Ha¹aretz, mercredi 19 janvier 2005
PRIS ENTRE DEUX
FEUX
par Danny Rubinstein
(trad. Tal pour LPM)
L¹attaque suicide de la nuit dernière à l¹entrée du Goush Katif [2]
et la persistance de tirs de roquettes et de missiles à partir de la
bande de Gaza sont un camouflet à l¹égard du nouveau président de l¹Autorité
palestinienne, Mahmoud Abbas, et de son influence. Le fait que l¹attaque
ait pris place le jour même de sa première visite à Gaza en tant que
dirigeant de l¹Autorité palestinienne ne peut être vu que comme un défi
de l¹opposition à son pouvoir.
Les plus loyaux supporters de Mah¹moud Abbas eux-mêmes exprimaient hier
leur préoccupation face au comportement du H¹amas et du Djihad
islamique, quelques heures à peine après la réunion du cabinet
palestinien et du Conseil de sécurité nationale à Ramallah. Un décret
y avait été adopté permettant de rechercher les points de lancement de
roquettes dans la bande de Gaza et de faire régner l¹ordre et la sécurité
partout dans les Territoires.
L¹attentat d¹hier s¹est accompagnée de défilés du H¹amas et du
Djihad islamique dans les rues de Gaza, où les orateurs affichèrent leur
refus de se joindre au moratoire des attaques contre des cibles israéliennes.
Les commentateurs palestiniens expliquent que l¹attentat du Goush Katif
et les provocations clamées à Gaza ne sont pas seulement destinées à
atteindre Israël ; elles marquent aussi la tentative, de la part des
organisations islamistes, d¹avancer leurs pions en prévision d¹éventuelles
négociations avec Mah¹moud Abbas et la direction palestinienne
concernant leur entrée en son sein. En d¹autres termes, l¹attentat et
les missiles sont une démonstration de force au « bénéfice » des
nouveaux dirigeants.
Comment Abbas va-t-il réagir ? Sa priorité, ces derniers jours, était
de trouver un accord avec les membres de son propre parti, le Fata¹h,
affiliés aux Brigades des Martyrs d¹Al-Aqsa. Il semble y avoir réussi.
Les Brigades des Martyrs ont publiquement fait connaître leur intention
de cesser les attaques à l¹intérieur des frontières d¹Israël mais
non en Cisjordanie ni dans la bande de Gaza.
Plusieurs officiers des services de sécurité palestiniens ont dit hier n¹avoir
pas encore discuté des moyens concrets d¹empêcher les attaques, ni reçu
d¹ordres explicites à ce sujet. « Tout ce que nous avons entendu, pour
le moment, ne sont que des mots creux, non des ordres », a raconté l¹un
d¹eux, en poste à Gaza. Mah¹moud Abbas, qui doit rencontrer aujourd¹hui
de nombreux responsables de la sécurité gazéenne, a ouvertement reconnu
qu¹aucun ordre formel n¹avait été donné, et que beaucoup d¹officiers
n¹avaient eu connaissance des nouvelles directives que par les médias.
L¹attentat d¹hier a mis en lumière le dilemme auquel Mah¹moud Abbas
est confronté : il est pris entre les exigences d¹Ariel Sharon et les défis
du H¹amas et du Djihad islamique.
Alors que s¹achèvent les préparatifs des quatre jours de fête
musulmane de l¹Id al-Adha, la direction palestinienne espère qu¹au
moins le vendredi 21, qui en marque le début, se déroulera dans un calme
relatif. Si tel était le cas, Mahmoud Abbas pourrait avoir enfin une
chance de discuter avec les groupes islamistes, en présence des
Egypstiens qui prévoient d¹inviter au
Caire l¹ensemble des factions palestiniennes à des pourparlers sur un «
code d¹honneur » incluant l¹acceptation d¹un cessez-le-feu.
NOTES______________________________________________
[1] Rappelons qu¹au lendemain de l¹élection, étape victorieusement
franchie d¹une nécessaire démocratisation, il était fait état d¹un
projet de réorganisation des Forces de sécurité palestiniennes en trois
services sous le contrôle du Conseil national de sécurité (CNS) de l¹Autorité
palestinienne :
- la Sécurité générale, réunissant tous les groupes à vocation
interne (forces de maintien de l¹ordre, « police bleue », et unités de
Défense civile) ;
- le Renseignement général, unifiant l¹ensemble des bureaux existants ;
- la Sécurité nationale, embryon de la future armée.
Le CNS comprendrait 12 membres (le Premier ministre, les ministres de l¹Intérieur,
des Affaires étrangères et des Finances, les directeurs des trois
services créés, ainsi qu¹un maximum de cinq experts).
Quoique formellement Commandant suprême des forces palestiniennes,
Mahmoud Abbas ne participerait pas aux réunions de cette instance régulatrice,
ainsi faite pleinement décisionnaire (pour de plus amples précisions,
voir l¹article d¹A. Regular dans Ha¹aretz du 11/1/05, « PA Security
Council to oversee armed forces » :
http://www.haaretzdaily.com/hasen/spages/525490).
Outre la fin des factions et milices, désormais contrôlées par l¹Autorité
palestinienne, le projet qui circulait dès le lundi 10 janvier au sein du
Conseil législatif palestinien, marquerait donc, s¹il se mettait en
place dans les formes prévues, une première séparation des tâches et
des pouvoirs
au sein de l¹exécutif palestinien. On comprend, à ce double titre, le
peu d¹enthousiasme des groupes islamistes, dont l¹esprit démocratique n¹est
pas le point fort.
[2] Où sont regroupées les implantations israéliennes du sud de la
bande de
Gaza.
Source
: La Paix Maintenant
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