Ha'aretz,
vendredi 24 décembre 2004
NOUS
NE PERMETTRONS PAS L¹ANARCHIE
par Amos Harel
(trad.
Tal pour LPM)
Au cours d¹une visite au régiment stationné à Beith El, dans la région
de
Ramallah, le chef d¹état-major Moshé Yaalon a, pour la première fois,
fait
vibrer le pendule des deux côtés en même temps, évoquant tout ensemble
les
cas récents d¹exactions de soldats contre des Palestiniens et les
craintes
d¹un refus massif de servir de la part des milieux religieux à la veille
de
l¹évacuation.
? L¹armée doit se conformer aux valeurs morales de la société
Interrogeant les officiers sur les « incidents engageant la moralité »
intervenus dans leurs unités, [Yaalon obtint des réponses contrastées].
Pour
la plupart, la situation actuelle est de loin meilleure que celle connue
par
eux alors qu¹ils étaient eux-mêmes soldats ou tout jeunes
officiers, vers
la fin de la première Intifada : « Il y a toujours eu, et il y aura
toujours
des exceptions. Aujourd¹hui, nous poussons plus les enquêtes. Le
commandement s¹implique plus dans ce qui se passe, et les règles de
conduite
sont plus claires aux yeux des soldats. »
La couverture médiatique préoccupe les officiers. L¹un d¹entre eux dit
avoir
interdit à ses subordonnés de prendre leur appareil photo en cas
d¹arrestations à opérer, de crainte de laisser le champ libre à des
photos-souvenir humiliantes pour ceux que l¹on arrête. Un autre suggéra
des
entretiens avec les soldats avant leur démobilisation [S] pour les
dissuader
de propager des informations mauvaises [pour l¹image de Tsahal], espérant
ainsi éviter tout rapport avec le mouvement Brisons le Silence [2]. [S]
Un troisième afficha ses divergences avec « ces propos, comme nous
contrôlions la situation, et que les choses soient allées moins bien par
le
passé, mais que nous soyons, en fait, l¹armée la plus morale du monde.
Ce
n¹est pas le message que nous devrions transmettre. Il faut que tous
comprennent que l¹armée doit agir à l¹unisson des fondements éthiques
de la
société. Les médias m¹importent peu [S] Les cas exceptionnels
demandent plus
qu¹un intérêt ponctuel, ils interpellent les officiers et exigent de
prendre
de la hauteur de vue. Le problème moral commence quand il cesse d¹être
un
souci constant. »
Le chef d¹état-major se montra d¹accord : « Moi non plus, je n¹aime
pas
trop les proclamations d¹auto-satisfaction quant à notre supériorité
morale», a indiqué Yaalon, se démarquant du ministre de la Défense
Shaul
Mofaz et du Premier ministre Ariel Sharon qui décrivaient ainsi Tsahal il
y
a tout juste deux semaines.
« Nous devons prouver [notre morale] jour après jour. C¹est à nos
actes de
parler pour nous et pas le contraire. Nos soldats ont besoin de tout notre
soutien, mais quand ils se livrent à des faits répréhensibles, nous
devons
réagir. Si nous assignons à un soldat la difficile mission de garder un
barrage, nous ne lui donnons pas pour autant la permission de casser les
phares du taxi dont le chauffeur lui a déplu. »
« J¹ai vu des unités sur une pente glissante. La question est de savoir
ce
que font les officiers quand ils ont connaissance d¹un incident : s¹en
occupent-ils ou l¹ignorent-ils ? Demandent-ils qu¹un rapport soit fait ?
C¹est dans les unités faibles, là où les officiers ont peur de traiter
ce
genre de choses, que cela arrive. Heureux celui qui veille en permanence.
»
? Tsahal prêt à se passer des soldats qui suivent leurs rabbins plutôt
que
leurs officiers
Le chef d¹état-major Moshé Yaalon a déclaré cette semaine, au cours
de cette
même réunion avec les officiers des régiments et unités servant
dans la
zone de Ramallah [3], qu¹aucun soldat affecté à l¹évacuation des
colonies
n¹en serait exempté pour objection idéologique. D¹après lui, les
soldats
doivent obéir à l¹autorité de leurs officiers, non à celle de leurs
rabbins[4].
« Aucun soldat soumis à une autorité autre que celle de son commandant
ne
saurait demeurer dans nos rangs. Si un militaire nourrit des doutes, il n¹a
pas sa place parmi nous. Seuls ceux qui auraient à évacuer leur
propre
famille feront exception. Ils ne seront pas affectés à cette mission »,
a-t-il ajouté.
« Mais nous ne ferons pas de rabais, ni aux étudiants incorporés dans
le
cadre du hesder [5], ni aux résidents des implantations, s¹ils ne sont
pas
apparentés aux personnes à évacuer. Si j¹affecte les porteurs de
kippah à
des tâches annexes, je perpétuerai le refus gris [6]. »
« Nous ferons ici preuve exactement de la même fermeté qu¹avec les
pilotes
et les membres de la Sayereth Matkal [7] signataires de lettres de refus
de
servir dans les Territoires, que nous avons démis. Nous ne pouvons pas
nous
laisser aller à l¹anarchie », a-t-il encore dit.
« Il est très pénible d¹exécuter la décision d¹évacuer les
colonies, et
c¹est précisément pourquoi il nous faut être très clairs : il n¹y a
qu¹une
autorité et une seule à l¹armée. Sinon, un désastre pourrait se
produire, un
processus de désintégration. Certains rabbins sont déjà prêts à réagir
publiquement contre le refus. Je crois possible d¹en convaincre d¹autres,
qui sont encore hésitants. »
? Quand les actes se joignent à la parole
Si le haut commandement a pu donner l¹impression ces derniers mois de
zigzaguer dans la gestion des incidents mettant l¹éthique en jeu [S], le
message aujourd¹hui semble s¹être affûte. La tentative est réelle de
préciser clairement les limites entre ce qui est permis et ce qui l¹est
pas,
et de s¹occuper des cas où elles sont dépassées. C¹est ainsi qu¹une
circulaire émanant de Moshé Yaalon a été distribuée cette semaine aux
officiers, posant noir sur blanc l¹interdiction d¹achever les blessés.
[S]
S¹il y a quelque espoir dans la mise de Tsahal à la dure épreuve de ses
valeurs, il réside dans [S] la récente affectation dans les Territoires
d¹un
groupe d¹officiers supérieurs issus des unités d¹élite [S] tous dotés
d¹une
vaste expérience et aptes à comprendre pleinement la complexité du
travail
sur le terrain y compris au plan légal et dans leur rapport aux médias[8].
NOTES______________________________________________
[1] La calotte traditionnelle.
[2] « Shovrim Shtikah » (litt. « Nous brisons le silence »), s¹est
constitué
autour d¹un groupe de soldats démobilisés qui ont voulu faire connaître,
par
une exposition, les humiliations et exactions diverses auxquelles les
soldats sont tentés de se livrer, et pour certains se livrent, tension
aidant, dans les Territoires.
[3] Unités qui ne participeront probablement pas au retrait de la bande
de
Gaza, mais pourraient être amenées à évacuer des avant-postes dans les
zones
de la Cisjordanie où elles sont stationnées.
[4] Ce paragraphe de synthèse introduisait dans Ha¹aretz du même jour
une «
brève » concernant la déclaration de Moshé Yaalon : « IDF to oust
troops who
obey rabbis rather than officers », par Amos Harel
(http://www.haaretz.com/hasen/spages/518458).
[5] Les ultra-orthodoxes sont communément désignés par la couleur noire
de
la tenue h¹assidiqueS Par extension, « gris » est devenu le surnom de
ceux
qui s¹engagent tout à la fois dans le camp religieux et le camp
national.
[6] Le « hesder » combine service militaire et formation religieuse
traditionnelle en yeshivah.
[7] Unité d¹élite, dont les combattants sont, de même que les pilotes,
considérés comme la crème d¹une société où la guerre n¹a encore
jamais fait
vraiment relâche.
[8] Synthèse de la traductrice.
Source
: La Paix Maintenant
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