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le monde.jpg   du 20 juin 2013

 

 

Les " martyrs " d'Ahlam Shibli créent une polémique

Les perturbations se multiplient autour de l'exposition

de la Palestinienne au jeu de Paume

Par Claire Guillot

 

 

 

Mardi 18 juin, une alerte à la bombe, suivie d'une évacuation et d'une intervention de la police, a perturbé le centre d'art du Jeu de paume, à Paris. " Nous en avons déjà eu une première vendredi 14 juin, soupire la directrice, Marta GiliNos équipes se font harceler ". Dimanche 16 juin, des perturbateurs avec des drapeaux israéliens avaient déjà tenté de pénétrer de force sur place. Une plainte a été déposée après des menaces de mort. La directrice se dit " choquée de voir que des gens peuvent utiliser la violence pour fermer une exposition ". Elle souligne que l'exposition " Foyer fantôme " a déjà été présentée au MACBA de Barcelone (Musée d'art contemporain) sans problème.

 

Les images sont celles d'Ahlam Shibli, artiste palestinienne qui a ouvert son exposition le 28 mai. Organisée autour de la notion de " foyer ", sa présentation montre six séries d'images, prises dans différents pays. Mais c'est la dernière, intitulée " Death ", faite en Cisjordanie, qui a mis le feu aux poudres.

 

Dans les salles, la photographe montre en 68 images comment les Palestiniens vivent avec le souvenir des combattants qui ont disparu - qu'ils soient prisonniers, tués dans des combats avec l'armée israélienne, morts après avoir commis des attentats suicides. Elle photographie leurs représentations, faisant planer en permanence sur les vivants des ombres morbides : posters immenses placardés dans les habitations ou dans la ville, photos sur les tombes, autels, objets et lettres.

 

Dans une lettre à la ministre de la culture, le 5 juin, le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) dénonçait une exposition faisant " l'apologie du terrorisme ". En cause, les images, mais aussi les légendes écrites par l'artiste, où elle utilise le terme de " martyr ", sans guillemets. Ce à quoi Marta Gili rétorque en citant le texte d'introduction, où Ahlam Shibli évoque les auteurs d'attentats suicides qui se font exploser " pour assassiner des Israéliens ". " C'est un mot très fort, l'assassinat est un meurtre avec préméditation ".

 

" Travail psychanalytique "

 

Pour Marta Gili, le travail est surtout " documentaire, et non militant. Ahlam Shibli ne fait pas de propagande. Les gens ne savent pas lire les images ". Interrogée sur place le 24 mai, avant la polémique, l'artiste déclarait : " Je ne mets pas mes opinions dans mon travail. J'essaie de mettre en lumière des situations ". Quant à la série " Death ", elle disait, en évoquant le lien entre la patrie et la mère dans l'esprit des combattants :" Ce n'est pas un travail politique, mais plutôt psychanalytique. "

 

Devant toutes les réactions négatives,  pétitions et appels à manifester, la ministre de la culture a publié le 14 juin un communiqué qui ménage la chèvre et le chou : réaffirmant le principe de la liberté d'expression, il admet que l'exposition peut " choquer et donner lieu à de mauvaises interprétations puisqu'elle n'explique pas le contexte des photographies qui n'est pas seulement celui de la perte mais qui est aussi celui du terrorisme. " Et de conseiller au Jeu de paume de prendre ses distances avec les mots de l'artiste. L'avertissement affiché depuis à l'entrée de l'exposition ne semble pas avoir apaisé les esprits.

 

La situation ressemble beaucoup à celle vécue en 2010 par le Musée d'art moderne de la Ville de Paris, avec l'exposition de Kai Wiedenhoffer, consacrée aux victimes des bombardements israéliens à Gaza. Le Jeu de paume, qui a reçu plusieurs soutiens, dont celui de la philosophe Marie-José Mondzain, se dit prêt à organiser un débat, mais pas sur place, et " avec des gens qui soient prêts à discuter ".

 

 

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