, en garantissant ainsi encore des souffrances, encore des
victimes. Si l'on en croit le Premier ministre Ariel Sharon, l'Initiative
de Genève a donné naissance au plan de désengagement de Gaza. Nous nous
engageons à conduire le processus, de Gaza à l'Initiative de Genève.
(1) cf notre article http://www.lapaixmaintenant.org/article979
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