http://www.haaretz.com/hasen/spages/554141.html
Ha'aretz, 20 mars 2005
Importer des Juifs
étrangers pour violer la loi?
par Uzi Benziman
La semaine dernière, quelques dizaines de familles juives
américaines surgissaient d'un avion, à l'aéroport Ben-Gourion, en annonçant
avec jubilation qu'elles étaient venues participer à des prières et à
des ,manifestations à Goush Katif contre le désengagement. Le lendemain,
on apprenait que les dingues du Mont du Temple se préparaient à importer
des milliers de Juifs pour envahir le site de fidèles, en juillet,
mobilisant ainsi d'importantes forces de police à Jérusalem et empêchant
celles-ci d'évacuer les colons de la bande de Gaza.
Voilà un nouveau genre de lien entre Juifs de la diaspora et Israël :
une immigration à court terme, pour violer la loi et troubler l'ordre
public.
En 1998, au moment où était évoqué un retrait minuscule (1%) des
territoires dans le cadre des accords de Wye Plantation, quelques-uns des
leaders de colons déclaraient que personne n'avait le droit de renoncer
à un quelconque bout de la Terre d'Israël, parce que, pour ce faire, il
fallait l'accord de "toutes les générations de la nation d'Israël".
Aujourd'hui, l'extrême droite enrôle les Juifs de la diaspora pour faire
échouer le plan de désengagement. Elle ne se soumet, ni aux décisions
souveraines du gouvernement et du parlement, ni à celles de la majorité,
qui se reflètent dans les sondages. Elle appelle les Juifs du monde à se
ranger sous son drapeau, et à participer à la résistance contre le
retrait de Gaza et du nord de la Samarie.
En apparence, cette importation de manifestants est parfaitement
admissible. Les liens entre Israël et la diaspora sont si divers
qu'on pourrait y inclure la participation directe des Juifs de l'étranger
à la controverse autour du plan de désengagement. Après tout, l'Etat
d'Israël attend des groupes de pression juifs qu'ils interviennent en sa
faveur auprès de leurs gouvernements. Il s'appuie systématiquement sur
la générosité des Juifs de l'étranger, se définit lui-même comme l'Etat
du peuple juif et se considère comme le refuge de tout Juif, où qu'il se
trouve. On pourrait donc arguer que cet Etat devrait tolérer la décision
de Juifs, qui ne sont pas citoyens israéliens, de prendre part de manière
active à la résistance au désengagement.
De même, personne ne s'est élevé contre la décision de certains Juifs
de venir en Israël participer aux guerres des Six jours et de Kippour.
Pourquoi leur refuser le droit de participer au combat contre le désengagement?
La réponse est qu'il y a une différence énorme entre l'intervention
active de Juifs, y compris une intervention physique, dans les affaires
intérieures d'Israël, et une participation à ses combats sur le
plan extérieur. Israël est, d'abord et avant tout, l'Etat de ses
citoyens. Et le droit de ces citoyens de décider du destin d'Israël (en
particulier de ses frontières et des accords concernant la sécurité
nationale) l'emporte sur le lien émotionnel des Juifs du monde à l'égard
d'Israël.
En d'autres termes, les Arabes d'Oum al-Fahm font, évidemment, partie du
public qui décidera du sort du désengagement, pas les Juifs de Brooklyn.
Cela sera également le cas si, le moment venu, la question du statut de Jérusalem
est mis à l'ordre du jour.
De plus, de la même manière que les Juifs de l'étranger sont contre
l'interférence d'Israël dans leurs affaires intérieures, même lors
d'incidents antisémites, Israël ne tolérera pas qu'une force juive étrangère
envahisse ses rues pour participer à des manifestations contre le désengagement.
Jusqu'à maintenant, la solidarité des Juifs avec Israël s'est concentrée
sur des questions consensuelles : guerres de défense, fardeau économique,
isolation politique. Aujourd'hui, l'extrême droite enrôle des Juifs en
tant que supplétifs, pour aider un camp minoritaire qui se bat contre la
majorité.
Le fait de convoquer des Juifs, non citoyens israéliens, pour une période
limitée, afin de participer activement à des actions qui entraîneraient
des violations de la loi et une confrontation avec les forces de sécurité
d'Israël, témoigne d'une conception distordue des leaders de la droite
radicale. Ils ignorent le fait qu'ils constituent une minorité qui veut
imposer sa volonté à la majorité par la force, soit en exigeant de
comptabiliser "toutes les générations de la nation d'Israël"
dans le vote
sur le sort des territoires, soit en appelant les Juifs de la diaspora à
venir prendre une part active à la résistance au plan de désengagement.
|