Haaretz,
4 janvier 2005
Que
la Turquie joue les médiateurs
par
Zvi Bar'el
(Trad : Gérard, pour La Paix Maintenant)
Au lendemain du jour où la Turquie apprenait que peut-être, dans 15 ans,
elle deviendrait européenne, le Premier ministre turc Recep Tayyip
Erdogan
se rendait à Damas. Il ne s'agissait de rien de plus que de d'une visite
de
réciprocité, et Israël n'avait aucune raison de s'en faire, a dit
Ankara. De
même, les Turcs disaient qu'Israël n'avait aucune raison de s'inquiéter
de
l'accord de coopération commerciale signé entre les deux pays, car, après
tout, la Turquie commerce bien davantage avec Israël. Mais la Syrie est
sur
la liste noire des Américains, et pas Israël, disaient les officiels
israéliens. "Mais la Turquie a un intérêt politique à maintenir
des
relations avec la Syrie, vous savez, ce truc en Irak, et ce truc
kurde", ont
expliqué les Turcs. Tandis que vous, les Israéliens, ne permettez à
personne
de prendre part aux processus diplomatique.
"C'est parce que vous, les Turcs, avez traité Sharon de terroriste,
et sa
politique de terrorisme d'Etat", ont répliqué les Israéliens, qui
voulaient
aussi savoir pourquoi depuis deux ans, depuis l'arrivée au pouvoir du
gouvernement Erdogan, aucun officiel turc n'a s'est rendu en Israël.
Demain,
le ministre des Affaires étrangères turc Abdullah Gul mettra fin à cet
état
de fait et va se montrer bien plus amical envers Israël.
Parce que Yasser Arafat est mort, et que les hauts dignitaires ont
maintenant "l'autorisation" de rendre visite à l'Autorité
palestinienne sans
risquer un boycott de la part d'Israël, Abdullah Gul peut jouer le rôle
de
l'arbitre de chaise objectif en Israël, puis le lendemain à Ramallah.
Tout
bas, il murmurera à l'oreille d'Ariel Sharon, et peut-être aussi à
celle du
président Katszav, les conditions mises par Bashar Assad à la
restitution à
Israël du corps de l'espion israélien Elie Cohen (exécuté par les
Syriens en
1965). C'était là la mission diplomatique la plus importante confiée à
Erdogan par Israël, avant sa visite en Syrie le mois dernier.
Si la réponse se révèle satisfaisante, Israël pourrait faire un signe
de
tête en signe d'acquiescement, si la Turquie demande une autre mission de
médiation. Mais, cette fois, il s'agira de quelque chose d'un plus plus
sérieux : tenter de créer un semblant de dialogue entre la Syrie et Israël.
Le ministre des Affaires étrangères Silvan Shalom n'est pas contre : après
tout, paroles ne valent pas accord, et encore moins un retrait du Golan.
De
plus, si la Turquie est médiatrice, on saura depuis le début que tout
cela
n'est pas bien sérieux, car ce n'est que quand la Maison Blanche
intervient
que les gens s'excitent. En un sens, la Turquie et Israël sont des Etats
jumeaux, mais aucun des deux n'est capable de peser sur l'acceptation de
l'autre par la partie du monde qui l'intéresse.
Israël ne peut pas peser sur la position de l'Union européenne à l'égard
de
la Turquie, comme la Turquie ne peut pas peser sur la position des Etats
arabes vis-à-vis d'Israël. Israël comme la Turquie sont
"suspects" dans
chacune de ces sphères. En même temps, tous deux possèdent une
caractéristique d'une importance vitale pour l'autre : Israël peut
accorder
à la Turquie un statut de puissance importante dans une région qui
n'adopte
pas Ankara, et la Turquie a déjà prouvé plus d'une fois qu'elle ne
permettra
pas à ses relations avec l'Iran et la Syrie de dicter ses relations avec
Israël. Mais il y a un hic : si Israël permet à la Turquie de jouer les
médiateurs entre lui et la Syrie, Washington pourrait se fâcher.
C'est cette affaire que devra régler aujourd'hui et demain Richard
Amitrage,
le vice-secrétaire d'Etat américain. Il se rendra à Ankara et à Damas,
afin
d'obtenir de la Syrie qu'elle accepte publiquement d'agir contre les
infiltrations en Irak depuis la Syrie. Abdullah Gul, qui rencontrera
Armitage, pourra briefer Sharon sur les résultats de la rencontre, et
Sharon
saura alors si l'on peut donner à la Turquie un permis de médiation. Car
c'est de ce permis, ou du moins de "l'accord pour considérer
positivement
l'intervention de la Turquie", que dépend la chose la plus
importante : la
viste d'Erdogan en Israël à la fin du mois [de janvier]. Il faut prendre
cela très au sérieux. Parce que, depuis quatre ans, Israël a perdu sa
capacité à choisir ses amis. La Turquie est peut-être le seul pays
(hormis
les Etats-Unis) où l'opinion publique continue à respecter Israël, même
si
son gouvernement se montre très froid vis-à-vis de Jérusalem.
En attendant, bienvenue à Abdullah Gul, et si les Turcs veulent jouer les
médiateurs, qu'ils le fassent.
Source
: La Paix Maintenant
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