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Processus
de paix ou de guerre ? Michel Warschawski est Directeur du Centre d'Informations Alternatives de Jérusalem. Nous vous proposons la retranscription intégrale d'une Conférence qu'il a donné à Grenoble, le 25 janvier 2001, à l'invitation du CCFD, de l'Association Médicale Franco-Palestinienne et de Chrétiens Proche Orient. Le conflit, les espoirs au Moyen Orient soulèvent l'intérêt mais aussi l'inquiétude, les interrogations que tout le monde se pose sur le terrain. Je voudrais commencer par cette question : comment ce qui apparaissait, il y a encore six mois, comme un processus de paix sur le point d'aboutir, et c'est ainsi que les médias en France et en Europe, en Israël même présentaient la situation, comment, alors qu'on était à deux doigts de réussir, qu'on négociait les derniers obstacles, le processus d'Oslo, le processus négocié lui même semble, après ces quelques mois, être parvenu à une impasse. Alors deux questions se posent : qu'est-ce qui s'est passé, pourquoi en est-on là, mais aussi une deuxième question : pourquoi cette mauvaise lecture de la réalité, pourquoi cette surprise ? Je voudrais dire deux mots sur le concept de surprise, parce que je crois qu'il nous permet d'entrer directement dans le cour du sujet. L'opinion publique israélienne et internationale, mais je parlerai d'abord de l'opinion publique israélienne qui est directement concernée, a été surprise. Un de mes amis palestiniens me disait, il y a quelques semaines : " je ne comprends pas, vous êtes toujours surpris. Il y a eu la guerre du Kippour et vous étiez surpris, votre armée a été prise de court, vos services de sécurité, l'information, le deuxième bureau qui est censé être d'une efficacité rare, ont été surpris par la guerre. Puis il y a eu l'Intifada et vous avez été surpris, vous ne vous y attendiez pas. Et à la guerre du Liban, vous avez été surpris aussi par la résistance libanaise qui semblait pourtant évidente. Et voilà, qu'une fois de plus, vous êtes surpris par le soulèvement palestinien. Alors qu'est-ce qui se passe ? Pourquoi n'êtes vous pas capable de comprendre, d'anticiper ce qui, à nos yeux palestiniens et aux yeux de quelques uns de la communauté israélienne, semble presque inévitable " ? Des Israéliens disaient depuis des années, depuis quatre ans maintenant : " attention ! Ca risque d'exploser ". Ma surprise à moi, ce n'est pas que ça a explosé, ma surprise est que ça a pris si longtemps, ma surprise est l'étonnante patience des palestiniens qui, dans un cadre qui était censé mener à la réconciliation, un cadre caractérisé par les négociations, la reconnaissance mutuelle, ce cadre établi par la déclaration de principe de Washington, ce qu'on appelle la déclaration d'Oslo, avaient vécu l'humiliation, la poursuite de l'occupation, un élargissement sans précédent de la colonisation et surtout, une humiliation permanente, beaucoup plus difficile à vivre que les coups que l'on reçoit dans le combat. Attraper un coup de poing dans la figure quand on se bagarre, ça fait mal mais ça n'humilie pas. On donne des coups, on attrape des coups et quand on est plus faible, on en attrape plus qu'on en donne. S'attraper une gifle quand on est entrain de construire un bon voisinage et qu'on a tendu la main, ça, c'est humiliant. Ce que les palestiniens ont vécu au cours des sept dernières années, ça a été une innombrable série de gifles, d'accords non respectés, d'accords négociés, re-négociés et re-renégociés. Jusqu'à aujourd'hui, une partie substantielle de ce qui a été signé et contre signé et resigné par les différents gouvernements israéliens n'est toujours pas mis en ouvre. Il y a des prisonniers dont le nom apparaît dans les accords signés au début du gouvernement Netanyahou qui sont encore en prison. Il y a des territoires par rapport auxquels le gouvernement israélien avait annoncé le redéploiement de l'armée israélienne où celle ci se trouve toujours ( région d'Hébron par exemple ). Et malgré cela, le processus de négociation continuait, malgré cela les palestiniens étaient prêts à renouveler depuis maintenant sept ans le cessez le feu qu'ils avaient annoncé solennellement à Washington et qu'ils ont tout fait pour respecter et faire respecter, y compris par les courants les plus radicaux souvent opposés à ces négociations, coopérant, certains diraient collaborant avec l'armée israélienne pour empêcher que des actions terroristes comme on dit, ne fasse dérailler ce train de la paix, ce processus qui devait conduire à la paix et à la réconciliation. Alors pourquoi l'opinion publique israélienne a-t-elle été une fois de plus surprise ? Parce que et c'est peut-être le plus grand paradoxe de ces sept dernières années, israéliens et palestiniens, et quand je dis israéliens, j'y inclus une grande partie du mouvement de la Paix des hommes et des femmes de bonne volonté qui effectivement veulent la paix et qui se déclarent prêts à des compromis importants, israéliens et palestiniens vivent des réalités complètement différentes. Quel paradoxe ! Alors que le soulèvement palestinien de 87 à 91 avait réussi à faire percevoir qu'israéliens et palestiniens parlaient les uns et les autres de la même réalité sans être forcément d'accord sur comment résoudre les problèmes, mais au moins on était conscient du problème lui même et c'était peut être un des grands acquis de l'Intifada, voilà qu'après la signature d'Oslo, la reconnaissance mutuelle entre Israël et l'OLP, israéliens et palestiniens recommencent à vivre deux réalités complètement séparées. Alors on se rencontre, ce qui est nouveau, officiellement, nos représentants se rencontrent, négocient, discutent, collaborent même au niveau des forces de police, des services de sécurité, du business, mais par contre, au niveau des opinions publiques, nos perceptions se séparent de plus en plus. Alors, on est surpris parce que depuis sept ans, ici, de notre côté de la frontière qui est celle d'un bouclage des territoires occupés et je rappelle que le bouclage n'est pas quelque chose de nouveau, il existe depuis 1992, du côté israélien du bouclage, on vit la paix, c'est à dire la sécurité. Jamais la sécurité collective et individuelle n'avait été si bonne et ce, malgré cette courte période dramatique des attentats, des bus qui sautaient à Tel Aviv ou à Jérusalem. La prospérité aussi. Suite à la déclaration de principe, Israël devient un pays stable, au niveau des investisseurs internationaux et les investissements se multiplient, ce qui provoque un véritable boom économique que nous vivons encore, une réduction du chômage, un taux de croissance appréciable, des investissements. Alors c'est la sécurité, la prospérité, la reconnaissance internationale et arabe, de nombreux pays musulmans et plusieurs pays arabes qui n'avaient pas de relations diplomatiques avec Israël, sur la lancée de la déclaration de principe d'Oslo, ouvrent des relations diplomatiques et/ou économiques avec Israël, certaines officielles, d'autres officieuses, d'autres plus clandestines, mais qui créent une nouvelle réalité, brisent l'isolement et affirment une reconnaissance d'Israël. C'est la paix avec la Jordanie, et c'est la presque paix avec la Syrie qui a capoté sur les 300 derniers mètres. Donc, c'est la prospérité, la sécurité, la reconnaissance, l'élargissement du cadre de coopération avec Israël et finalement, peut-être le plus important pour les forces progressistes israéliennes, pour les forces de la paix en Israël, la possibilité de se regarder dans un miroir, la bonne conscience. Après avoir signé la paix, on a les mains propres, on se sent libérés de l'accusation, y compris de celle dont on s'accuse soi même, d'être les occupants, de réprimer un mouvement de libération, de réprimer des manifestations d'enfants, de femmes. On se sent enfin un peuple, une nation, un état civilisé, avec un horizon de normalité dans la région. C'est cela que nous vivons depuis sept ans en Israël : la paix et les fruits de la paix, et les dividendes de la paix. Et on est tellement à notre aise dans cette nouvelle réalité qu'on a cessé d'écouter ce que les pierres de la première Intifada nous avaient fait comprendre. C'est que tant qu'il y aura une occupation, il n'y aura pas la paix, tant qu'il y aura des colonies, il n'y aura pas de normalisation, tant que Jérusalem Est sera aux mains de la souveraineté israélienne, il n'y aura pas de réconciliation. Et cela, petit à petit, on l'oublie. Et on l'oublie à travers les années et on commence à développer une nouvelle philosophie consensuelle en Israël, selon laquelle on peut avoir et la paix et les territoires, au moins une partie d'entre eux, et la sécurité et les colonies, au moins une partie d'entre elles, et la normalité et la poursuite de l'occupation, même si celle-ci sera partielle, comme on dit en français, et le beurre et l'argent du beurre. Et ce nouveau consensus s'affirme derrière un objectif qui devient prioritaire, surtout depuis l'assassinat d'Ytzahk Rabin : la réconciliation nationale. Si, en 93, avec la déclaration de principe d'Oslo, on parle de réconciliation avec les palestiniens, celle ci semblant acquise, mais pas encore dans les faits, il est temps de se tourner vers la réconciliation nationale et créer un nouveau consensus qui serait la base de ce qui pourrait permettre une réconciliation avec les palestiniens, mais c'est une erreur, une immense erreur parce que le prix nécessaire à se mettre d'accord entre droite et gauche, entre colons et ceux qui s'opposent à cette colonisation est un prix inacceptable par les palestiniens. Mais là, s'affirme l'arrogance d'un pays fort, d'un pays en pleine prospérité, d'un pays qui se sent en sécurité et qui a une armée extrêmement puissante. C'est qu'on est persuadé qu'on arrivera à dicter aux palestiniens les conditions de cette paix. Lorsque les palestiniens disent : " mais non, cette paix exige le démantèlement des colonies ", de plus en plus, il existe un discours en Israël pour dire : " ne vous en faites pas, on arrivera à les convaincre ". Et quand les palestiniens disent : " il n'y aura pas de paix sans souveraineté palestinienne sur Jérusalem Est, " on leur dit : " Mais notre consensus ne le permet pas. Nous sommes tous d'accord pour dire : Jérusalem Est ne sera plus arabe ". Et lorsque les palestiniens disent : " mais c'est le prix ou alors, tout le processus va tomber ", on leur dit : " c'est à prendre ou à laisser ", étant persuadés que les palestiniens feraient marche arrière au moment voulu et accepteraient nos conditions pour la paix. Alors, on fête la paix, on célèbre, on profite des résultats de la paix qui n'existe pas encore, alors que les palestiniens continuent à vivre l'occupation, à laquelle s'ajoute cette dimension d'humiliation qu'il n'y avait pas avant. Une avocate disait, il y a quelques années, la grande différence entre les procédures des tribunaux militaires, que ce soit au niveau des peines, au niveau des chefs d'accusation, des procédures entre la situation après Oslo et avant Oslo, c'est que, depuis la signature des accords d'Oslo, d'une manière plus précise, depuis 94- 95, s'ajoute la méchanceté gratuite. Avant Oslo, l'appareil de répression, de punition mis en oeuvre par la justice militaire, les services de sécurité dans les territoires occupés était motivé par leur conception de la sécurité, par une conception de la sécurité exagérée dont on abusait, qui permettait tout, mais qui avait un objectif : garantir le maximum de sécurité, faire régner l'ordre de l'occupation. Après la signature des accords d'Oslo, s'ajoute une autre dimension, celle de montrer tout simplement qui est le chef. Ce n'est plus une répression fonctionnelle utilisée souvent avec beaucoup d'exagération, que ceux d'entre vous qui avez fait votre service militaire, ou été en prison ou dans toute structure de domination, où il y a un rapport de dominant dominé, connaissent, plus on se rapproche de la fin, plus l'adjudant ou le maton fait preuve de méchanceté pour montrer jusqu'au dernier moment qui est le chef. " demain, tu seras un civil, mais aujourd'hui, tu es encore un soldat sous mes ordres ". C'est un peu ce que les palestiniens ont connu au cours de ces dernières années, " peut-être vous serez indépendants mais tant qu'on sera là, n'oubliez pas que nous ne sommes pas égaux, que c'est nous qui fixons les règles du jeu ", c'est ce que cette amie appelait la méchanceté gratuite, une méchanceté qui n'est plus fonctionnelle, qui n'est plus là pour défendre un certain ordre, celui de l'occupation mais qui est là pour démontrer un supériorité et pour exprimer le refus d'accepter une égalité. Or, précisément, ce que les palestiniens attendaient avant les accords d'Oslo, bien avant de recevoir leur terre, bien avant de gagner la souveraineté, c'était de gagner la dignité. Pour les palestiniens, la signature de la reconnaissance mutuelle impliquait une réciprocité, non pas l'égalité, parce qu'il est évident qu'entre une société comme la société palestinienne qui ne s'est pas encore organisée sous forme d'état, qui a vécu 30 ans d'occupation et de dé-développement face à un état fort, développé, qui a eu le soutien de la communauté internationale pendant 50 ans, il y a une inégalité flagrante. Ce que les palestiniens attendaient au moins, c'est qu'on les traite sur un pied d'égalité, c'est qu'on les regarde comme ils disaient, au niveau des yeux, d'égal à égal, et qu'on négocie d'égal à égal. Mais plus le temps avançait, plus les négociations devenaient des négociations inter-israéliennes entre droite et gauche, entre partisans du Grand Israël et partisans des compromis et le résultat de ces négociations était imposé ou voulait s'imposer aux palestiniens en disant : " de toute façon, c'est la seule option en Israël, il n'y a personne qui vous proposera mieux que çà ". Et c'est ainsi qu'arrive le grand malentendu de Camp David. Qu'est-ce que c'est que ce malentendu ? Si vous lisez des journaux sérieux comme Le Monde ou Libération, vous voyez et c'est le mot dont on a usé et abusé durant les derniers mois, Barak a fait preuve d'une extrême générosité. Il a vraiment donné beaucoup plus que tout ce qu'on pouvait espérer. Et voilà que les palestiniens, ces ingrats, ceux qui ne loupent jamais une occasion de louper une occasion, ceux qui ne savent jamais comprendre que c'est le moment de dire oui, disent NON. Alors pourquoi ce malentendu, cette surprise qui s'exprime en colère en Israël ? Parce qu'il y avait deux façons de négocier : on négociait, on était très proches, physiquement, à la même table et pourtant, on parlait deux langages complètement séparés, comme deux lignes parallèles, comme deux rails qui ne se rencontrent jamais.Pour les palestiniens, ce que l'on négociait, c'était leurs droits : le droit, tel qu'il s'exprime dans les résolutions de l'ONU, dans la 4ème convention de Genève, tel qu'il a été affirmé et réaffirmé par la communauté internationale et en particulier l'Europe, le droit à l'autodétermination, le non droit d'acquisition d'un territoire conquis par la guerre, l'illégalité totale, flagrante et considérée comme crime de guerre des colonies de peuplement, le droit des réfugiés à rentrer chez eux. Ce sont des droits, non pas un marchandage et, pour eux, les négociations étaient là pour affirmer le droit et négocier les modalités de leur mise en oeuvre. Pour les israéliens, au contraire, ce qui se négociait, c'était des choses, des sujets. Les territoires n'étaient plus des territoires occupés. Territoire occupé est un concept du droit international, défini très précisément par la 4ème convention de Genève, il donne des droits et des devoirs à la force occupante et aux populations occupées. Sur les cartes du département américain, jusqu'en 1995, cela s'appelait territoires occupés. Depuis, pour les israéliens autant que pour les américains, pas encore pour les européens, j'espère, jamais, ces territoires ne sont plus des territoires occupés mais des territoires en négociation, des régions en conflit, en litige. C'est une région neutre, un peu comme le colonialisme français, anglais considérait l'Afrique au 19ème siècle, comme une jungle neutre qui n'appartient à personne et qu'on se partage en fonction d'un certain rapport de forces, d'une histoire, de qui était le premier, qui était le deuxième et on se le divise. C'est ni à toi, ni à moi, c'est quelque chose qu'on trouve dans la rue et qu'on se partage. Les territoires occupés sont devenus des territoires en litige, ce n'est ni palestinien, ni israélien, ni jordanien, c'est pour l'instant neutre et on négocie combien reçoit chacun. Les colonies ne sont plus des entités illégales, ce qui était admis par le mouvement de la paix israélien, par 50% de la population israélienne au moins, par toute la communauté internationale y compris l'Amérique, les colonies étaient des sujets en litige. Les colonies, ce sont des lieux de peuplement en litige et qui sont l'objet de négociations. Alors évidemment, si tout est neutre, si tout est en litige, s'il n'y a rien qui soit permis ou interdit, s'il n'y a rien qui est à toi ou à lui, mais que tout est ouvert, alors, quand un gouvernement israélien suggère 90% des territoires, voire 94% des territoires, il est effectivement extrêmement généreux et encore, c'est le plus fort. Le plus fort se contente de 6%, c'est plus que de la générosité, c'est de la charité chrétienne. Lorsque Israël reconnaît qu'il est prêt à ce que 75% ou 80% des colonies soient démantelées, c'est d'une générosité extraordinaire. Et c'est ce que l'opinion publique israélienne a cru et a réussi à faire passer à travers une partie importante de l'opinion publique internationale. Puisqu'il n'y a rien de permis et d'interdit, de légal et d'illégal, 96%, il faut vraiment être obstiné ou vouloir saboter le processus pour dire non. S'il y a un droit, si c'est à moi, c'est à moi, point. Et même si vous me donnez 95%, vous n'avez pas fait acte de très grande générosité, vous êtes encore un voleur qui ne m'avez rendu qu'une partie substantielle de mon du. Ca, c'est le grand malentendu de Camp David. Ce sont deux conceptions très différentes de quoi on négocie. Non pas que les palestiniens ne soient pas prêts à négocier, tous les dossiers à l'ordre du jour, ils l'ont dit et répété, ils sont prêts à écouter les revendications israéliennes sur le maintien de certaines colonies. Ils sont prêts à entendre parler d'échanges territoriaux, d'annexions d'une partie du territoire, mais ils veulent, et c'est la condition sine qua non sans laquelle il n'y aura pas d'accord et les négociations ne continueront pas, qu'il soit clair qu'on négocie sur une certaine base, que les territoires qui se trouvent à l'est de la ligne verte, des frontières du cessez le feu de 1967 sont occupés et doivent être rétrocédés, que les colonies sont illégales et doivent être démantelées, que Jérusalem Est n'est pas israélienne et doit être rendue. Une fois cela mis au clair sur le papier, on peut négocier les échanges, les exceptions. Les palestiniens disent : " on est prêts à être assez généreux, NOUS sommes prêts à être généreux, NOUS sommes prêts à être compréhensifs mais sur la base de ce qui NOUS revient. Et ce n'est pas à NOUS parce que ça nous revient mais à VOUS à demander et de justifier pourquoi nous devrions renoncer à telle ou telle région, pourquoi ces blocs de colonies devraient être annexés à Israël et qu'est-ce que l'on aurait en échange, pourquoi le mur des lamentations et le quartier juif de Jérusalem Est qui fait partie des territoires occupés depuis 1967 et en conséquence, d'après la résolution du Conseil de Sécurité et de l'Assemblée Générale des Nations Unies doivent être rétrocédées aux palestiniens, pourquoi faire une exception,. Nous ne sommes pas sourds à vos arguments mais c'est à vous à justifier cela, ce n'est pas à nous à justifier pourquoi nous voulons nos territoires. Il y a là deux conceptions contradictoires et, contrairement à ce que prédisaient certains intellectuels palestiniens, Arafat a été ferme sur ces questions et a surpris l'opinion publique israélienne parce qu'il avait fait preuve d'un extrême souplesse dans les négociations sur les statuts intérimaires. Mais il a été d'une extrême rigueur sur le statut définitif. Le statut intérimaire était intérimaire, comme des acomptes :vous nous avez promis 40%, puis 30%, puis 20%, ce n'est pas tout ce qu'on vous avait promis mais c'est des acomptes. Sur le prix définitif, ce n'est pas la même chose. Là, vous payez cash ce à quoi vous vous êtes engagés et ce à quoi la justice ou, si l'on veut, la légalité vous engage. Et l'opinion publique a réagi avec une extrême surprise et avec beaucoup de colère. " Comment pouvez vous être aussi ingrats, on vous a donné 40% des territoires occupés, on vous en donne encore 50%, on est même prêts à démanteler une partie importante des colonies, on est même prêts à une forme de compromis sur Jérusalem Est et vous dites non, alors tout est fini entre nous ". Et cette réponse, " tout est fini entre nous ", nous l'avons entendue à droite, ce qui était évident, mais aussi à gauche. Ca a été quasiment à l'unanimité que la population israélienne a accusé le président Arafat, l'autorité palestinienne, le peuple palestinien, d'avoir mis fin au processus négocié, de l'avoir saboté et de l'avoir remplacé par une réouverture du conflit représenté par cette intifada. Les réactions des forces de la paix israéliennes ont été très dures parce que ce sont ceux qui ont le plus profité, le plus intériorisé cette fête de la paix, cette fête dans laquelle on dévorait à pleine bouche les fruits de la paix. Les professeurs de l'université de Tel Aviv ou de Jérusalem pouvaient enfin rencontrer leurs collègues à travers tout le monde et parfois même au Maroc ou en Indonésie où ils étaient persona non grata auparavant : " Voyez, tout s'arrange, nous sommes en paix, nous sommes devenus une nation normale, civilisée et reconnue par nos ennemis les plus immédiats ". Et tout d'un coup, voilà un doigt accusateur qui vient de Palestine et qui vient aussi de Londres, de Paris, de Bruxelles, en disant : " Mais qu'est-ce que vous faites ? Vous tirez sur les enfants, vous affamez une population entière, vous n'avez dons pas changé, vous refaites ce que l'on croyait que vous aviez arrêté de faire ". Alors, ils sont très en colère, ils accusent les palestiniens : " vous nous repoussez dans ce rôle que nous ne voulions pas, vous nous obligez à nouveau à être l'occupant et nous ne voulions pas être l'occupant ". Mais les palestiniens ont été extrêmement clairs et très didactiques en disant : " bien sûr, nous ne voulons pas que vous jouiez ce rôle, mais nous vous avions dit dès le premier jour à quelles conditions les rôles changent. Vous n'avez pas voulu entendre. Nous ne l'avons jamais caché, vous n'avez pas voulu écouter. Nous vous avions dit : il s'agit de mettre fin à l'occupation, non pas de renégocier l'occupation. Nous vous avons aussi dit le droit au retour des réfugiés, nous sommes prêts à négocier les modalités, les rythmes, à écouter vos problèmes, mais ne dites pas qu'on n'a jamais parlé du retour, comme si c'était quelque chose de neuf ". J'ai vu dans certains journaux français : " les soldats ont perdu les pédales, les officiers n'ont pas toujours contrôlé leurs troupes ", non, c'est trop facile et ce n'est pas la vérité. La vérité est que l'usage de la violence a été planifiée bien en avance, a été voulue dans les moindres détails. Je ne prendrai que deux exemples très concrets, des preuves : la première, c'est que dans les plans que le gouvernement israélien, y compris le gouvernement précédent avait demandé à l'armée de préparer au cas où les palestiniens auraient l'audace de déclarer l'état de Palestine d'une façon unilatérale, l'armée devait préparer des plans de riposte. " on ne va pas les laisser faire ce qu'ils veulent sans réagir ". D'après ce que dit la presse quotidienne israélienne, il y a 4 plans, 4 dossiers alternatifs. Dans trois d'entre eux, il y a un chapitre qui s'appelle " la saignée ", (j'ai enfin traduit le mot juste : en hébreu : faire couler le sang). Ce chapitre a été signé par le spécialiste des questions militaires du quotidien Haaretz. Il explique au moins un des plans opératoires suggérés par le département opérationnel de l'armée : dans la mesure où les palestiniens prennent une initiative unilatérale, il faudra vite faire couler beaucoup de sang pour les ramener au bon sens ; une philosophie qui, malheureusement n'est pas unique à Israël, qui est assez classique, assez banale chez les généraux dans toutes les armées du monde, que si on leur en donne les moyens, les militaires peuvent résoudre tous les problèmes. Si ça ne marche pas, c'est qu'on ne leur a pas donné assez de moyens. C'étaient certains généraux français en Algérie, certains généraux portugais en Angola, ce n'est qu'une question de moyens : " laissez nous faire et on résoudra les problèmes ". Ca a toujours été un échec, ça n'a jamais fait ses preuves. Mais ils auront toujours raison car on aurait toujours pu leur donner plus de moyens. Donc, on ne pourra jamais prouver qu'ils n'ont pas eu raison, mais avec tous les moyens qu'on leur a donnés, je rappelle qu'au Vietnam, ils étaient infinis, jusqu'à la bombe atomique exclue, les bombardements massifs, la destruction des digues, qu'est-ce qu'on pouvait faire de plus, le défoliant dans une partie importante du territoire, des millions de morts et de victimes, et malgré tout, ils n'ont pas réussi. Et l'armée israélienne n'est pas différente de toutes les armées du monde et les généraux israéliens sont les mêmes que partout ailleurs. Ils pensent militairement et ils pensent que la force peut résoudre tout. Et donc, la saignée était quelque chose de planifiée, elle a été immédiatement mise en ouvre. Et pour preuve, et c'est le deuxième exemple que je veux vous donner, les seuls réservistes qui ont été mobilisés, fin septembre, début octobre 2000 ont été des tireurs d'élite. On n'a pas mobilisé les unités de réserve des fantassins, les réservistes, infirmiers, chauffeurs qui sont en général les premiers parce qu'ils sont assez nombreux parmi les appelés, on a appelé les réservistes qui étaient tireurs d'élite. Et on ne mobilise pas les tireurs d'élite uniquement pour disperser les manifestants. Pour ça, il y a la police des frontières qui est extrêmement efficace, ou les soldats du contingent qui sont moins efficaces parce qu'ils sont jeunes et qu'ils perdent un peu les pédales. Les tireurs d'élite sont là pour tirer, pour tuer. C'est leur profession, c'est leur expertise, c'est leur spécialité, c'est leur armement. Ils tirent à travers la lunette et l'armée israélienne d'ailleurs, ne l'a jamais caché, qui a même doté les tireurs d'élite à partir de novembre, de petites mini caméras vidéo pour filmer. On a même eu le plaisir de voir, à la télévision, tous les quelques jours, l'efficacité de nos tireurs d'élite puisque la caméra vidéo était attachée à la lunette à travers laquelle ils visaient. Et, c'était, ce qui était un peu stupide de la part de l'appareil de propagande de l'armée israélienne, pour montrer qu'ils ne tiraient pas n'importe comment. Ils tiraient un objectif précis, un palestinien précis qui s'apprêtait à lancer une pierre ou à tirer sur un soldat. Mais par là même, ils prouvaient une chose, c'est qu'ils étaient là pour tirer, pour tuer. Et comme dernière preuve, je ne l'ai pas ici, mais lors de mon dernier séjour en Europe, j'en avais besoin pour la présenter devant le Parlement européen, c'est une lettre que nous avons reçue au centre d'information alternative du général commandant le secteur opérationnel de l'armée israélienne, c'est à dire le n° 3 de l'armée israélienne, en réponse à une plainte que nous avons présentée devant la cour suprême sur l'usage excessif de la force, prenant de nombreux exemples y compris le nombre impressionnant de blessés. 80% des blessés le sont dans la partie supérieure du corps et nous savons tous que si l'armée tire parce qu'elle perd les pédales, c'est alors parfois dans les jambes, si les soldats tirent par panique, s'ils sont attaqués ou s'ils se croient attaqués et qu'ils tirent dans le tas, alors les balles sont partout. Logiquement, elles sont dispersées plus ou moins proportionnellement de la tête aux pieds. Or 80% des blessures sont dans la partie supérieure du corps, dans le thorax et dans la tête. Et le général nous répond d'une façon tellement directe que j'ai cru au départ que c'était une réponse ironique et qu'il se moquait de nous. Mais nos avocats nous ont dit : non, il répond tout à fait sincèrement, en disant : " non seulement c'est vrai que nous visions la partie supérieure du corps, mais nous regrettons que les soldats n'aient pas réussi à viser, à savoir à tuer, car leur objectif est de tuer dans de pareils cas ". Donc, ce n'est pas un usage excessif de la force, ce n'est pas une armée mal contrôlée, des soldats qui tirent à tort et à travers, en soi, ce serai déjà assez criminel, c'est un véritable crime de guerre. Et à nouveau, pour ceux qui ne sont pas convaincus, prenons le dernier exemple, et cela plus personne ne le cache, même les média européens le reconnaissent, c'est la décision d'assassiner les dirigeants politiques, 9 ou 12 dirigeants palestiniens, les chiffres ne sont pas clairs, ont été assassinés de sang froid, l'avant dernier en date étant un docteur, un ami très proche, dentiste, dans la ville de Tul Karem. Il a été un des premiers palestiniens, et je le dis par expérience car je connais très bien ce docteur, qui depuis 1987-88 a été un des premiers dirigeants du Fatah, un des premiers dirigeants de l'organisation d'Arafat, à chercher le dialogue avec les israéliens, à lancer les premières campagnes communes entre la ville de Tul Karem et les militants de la paix de Tel Aviv, à continuer depuis 88 jusqu'à aujourd'hui des rencontres et initiatives pour développer la solidarité, l'idée de réconciliation. Ce docteur n'avait rien à voir avec les militaires, il était un politique qui, plus d'une fois, s'est mis en danger dans sa propre communauté pour revendiquer l'action pour la réconciliation, même dans les moments les plus difficiles où la réconciliation n'était pas une évidence. Eh bien, ce docteur, avec 7 ou 11 autres palestiniens, a été assassiné de sang froid, tiré à bout portant par des tireurs d'élite alors qu'il sortait de sa maison pour aller à son cabinet, parce qu'il fallait se venger d'une opération qui avait eu lieu la veille. Toutes les autorités israéliennes le reconnaissent, il n'y a aucun lien entre la personne assassinée et l'opération à laquelle elle est censée répondre, si ce n'est un lien dans le temps. " Nous ne laisserons pas passer 24H sans qu'une opération soit impunie et peu importe qui sera puni ". On dit que ce sont les Américains qui ont suggéré cette politique parce que les missiles sur Gaza et Ramallah étaient impopulaires et inefficaces. Pour moi, peu importe si les conseils ou les suggestions venaient de Washington, c'est notre gouvernement, c'est notre armée qui est responsable et qui est passible de fait de la cour pénale internationale pour crime de guerre, un sujet qui tôt ou tard, sera à l'ordre du jour. Tôt ou tard, Israël cessera d'être l'objet d'une impunité permanente, des choses qu'on interdit à juste titre, à Milosevic, qu'on interdit à Saddam Hussein, à toutes les dictateurs et fauteurs de guerre à travers le monde. Il n'y a pas de raison qu'on ferme les yeux, qu'on détourne un regard pudique comme ça, ici, en Europe ou à travers le monde, parce que c'est Israël. Le premier acquis de l'Intifada a été d'ouvrir les yeux de l'opinion publique israélienne et d'enclencher un processus de remise à l'heure des montres, à savoir que le consensus en Israël éclate et qu'une partie substantielle majoritaire de la population comprenne que l'occupation était un problème, qu'il fallait y mettre fin et comprenne quel était le cadre global des conditions qu'il fallait pour y mettre fin. Cette perception, petit à petit, s'était atténuée depuis la signature des accords d'Oslo, elle avait rejoint un nouveau consensus en Israël, mais il n'a fallu que trois mois de soulèvement palestinien pour qu'à nouveau, une partie de plus en plus grande de l'opinion israélienne retrouve ses repères. On le voit à travers des prises de position d'intellectuels de la gauche israélienne les plus connus, qui, en septembre, début octobre, ont appelé à l'utilisation de la main forte de l'armée pour réprimer les palestiniens ingrats. Dès le mois de novembre, ils changent leur fusil d'épaule et appellent le gouvernement israélien à retourner très vite à la table des négociations, à menacer même de ne pas voter pour Barak si celui-ci ne parvenait pas à obtenir un accord qui nécessite la reconnaissance par Israël de la frontière des lignes de cessez le feu de 1967 et le démantèlement des colonies.Position qui n'est pas nouvelle : c'était la position des forces de la paix il y a 10 ans mais elle a été un peu oubliée au cours des années passées. Il faut être de retour à la case départ d'il y a 10 ans pour sentir qu'on recommence à aller de l'avant. On a fait 10 ans de détours, on s'est égarés dans les prés de l'illusion, du rêve du beurre et de l'argent du beurre, ce rêve où on peut avoir et les colonies et la paix et la sécurité et les territoires, et la réconciliation nationale et la réconciliation avec les palestiniens, toute cette utopie stupide qui s'est imposée en Israël et qui est tombée comme un château de cartes en deux mois d'Intifada. Et ça, c'est un acquis. Le problème est que cette polarisation qui se refait en Israël entre une droite et une gauche, entre les extrémistes et les modérés, entre partisans du compromis et de l'intransigeance, ne se retrouve pas derrière le duel électoral auquel la population israélienne est confrontée et par rapport auquel elle devra trancher dans une quinzaine de jours. C'est que les gens ne reconnaissent pas dans Barak Sharon le choix entre la guerre et la paix, les compromis et non compromis. Je ne me souviens pas, depuis 30 ans que je participe au jeu électoral en Israël, d'une élection aussi terne et qui provoque si peu d'intérêt dans l'opinion publique israélienne. Barak Sharon, Sharon Barak, pour une grande partie de l'opinion publique, c'est une question qui, si elle ne nous laisse pas tout à fait indifférent, est tout à fait secondaire. Tout le monde sait que la marge de manœuvre des uns et des autres est très limitée, que la base consensuelle qui les réunit est beaucoup plus grande que ce qui les sépare, que ce n'est pas le choix entre une option résolument pour la paix et une option qui tourne le dos à la paix. C'est le choix entre deux options assez identiques qui voudraient bien la paix mais qui ne sont pas prêts à en payer le prix. Un candidat comme Shimon Pères aurait pu exprimer cette alternative, vue sa trajectoire, vu ce qu'il signifie, vues les positions critiques qu'il a exprimées plusieurs fois autour du règne Barak, de la dictature Barak comme on dit en Israël aujourd'hui, ce pouvoir d'un homme seul qui dirigeait seul, envers et contre son parti, envers et contre sa coalition, envers et contre l'opinion publique qui l'a mis au pouvoir, qui a lamentablement échoué et qui ne sera pas réélu. Mais entre les deux candidats d'aujourd'hui, cette voix qui s'affirme sur ce qu'on entend à nouveau du côté palestinien et qu'on n'a peut-être pas voulu entendre au cours de ces dernières années, cette voix qui reconnaît ce que veulent les palestiniens sans pour autant toujours l'admettre, mais au moins sont prêts à l'entendre, cette voix ne trouve pas sa traduction dans la scène politique ou dans les candidatures qui se présentent à cette élection, d'où le désintérêt total assez largement partagé. Il y aura un pourcentage apparemment assez élevé et sans précédent, cela ne fait aucun doute, d'abstentions et de bulletins blancs aux prochaines élections, ce qui signifie une victoire certaine pour la droite. Sharon sera perçu comme un feu vert par l'appareil militaire, l'état major israélien dont une partie importante veut pousser à la guerre, parce qu'elle veut mettre fin dans ce qu'elle considère comme une série trop longue de défaites ou de non victoires. La guerre du Golfe, l'armée israélienne n'a pas pu réagir malgré les skuds sur Tel Aviv. Au sud Liban, l'armée israélienne a été mise en déroute et a du se retirer inconditionnellement jusqu'au dernier millimètre. Malgré les méthodes utilisées et le prix énorme payé par les palestiniens, l'armée israélienne n'a pas les moyens de résoudre militairement l'Intifada. Et l'armée veut une victoire comme toutes les armées et veut une redistribution des cartes, globale, pour avoir à nouveau son rôle à jouer et redonner ce qu'ils appellent la supériorité psychologique d'Israël qu'ils croient complètement ébréchée par ces trois défaites ou non victoires. Personnellement, je suis plus sceptique par rapport à ça. Je crois que les risques qu'implique un nouveau cycle de guerre au Moyen Orient sont trop graves pour que l'Administration américaine donne à Israël le feu vert. Tout le monde est d'accord qu'il y aura une prochaine guerre mais qui sera notre ennemi ? Est-ce la Syrie, l'Irak ou l'Iran ? Il y a trois tendances dans l'état major, chacun est persuadé que celui qui nous menace le plus est différent mais une guerre avec en arrière fond le symbole de Jérusalem risque fort de se transformer rapidement en une guerre de religion. On dit l'Intifada de Jérusalem, je ne le crois pas, je crois que c'est l'Intifada de l'indépendance. C'est aussi l'Intifada de l'humiliation, de mettre fin à cette longue période d'humiliation mais Jérusalem a été la provocation absolue de Barak à Camp David renforcée par cette visite provocatrice d'Ariel Sharon soutenue par Barak sur l'esplanade des mosquées. Alors Jérusalem, dans le cas d'une nouvelle guerre, deviendra la guerre de tous les musulmans, deviendra une guerre qui ira bien au-delà des conflits militaires et d'un échange de coups de feu, qu'une bataille de tanks ou de missiles entre Israël et l'Irak, entre Israël et la Syrie, mais deviendra une guerre généralisée qui mettra à bas, et c'est la raison pour laquelle, je crois, les américains n'y seront pas intéressés, tous les acquis de la guerre du Golfe du point de vue de la stratégie américaine. En tant qu'israélien ou habitant de cette région, la fenêtre d'opportunité, ouverte à Madrid ou à Oslo mais non ouverte pour l'éternité, qui offrait à Israël la chance de pouvoir s'intégrer, de pouvoir être accepté, malgré le passé, le péché originel qu'a représenté cette création d'Israël sur les ruines de la Palestine, risque alors d'être fermée, le monde arabe disant : " OK, tournons la page, nous n'oublions pas, nous ne pardonnons pas mais nous tournons la page, on est prêts à ouvrir un nouveau chapitre ". Loin de saisir cette opportunité, Israël a tout fait pour essayer d'ouvrir la fenêtre mais d'y faire ce qu'elle voulait et donc, cette fenêtre, si elle se ferme, risque d'ouvrir la porte à une bourrasque qui entraînera tout le monde. Si la guerre des religions se développe dans cette région, elle aura une caractéristique : il n'y aura pas de vainqueurs, il n'y aura que des vaincus surtout quand on sait qu'Israël est dotée de l'arme nucléaire et qu'elle n'a jamais caché, qu'en dernière analyse, s'il n'y a plus le choix, selon l'expression israélienne consacrée, " nous mourrons avec les Philistins ", référence à Sanson qui s'est tué en faisant tomber les poutres du temple où il se trouvait. C'est la question pour laquelle il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir en Israël mais aussi à travers le monde, pour empêcher que cette dynamique de guerre qui s'est ouverte, avec l'échec des négociations, avec l'échec de Camp David, aille de l'avant, parce que si elle va de l'avant, elle nous mène tous à une catastrophe. Alors, il y a des données pour refermer vite la porte de la guerre, les palestiniens ne l'ont jamais caché : elles sont : le retrait de tous les territoires occupés, le démantèlement des colonies, une souveraineté palestinienne sur tout Jérusalem Est, le droit au retour des réfugiés. Ces données sont claires, simples, elles ont été affirmées en 1988 et depuis, quotidiennement, par tous les portes paroles officiels, officieux et populaires des palestiniens, toutes tendances confondues. Et c'est à vous, dans une certaine mesure, en France et en Europe, de faire comprendre à nos dirigeants politiques, mais aussi à notre opinion publique, que c'est le prix à payer, que c'est un prix avantageux à payer car l'alternative sera terrible. Plus vite on comprendra que c'est cela ou la catastrophe, plus vite on arrivera à débloquer cette situation et à ouvrir de véritables négociations. C'est là que les négociations commenceront, sur la mise en oeuvre de ces résolutions du droit international, de l'ONU, qui sont le seul cadre accepté par les palestiniens et acceptable par la communauté internationale pour que la paix devienne un horizon réaliste dans la région et ouvre la voix vers une véritable réconciliation entre israéliens et palestiniens. |
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