|   Prier
      pour un cessez-le-feu Par Nour Abou Dan,
      Gaza, le 14 janvier 2025 https://electronicintifada.net/content/praying-ceasefire/50295     Plus de 15 mois se sont
      écoulés. Nous vivons au rythme de cycles répétés
      de négociations. À chaque fois, on nous
      dit qu’un accord sur la fin du génocide israélien à Gaza est proche. Nous avons tout imaginé
      dans notre esprit : comment nous rentrerions chez nous, comment nous
      retrouverions nos proches, comment la vie redeviendrait ce qu’elle était. À chaque échec, une
      partie de nous s’est brisée. Au cours de quatre
      déplacements, ma famille et moi – quatre âmes au total – avons essayé de
      reconstruire nos vies, quel que soit l’endroit où nous nous trouvions. Nous
      avons essayé de créer un sentiment de stabilité pour les enfants. Cependant,
      chaque déplacement a rendu ces efforts plus difficiles, car à chaque fois
      nous étions obligés de tout recommencer à zéro. Le soir, je m’asseyais
      avec mon mari, Abou al-Abed, pour écouter les mises à jour sur les «
      détails techniques » qui nécessitent plus de temps. Mon mari m’a demandé un
      jour : « Penses-tu que nous rentrerons bientôt chez nous ? » Je lui ai répondu
      calmement : « Je ne veux pas trop réfléchir. J’ai
      peur que nos cœurs se brisent à nouveau ». Nous n’aurions
      peut-être pas pu tenir le coup sans ces différents cycles de
      négociations. Au moins, ils apportent avec eux une
      lueur d’espoir. Mais ils sont aussi devenus une source de
      grande peur. Nous étions terrifiés à l’idée de nous
      accrocher trop fermement à l’espoir, sachant que l’espoir nous laissait
      toujours plus brisés qu’avant. Les dernières
      négociations sont différentes, du moins d’après ce qu’on nous dit. Elles
      ont commencé il y a plus d’un mois et nous entendons encore parler de
      progrès significatifs. Le Hamas a soumis une
      réponse positive au projet d’accord présenté par les médiateurs. Cette
      nouvelle à elle seule a suffi à allumer une joie prudente dans le cœur
      des habitants du nord et du sud de Gaza. Abdel karim, 3 ans,
      attend désormais la trêve. Oui, notre plus jeune suit l’actualité. Il
      comprend ce qui se passe autour de lui, saisit l’espoir qui vient avec
      chaque mot.   Une joie différée Chaque petite nouvelle
      suffit à rallumer l’optimisme. « Ils disent que les
      choses sont maintenant dans leur phase finale ! »
      s’est exclamé un voisin. Les enfants sont sortis en courant,
      applaudissant et chantant comme si l’accord avait déjà été conclu. Dans notre abri actuel,
      un local de stockage appartenant à des proches à al-Nasr, un quartier de
      la ville de Gaza, j’ai essayé de créer une atmosphère paisible pour mes
      enfants. Yomna, 5 ans, qui rêve de sa chambre
      rose, et Abdel karim, qui parle des jouets que nous avons dû laisser
      derrière nous. Mais à mesure que les
      jours s’allongent sans résultats concrets, nos craintes grandissent – la
      crainte que ce cycle de négociations soit comme tous les autres, juste un
      espoir non réalisé de plus. Au cours de ces quinze
      mois, notre vie a complètement changé. Une partie de ma
      famille vit dans le sud, et je ne les ai pas revus depuis notre fuite. J’essaie
      de rester en contact avec eux via un téléphone que nous pouvons à peine
      recharger grâce à un panneau solaire. Ma mère me dit: « Sois
      patiente, ma fille, cette fois, c’est différent. On
      se verra bientôt.» Mais sa voix trahit ses
      propres craintes. Nos voisins de la zone
      où nous avons été déplacés partagent la même anxiété. Chaque
      fois que nous nous rencontrons, les négociations dominent nos
      conversations comme s’il s’agissait de l’événement le plus important du
      monde. « Avez-vous eu des
      nouvelles ? », demande quelqu’un. «
      Ils ont dit qu’ils étaient très proches d’un accord ! »,
      répond un autre. Mais l’attente
      s’éternise. Chaque jour qui passe sans annonce
      officielle ne fait qu’accroître nos craintes.   Un dernier test A l’approche d’une
      éventuelle trêve, j’ai l’impression que l’occupation israélienne a perdu
      la tête. Dans une dernière tentative de détruire
      ce qui reste, les attaques se sont multipliées de manière drastique. C’est
      comme si l’occupant essayait de répondre à toutes les questions d’un
      examen avant la fin du temps imparti. Au moins 61
      Palestiniens ont été tués le 14 janvier dans des attaques israéliennes. Si
      les négociations de cessez-le-feu réussissent, ces gens auront vécu tout
      le génocide, sauf sa fin. C’est ce qui m’inquiète
      le plus. J’ai fait promettre à mon mari qu’il ne
      sortirait pas avant qu’un cessez-le-feu ne soit annoncé. J’ai
      demandé la même chose à mon père et à mon frère qui vivent dans le sud. Je
      veux que nous nous réunissions tous comme une seule famille, sans peur,
      sans souci. Je prie pour que ce cycle
      soit le dernier, que ce cauchemar que nous vivons se termine et que la
      vie reprenne son cours normal. Nos cœurs ne supportent
      plus de ruptures. Ces négociations ne sont pas seulement
      une nouvelle : elles sont notre seul espoir. Nous
      devons croire qu’elles réussiront, non pas parce que nous sommes
      optimistes, mais parce que nous n’avons plus d’autre choix.   Si l’accord est conclu,
      ce sera la tristesse finale. Nous aurons tout le temps de pleurer et
      de faire notre deuil de toutes les choses pour lesquelles nous n’avons
      pas eu le temps de le faire auparavant.   |