BALADI – Prisonniers 7 - Mars 2013
« Nés libres, nous le resterons »
Soutenir la lutte des prisonniers
détenus dans les geôles sionistes
I - Abolir la détention « administrative »
La lutte du peuple
palestinien pour l’abolition de la détention « administrative » se
poursuit. Le nombre de prisonniers en grève illimitée de la faim s’élève.
Mais au-delà de cette forme de détention humiliante et arbitraire qui vise
tout Palestinien qui réclame la fin de l’occupation, c’est la mort du martyr
Arafat Jaradat (30 ans) dans les salles de torture
« israéliennes » qui a finalement soulevé les masses
palestiniennes, dans tous les territoires palestiniens occupés et dans
l’exil, autour de la question des prisonniers et contre l’occupation. Le martyre
d’Arafat Jaradat sous la torture ne fait aucun
doute, même si les uns et les autres semblent vouloir apaiser les esprits en
réclamant une enquête internationale « neutre », comme si la
neutralité était la marque déposée des organismes internationaux, ONU en
tête. Les services de renseignements sionistes, qui pratiquent la torture des
prisonniers, avaient refusé la demande des libéraux sionistes que les
interrogatoires soient filmés. La famille d’Arafat Jaradat
affirme que les soldats de l’occupation lui ont demandé de faire ses adieux à
leur fils et père, avant de l’emmener. Le crime fut prémédité, l’entité
sioniste toute entière a décidé de donner l’exemple : la torture et
l’assassinat sont sa réponse aux prisonniers et au peuple palestinien qui se soulève.
Les organisations et organismes internationaux et les Etats
« civilisés » sont complices de ce crime, même s’ils le dénoncent
ou réclament des enquêtes. Ils sont complices car ils ont laissé et laissent
faire l’Etat de la barbarie, ils détournent l’attention de la
« communauté internationale » et des peuples vers des conflits
qu’ils suscitent ailleurs, et laissent le sort des prisonniers palestiniens
entre les mains de leurs bourreaux sionistes.
Samer Issawi, Ayman Sharawneh, sont toujours en grève de la faim, réclamant
leur libération et l’abolition de la détention « administrative ».
Leur état de santé est une fois encore critique, ils ont été emmenés
d’urgence à l’hôpital à Haïfa. Quant à Jaafar Izzidine et Tareq Qaadane, ils ont suspendu leur grève de la faim le 28
février, après que le tribunal sioniste ait promis de revoir leur dossier le
8 mars prochain. Si rien n’est fait, ils reprennent la grève, comme l’a
affirmé le frère de Jaafar Izzidine.
Le mouvement du Jihad islamique a estimé qu’il s’agit d’une nouvelle victoire
arrachée par les prisonniers contre la détention
« administrative ». Contrairement à ce que pensent certains, dont
des responsables politiques palestiniens, les prisonniers grévistes ne mènent
pas une lutte individuelle. Samer Issawi et Ayman Sharawneh luttent pour
que cessent également l’arrestation et la détention des prisonniers libérés
lors de l’accord d’échange d’octobre 2010. A la suite de sheikh
Khodr Adnane, qui avait entamé une grève de la faim
en décembre 2011 et qui a été libéré 66 jours après, et dont la lutte a
déclenché les manifestations dans toute la Palestine et dans l’exil, les
prisonniers combattants mènent aujourd’hui une lutte qui s’inscrit dans
l’histoire du mouvement des prisonniers et dans l’histoire de la résistance
palestinienne. Cependant, depuis la division inter-palestinienne en 2007, le
mouvement national des prisonniers a subi le contrecoup de cette division et
il est devenu extrêmement difficile pour les prisonniers de s’unir et de
mener une lutte générale de longue durée.
Ils sont aujourd’hui
14 prisonniers à mener la lutte de la grève illimitée de la faim : outre
les quatre résistants, Mona Qaadane, prisonnière
sœur de Tareq Qaadane,
maintes fois arrêtée et détenue, et libérée lors de l’accord d’échange, Maher Younes, doyen des prisonniers palestiniens,
originaire des territoires occupés en 1948, a entamé la grève illimitée de la
faim à partir du 25 février. Ayman Saqr, Umar Ayoub, Sufyan Rabi’, Hazem Tawil,
Younes Haroub, Ibrahim Khalil Ali Sheikh (détenu
depuis le 31 mai 2012), Mohammad Ahmad Najjar
(détenu depuis le 30 octobre 2012) et Abdallah Mohammad Hadiya
(détenu depuis le 24/12/2012) refusent leur détention
« administrative ».
A la demande de la
mère de Samer Issawi et de Samer Issawi lui-même, sheikh Khodr Adnane a cessé la grève de la faim qu’il avait
commencée dans les locaux du CICR, d’autant plus que sa présence devant la
prison de Ofer, dans la
ville d’al-Khalil ou ailleurs en Cisjordanie, a largement contribué à
développer le mouvement de la solidarité populaire avec les prisonniers.
Cependant, le prisonnier libéré Thaer Halahla, qui avait mené la grève de la faim et obligé
l’Etat de l’occupation à prononcer sa libération, a entamé la grève de la
faim dans sa ville al-Khalil, en solidarité avec les prisonniers en lutte.
Le tribunal de
l’occupation a refusé l’appel présenté par l’avocat du prisonnier
« administratif » Ayed Mohammad Doudeen (46 ans) de Doura, dans la province d’al-Khalil. Doudeen est détenu depuis un an et demi sans charge autre
que des « éléments secrets » fournis par les services de
renseignements sionistes. Le prisonnier Doudeen a
été détenu pendant 8 ans en détention « administrative ». Sa
dernière arrestation a eu lieu le 9 août 2011, deux mois après avoir été
libéré. Le Shabak prétend que Doudeen
est un des principaux dirigants de la résistance
dans la ville d’al-Khalil.
II – Statistiques
Plusieurs prisonniers
libérés lors de l’accord d’échange en octobre 2010 ont à nouveau été
arrêtés : outre Ayman Sharawneh
(Hamas), Samer Issawi (FDLP), Mona Qaadane (Jihad islamique), Iyad
Funoun de Bethlehem, Ali Jumaa
(al-Khalil), Ibrahim Abu Hajleh (FDLP), Youssef Ishtiwi (Qalqylia), Ayman Abou Daoud (al-Khalil), Mohammad Jumaa Teem (Nablus)
et Abdel Rahman Dahbour (Qalqilya)
ont été arrêtés et mis en détention « administrative ». Les
autorités sionistes discutent de leur emprisonnement selon les charges qui
avaient été retenues contre eux, c’est-à-dire la résistance à l’occupation,
avant leur libération. Mohammad Teem et Youssef Ishtiwi ont déjà été condamnés à la poursuite de leurs
anciennes condamnations.
203 résistants faits
prisonniers sont décédés dans les prisons de l’occupation depuis 1967, à
cause de la torture, de la négligence médicale ou de l’assassinat. 71
résistants sont tombés martyrs du fait de la torture, 51 résistants du fait
de la négligence médicale, 74 résistants furent assassinés de sang-froid
après leur arrestation et 7 résistants furent tués par les forces
sécuritaires à l’intérieur des prisons. 7 résistants prisonniers furent
assassinés dans la prison de Meggido.
Ayant rompu l’accord
d’octobre 2010, les autorités de l’occupation continuent à isoler plusieurs
dirigeants résistants : Darrar Abou Sissi,
Samer Abou Kweik, Tamer Rimawi, Awad Qa’idi et Imad Serhan.
III – Enlèvement et emprisonnement d’un
caricaturiste
Le célèbre
caricaturiste palestinien, Mohammad Sabaane (34
ans), a été arrêté par les forces de l’occupation le 16 février dernier alors
qu’il revenait de Jordanie. Sabaane a été transféré
à la prison de Ascalan le
25 février. Le 28 février, sa détention a été renouvelée de 8 jours.Son frère a affirmé que la famille n’avait aucune
nouvelle de Mohammad car les avocats ont été empêchés de le voir. Mohammad Sabaane a reçu plusieurs prix palestiniens et arabes pour
ses caricatures qui traitent de l’occupation et de la situation interne
palestinienne.
IV – Libération
Ayman Shaath de la bande de
Gaza a été libéré après 20 ans d’emprisonnement dans les prisons sionistes. Ayman faisait partie de la branche armée du Fateh, au temps de la première Intifada en 1987. Il fut
arrêté à l’âge de 16 ans, avec son frère Ameen (15 ans), qui a été libéré
après 12 ans d’emprisonnement. Ils furent accusés d’avoir tué un officier
sioniste et furent condamnés à la perpétuité. Mais à cause de leur jeune âge,
la peine fut allégée à 12 et 20 ans de prison.
V - Lettre de prison
De la prison de Gilboa, Maher Younes, un des
plus anciens prisonniers palestiniens (son cousin Karim Younes étant le
doyen) et détenu depuis 1983, a transmis une lettre adressée au peuple
palestinien, à sa direction politique, annonçant qu’il entame la grève de la faim.
« Aux masses de
notre peuple héroïque palestinien, aux dirigeants, cadres et membres des
organisations nationales et islamiques, aux membres du comité exécutif de
l’OLP, au président de l’Etat de Palestine, à son chef de gouvernement et à
notre gouvernement unifié, aux membres du comité de suivi arabe dans
l’intérieur palestinien (territoires occupés en 1948), au secrétaire général
de la Ligue des Etats arabes, à tous les Etats membres, à tous les amis du
peuple palestinien et aux êtres libres de ce monde, je vous transmet le salut
de la liberté.
Je m’adresse à vous
de cette sombre cellule où l’occupation a avalé plus de 30 ans de ma vie…
Est-il possible que je ne puisse toucher ou embrasser les mains de ma mère
depuis plus de trois décennies, alors qu’elle se trouve à la distance d’un
baiser ! Et mon père qui fut enterré sans que je lui dise adieu !
et ma famille qui s’agrandit et s’élargit, sans que je ne la connaisse !
Et la femme à la volonté de fer, l’amie et l’épouse qui n’a pas dépassé les
limites de la pensée abstraite dans mon esprit ! Il est vrai que j’ai
sacrifié (ma vie) et je crois toujours au sacrifice en faveur de la chère
Palestine. Mais comment un combattant comme moi et comment des centaines
d’autres que moi ont été abandonnés entre les mains de l’occupant, alors que
ce qui s’appelle le processus de paix se déroule au-dessus de nos âmes et de
nos vies depuis plus de 20 ans ? Comment nos dirigeants vivent leur vie
ordinaire alors que nous n’avons pas de vie pendant tout ce temps, et sans
qu’ils agissent pour nous libérer par tous les moyens possibles ? Afin
que j’allume l’espoir dans la vie qui me reste, à moi et mes frères et
camarades, que je mette toutes les parties palestiniennes et internationales
face à leurs responsabilités humaines, que je dénonce les pratiques
répressives et racistes de l’occupation envers nous-mêmes, et que je
poursuive le chemin difficile de ceux qui l’ont emprunté avant moi, je me
remets à Dieu et à mon cher peuple palestinien, j’ai décidé de mener la grève
illimitée de la faim, à partir du 25 février 2013, pour les motifs
suivants :
1 – pour la liberté
des prisonniers, sans distinction entre eux, et les anciens prisonniers avant
tout.
2 – Israël est un
Etat d’apartheid à tous les niveaux (politique, juridique, législatif, civil,
etc..), la preuve étant notre présence en prison toutes ces années. Bien
qu’il n’y ait aucune comparaison entre la victime et le bourreau, je ferai
cette remarque : les juifs qui ont assassiné des Palestiniens, sur des
bases nationales, et qui ont été condamnés à la perpétuité, ont été libérés
après 7 ans de détention….
3 – J’appelle mon
peuple dans l’intérieur palestinien a agir et à
participer au mouvement qui se déroule en Cisjordanie et dans al-Quds.
4 – J’appelle notre
peuple à organiser un grand rassemblement populaire à Ramallah le jour de la
visite du président américain Obama afin d’exposer
la situation des prisonniers. Soyez présents dans la tente de la protestation
face au siège de l’ONU à Ramallah et faites-lui porter la responsabilité de
la protection de nos droits fondamentaux après que l’Etat de Palestine ait
été reconnu.
Chères sœurs, chers
frères
Je vous promets
d’être fidèle à tous les principes et les valeurs révolutionnaires par
lesquelles nous avons été éduqués, jusqu’à ce que nous nous retrouvions
libres sous le ciel de la liberté dans al-Quds
libérée.
…
Maher Abdel Latif Younes
25 Février 2013 –
Prison centrale de Gilboa. »
VI – Solidarité
Le peuple palestinien
résiste à l’occupation. Avant même le martyre de Arafat Jaradat,
assassiné dans la prison de Meggido, les
manifestations devant les prisons de Ofer, de Hawwara et de Ascalan ont
rassemblé des centaines de Palestiniens en colère réclamant la libération des
prisonniers en lutte pour la dignité, sans compter les centaines de
manifestants dans les villes de Cisjordanie, et notamment dans la ville d’al-Quds, et plus précisément à al-Issawiya.
Le martyre d’Arafat Jaradat a élargi le mouvement de protestation. Dans la
ville d’al-Khalil et sa région, lieu d’origine du martyr, les Palestiniens
sont entrés en confrontation avec les soldats de l’occupation, la veille de
la remise de sa noble dépouille et le jour de son enterrement. A Ramallah
comme toutes les agglomérations, ce fut un soulèvement généralisé, de sorte
que les forces de l’occupation ont parlé de « troisième intifada »
qui commençait. L’attitude de l’Autorité palestinienne de Ramallah et
notamment du président Mahmoud Abbas fut d’accuser les sionistes de provoquer
les Palestiniens, comme si l’occupation en soi n’était pas une raison pour se
soulever et lutter, comme si les barrages, les arrestations quotidiennes, le
vol des terres et les crimes des colons contre « la pierre et
l’humain » n’étaient pas des provocations ! Mais la logique de
l’Autorité Palestinienne de Ramallah n’est certainement pas celle du peuple
ni des résistants.
De nombreux
commentateurs discutent de la « nouvelle intifada », comparant ce
qui se passe aujourd’hui en Cisjordanie aux précédents soulèvements. Certains
mettent en avant son caractère « non-violent », d’autres parlent de
spontanéité de la « rue » et l’absence des organisations de la
résistance, certains la craignent, évoquant la « violence »,
d’autres la souhaitent et appellent à une large mobilisation populaire contre
l’occupation. Cependant, les organisations de la résistance sont présentes
dans le mouvement et les multiples actions réclamant la libération des
prisonniers sont en majorité menées par ces organisations.
Dans plusieurs
capitales et villes américaines et européennes, avant et après l’assassinat
du martyr Jaradat, plusieurs manifestations ont eu
lieu réclamant l’abolition de la détention « administrative » et la
libération des prisonniers palestiniens. Les manifestants ont affirmé leur
solidarité avec le héros Samer Issawi, dont la
grève de la faim a dépassé les 220 jours. Des centaines d’articles sont parus
dans la presse arabe et internationale, pour rendre hommage à ce nouvel héros
palestinien, soulignant parfois que le peuple palestinien n’a pas fini
d’étonner le monde par ses formes de lutte et son courage.
Les camps
palestiniens au Liban ont décidé une grève générale dans les camps en soutien
aux prisonniers palestiniens et pour protester contre la torture ayant
entraîné le martyre d’Arafat Jaradat. Devant le
siège de l’ESCWA, un rassemblement unitaire palestinien a eu lieu le 28
février.
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