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Ha'aretz, 2 avril 2005
La
bataille pour Jérusalem capitale
par Danny Rubinstein
Trad.
: Gérard pour La Paix Maintenant
Jérusalem Est isolée de son arrière-pays
Il ne fait aucun doute, dans l'esprit de l'opinion palestinienne comme
dans
celui de ses dirigeants, qu'Israël et l'Autorité palestinienne sont
aujourd'hui engagés dans une bataille décisive pour Jérusalem. Dans
quatre
mois, quand le désengagement [de Gaza] aura été effectué, la
constructions
des murs et des clôtures autour de Jérusalem sera terminée, et quelque
250.000 Arabes seront coupés de l'Autorité palestinienne.
Même un passant peu curieux remarquera que l'élimination de Jérusalem
Est en
tant que métropole pour son arrière-pays arabe s'effectue aujourd'hui à
une
vitesse grand V. En plusieurs endroits, des faits seront accomplis sur le
terrain, dans la partie Est de la ville et dans ses alentours, qui, dans
une
certaine mesure, feront que Jérusalem, capitale palestinienne, ne sera
plus
une option. Pourtant, l'exigence de voir Jérusalem Est devenir la
capitale
de leur Etat reste une priorité absolue pour les Palestiniens, peut-être
même davantage qu'une solution au problème des réfugiés. Il est clair
que,
sans accord final sur Jérusalem, il n'y aura pas d'accord final du tout.
La première phase de l'isolation de Jérusalem Est de la Cisjordanie a été
le
blocage de l'entrée en ville pour les résidents de Cisjordanie. Les
services
de sécurité israéliens ont effectué des efforts considérables pour
mettre en
oeuvre ce changement, et croient aujourd'hui qu'il ne reste à Jérusalem
que
très peu d'Arabes sans les permis idoines. La police et la police des
frontières patrouillent dans les rues et les résidents cisjordaniens
surpris
sans permis sont arrêtés et punis.
Les conducteurs de minibus, principal mode de transport dans les quartiers
arabes, sont tenus de vérifier les papiers de leurs passagers. Ils le
font,
sachant que s'ils se trouvent surpris à convoyer des passagers sans
permis,
leur véhicule sera confisqué.
Cela vaut également pour les conducteurs de voitures individuelles. Les
résidents cisjordaniens ont besoin de permis pour travailler, étudier ou
se
faire soigner à Jérusalem Est. Les permis sont valables trois mois et
reconductibles, mais ne sont pas faciles à obtenir. Des bouclages sont
mis
en place plusieurs fois par semaine, et, parfois, le voyage prend
soudainement plusieurs heures. Ces dernières années, la plupart des
institutions arabes de Jérusalem Est qui employaient des résidents
cisjordaniens les ont remplacés par des résidents de Jérusalem Est.
C'est le
cas, par exemple, des écoles privées de la ville.
Il est encore possible de pénétrer dans la ville par l'une des
nombreuses
brèches qui existent dans le tracé tortueux de murs et de clôtures. A
Abou
Dis, il y a quelques jours, on pouvait voir des gens escalader la clôture
par l'une de ces brèches. Les policiers des frontières en poste les
ignoraient et, d'après le propriétaire d'une épicerie proche, la
plupart des
escaladeurs étaient munis de permis en règle. Autrement, ils n'auraient
pas
osé passer. Dans ce cas précis, le mur n'est pas seulement un obstacle
servant à séparer, il constitue un outil de contrôle israélien. Son
existence permet la surveillance par Israël de la vie des Palestiniens,
de
l'activité des commerces et des services, et de la société en général.
De nouvelles mesures, applicables dans les mois à venir, exigeront des
résidents palestiniens de Jérusalem Est d'obtenir un permis avant de se
rendre en Cisjordanie. Pour l'instant, le passage des Arabes de Jérusalem
vers Ramallah et Bethléem, et de là vers le nord ou le sud de la
Cisjordanie, est pratiquement sans restriction. Leur carte d'identité
bleue
israélienne leur permet la liberté de circulation dans les territoires.
Cela
va changer quand les murs et les clôtures seront terminés. Les règles
concernant ces permis [à venir] ne sont pas encore publiées, mais tout
le
monde sait qu'elles sont en préparation. Il y aura environ 10 portails
dans
les murs et les clôtures qui entourent la ville.
A plusieurs checkpoints, comme celui d'Erez, à la frontière nord de la
bande
de Gaza, il existe ce qu'on appelle un "bureau des Israéliens,
qui traite
les cas de ceux qui sont en possession de papiers israéliens, y compris
les
résidents de Jérusalem Est. A Erez, il s'agit principalement d'épouses
de
résidents de Gaza. Les règlements qui s'appliquent à ces épouses sont
connues sous le terme de "protocole des familles divisées. Il
y a plusieurs
centaines de femmes qui entrent dans cette catégorie à Gaza, mais à
Jérusalem Est, il y a des milliers de familles divisées, et il est
difficile
d'imaginer comment le même protocole pourrait y être appliqué. D'après
les
données démographiques, environ deux tiers des Arabes de Jérusalem Est
sont
originaires de clans de Hebron, et même une séparation partielle de ces
Hiérosolymitains d'avec leurs familles, leurs lieux de travail et leurs
biens à Hebron paraît impossible.
La colonisation continue à Jérusalem Est
Cela fait des années que des Juifs emménagent dans les quartiers
[arabes] de
Jérusalem Est. Ce phénomène se manifeste par le nombre de maisons achetées
ou, semble-t-il, saisies par des étudiants de yeshivot ((séminaires
talmudiques) dans les allées qui jouxtent le Quartier juif : rue Haggaï,
Shah'ar haPrah'im, le quartier Saadia et à l'Hospice de St Jean, près du
Saint Sépulcre.
Dans le quartier de Silwan (Shiloah' en hébreu), des institutions juives
continuent à acheter et à construire des maisons, et un petit quartier
juif,
Maale haZeitim, a été construit en surplomb de Silwan, à Ras al-Amoud.
Et il
est question de déplacer le QG de la police de Judée-Samarie et de
transformer les lieux un en complexe spacieux pour colons.
Des Juifs, principalement des étudiants de yeshivot, se sont également
installés dans le quartier de Sheikh Jarrah, dans des immeubles proches
de
la tombe de Shimon haTsadik et du marché de Musrara, près du Consulat
américain (1).
.../
Le point de non-retour
Au coeur du quartier arabe de Jabal Mukaber, la construction d'un nouveau
quartier juif est en préparation, et des plans de construction importants
existent pour la zone de Walja, au sud de Jérusalem, ainsi que pour la
grande zone qui relie Jérusalem à Maale Adoumim. Des récentes déclarations
de la part du ministre de la Défense Shaul Mofaz (et d'Ariel Sharon
lui-même, ndt) à propos d'un plan consistant à construire des milliers
de
logements dans cette zone ont déclenché une tempête diplomatique. Les
Palestiniens sont parfaitement conscients du fait que construire dans
cette
zone rendrait impossible l'utilisation de ces terres [pour l'instant]
vides
d'habitants pour le développement de Jérusalem Est et de localités
palestiniennes comme al-Azaria (Béthanie), Abou Dis, Anata et al-Zaïm.
Construire dans cette zone faciliterait également l'achèvement de la clôture
de sécurité autour de Jérusalem et de Maale Adoumim, et rendrait ainsi
plus
difficile une continuité territoriale entre les parties nord et sud de
l'Autorité palestinienne en Cisjordanie.
Yehezkel Lein, de l'ONG B'Tselem pour les droits de l'homme, dit que les
"faits accomplis" sur le terrain (clôture de sécurité,
constructions)
constituent une recette sûre pour atteindre un point de non-retour. En
d'autres termes, les clôtures et les murs actuellement en construction
peuvent être démantelés demain, mais s'ils s'accompagnent de faits
comme des
logements juifs construits sur les lieux de ces murs, une situation
irréversible sera alors créée.
Les feux de signalisation de l'apartheid
On ne connaît que trop les plaintes pour injustices et pour
discrimination
concernant les budgets et les services alloués aux Arabes de Jérusalem
Est.
Karim Joubran, un chercheur de B'tselem originaire du camp de réfugiés
de
Shouafat, parle d'une nouvelle expression dans le lexique de la
discrimination dans la partie orientale de la capitale : les feux de
signalisation de l'apartheid.
Il n'y a quasiment pas de feux de signalisation dans les quartiers arabes
de
Jérusalem. Ils n'existent qu'aux rares endroits où il y a du trafic
automobile juif. Dans ce cas, par exemple au carrefour situé au nord de
la Colline française, le temps imparti au trafic arabe venant de
Shouafat est
bien inférieur à celui imparti aux véhicules venant du quartier juif.
Résultat : pendant plusieurs heures par jour, il y a de longues files de
véhicules en attente, à l'intersection des routes "arabes. La
municipalité
de Jérusalem affirme que ces allégations de discrimination au carrefour
ne
tiennent pas, et que le temps de fonctionnement des feu est calculé en
fonction du volume du trafic.
L'image que renvoie le débat palestinien interne sur ces questions est
celle
de la destruction des structures de la société arabe de Jérusalem, avec
le
projet [d'Israël] d'unifier la ville. Récemment, pas un jour n'est passé
sans qu'il y ait eu une conférence, une déclaration ou un discours par
un
dirigeant palestinien ou par un intellectuel à Jérusalem, qui
n'avertisse
que, si on laisse Israël appliquer ces mesures, aucun règlement du
conflit
ne sera possible.
(1) cf. notre article du 8 mai 2002 :
http://www.lapaixmaintenant.org/article85
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