Ha'aretz, 8 mars 2005
Avant-postes ou
nouvelles colonies?
par Dror Etkes (1)
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Par principe, je suis contre l'idée de consacrer un article aux
avant-postes. Quel intérêt y a-t-il à distinguer entre les avant-postes
et l'entreprise de colonisation dans son ensemble? Il est clair que les ;avant-postes
ne sont rien d'autre que de nouvelles colonies, ou des
extensions de colonies existantes.
Cette distinction représente un succès de la droite colonisatrice qui
veut faire croire aux gens qu'il est normal que des centaines de milliers
d'Israéliens continuent à habiter en-dehors des limites de l'État
souverain, dans une région où, depuis plusieurs générations, la
population qui les entoure se voit dénier ses droits les plus élémentaires.
De plus, discuter séparément des avant-postes sert de ligne de défense
aux colons. Quiconque veut franchir cette ligne, en politique ou dans les
médias, constatera un jour ou l'autre qu'entre temps, les "colonies
légales" ont doublé ou triplé de volume.
Cela vous rappelle-t-il quelque chose? Oui, c'est un résumé de
l'histoire des colonies en Cisjordanie ces dix dernières années. Voici
quelques exemples qui vous feront toucher de doigt le phénomène : Migron
(environ 40 familles), Horeah (environ 15 familles) et Havat Gilad (trois
familles plus un grand nombre de jeunes en-dehors de tout cadre légal)
sont trois parmi la centaine d'avant-postes en Cisjordanie. Ces
avant-postes font régulièrement les grands titres, lors d'une tentative
d'évacuation d'une cage à poules ou d'une caravane introduites là
pendant la nuit, tentative en général infructueuse, d'ailleurs.
Y a-t-il quelqu'un, qui connaisse, même de façon superficielle, le tissu
composé par les colonies et le découpage du territoire en dizaines
d'enclaves, et qui pense sérieusement que la présence des 250 Israéliens
tout au plus qui vivent dans ces avant-postes (dont la plupart sont des bébés
ou de jeunes enfants) pèse vraiment sur la question du contrôle par Israël
de la Cisjordanie? Les questions récurrentes autour de tel ou tel
avant-poste permet aux colons de détourner l'attention des vrais problèmes
auxquels la société doit répondre, et ce sans retard.
S'il y avait un débat sérieux sur l'avenir de la Cisjordanie et des
colonies, les noms de trois colonies, proches des trois avant-postes
mentionnés plus haut, apparaîtraient : Kokhav Yaakov (environ 4000
habitants), Eli (environ 2200) et Kedoumim (environ 3000). Leur superficie
et leur population ont triplé depuis dix ans. Un débat sérieux
exigerait de la société israélienne qu'elle comprenne au préalable
deux faits simples et fondamentaux :
1/ Il y a deux nations bien distinctes qui vivent sur cette terre, les
Juifs et les Arabes palestiniens.
2/ En aucune manière le destin de l'une ne demeurera soumis aux caprices
de l'autre alors que c'est précisément le programme politique pour
lequel ces colonies et avant-postes ont été créés.
Néanmoins, une analyse historique des colonies fait apparaître un aspect
qui distingue les avant-postes (ou, plus précisément, un certain nombre
d'entre eux, soit ceux créés ces toutes dernières années) de
l'entreprise de colonisation en général : la création de certains des
avant-postes reflète une nouvelle phase dans l'histoire de son évolution,
où la puissance des
systèmes politique et bureaucratique conçus pour servir les colons a
commencé à développer des anticorps contre ces mêmes systèmes et ceux
qui les ont créés. Il s'agit d'une phase où les autorités israéliennes
ont perdu le contrôle, non seulement sur le comportement des colons, mais
sur ce qui est fait avec les ressources énormes placées entre leurs
mains. Ainsi émerge une situation distordue, où les élus régionaux de
Cisjordanie, des gens élus pour collecter les impôts locaux et réparer
la voirie avec les fonds collectés, sont occupés à peser sur la
politique étrangère et de défense de l'Etat d'Israël.
(1) cf. l'article d'Akiva Eldar http://www.lapaixmaintenant.org/article1006
(2) cf. notre article "portrait d'un patriote"
http://www.lapaixmaintenant.org/article467
Article publié précédemment sur bitterlemons.org
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