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« L’histoire occultée des Palestiniens »

 

Par Jean-François Larosière

 

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C’est avec ce titre (1) que l’historienne franco-palestinienne, Sandrine Mansour, écrit l’histoire du peuple palestinien et notamment celle de la Nakba, la catastrophe, qui vit le début de l’exode forcé de 700 000 Palestiniens, à coups de massacres perpétrés par les forces israéliennes. Elle place celle-ci entre fin 1947 et 1953, alors que généralement la Nakba est située en 1948. Comme cela figure déjà dans les études des nouveaux historiens israéliens ou chez Dominique Vidal, dès 1947 les bandes armées sionistes se livrent à l’expulsion des Palestiniens de leur terre. Expulsions et massacres de Palestiniens se poursuivent jusque 1953. Selon Sandrine Mansour, le développement du photo-reportage à cette date rend plus difficile leur poursuite en révélant au public international les réalités de ce qui était dépeint sous les couleurs de l’installation sur sa terre d’une nation soucieuse de démocratie et de respect du droit. Le projet sioniste se poursuit actuellement avec la négation des droits du peuple palestinien et l’accélération de la colonisation dans le cadre du « processus ». 

 

Elle était reçue à l’Espace Marx (2), à Hellemmes, par l’AFPS Nord-Pas de Calais, en liaison avec les jeunes communistes (3), le vendredi 18 octobre. Pendant plus de deux heures un débat de qualité et de haute intensité a soutenu l’attention et la participation de plus de 50 personnes autour de celle qui indique qu’ « en France on ne donne pas la parole aux Palestiniens » .

 

A propos de cette « histoire occultée », Sandrine Mansour évoque le poids de l’autocensure, le nombre restreint d’Universités capables de mener recherche et enseignement sur  la Palestine et que ceux qui dominent invoquent d’une histoire « trop chaude ». Alors que de nombreuses revues traitant de la Palestine existent en Grande Bretagne, la seule qui existait en France, la « Revue d’Etudes Palestinienne, a disparu.

 

Concernant l’enseignement de la Palestine dans les lycées, puisque le « conflit israélo-palestinien » figure au programme de terminales : l’étude des manuels scolaires (4) est implacable pour la totalité des collections, où pétrole et religions sont dominants dans les chapitres, et où c’est le point de vue occidental qui l’emporte dans la vision du monde arabe et du peuple palestinien, les Palestiniens sont vus du côté de la violence et du terrorisme. « Jamais le terme résistance n’apparaît ». Dans ces manuels, c’est la vision coloniale qui l’emporte. Le  colloque tenu au Sénat, le 28 septembre 2013, avec l’AFPS, l’Institut de recherche de la FSU et le CICUP donne des outils de réflexion à ce sujet et débouche déjà sur une question écrite d’une sénatrice (5).

 

S’appuyant sur les sources et archives palestiniennes, c’est une vision renouvelée de la question qui est proposée. Certes, Sandrine Mansour s’appuie sur la nouvelle histoire israélienne qui montre le caractère prémédité de la Nakba par les sionistes. Mais c’est fondamentalement sur les archives palestiniennes et les travaux des historiens palestiniens qu’elle s’appuie (6), jusqu’à cette photo qui figure en couverture de l’ouvrage : avec Julia, Askoubi, Asma et Salma dans leur orangeraie, à Jaffa, avant la Nakba (1) , sauf que depuis celle-ci, il n’y a plus d’orangers et la ville est israélienne.

 

Sandrine Mansour tient à avancer sur la place que tiennent les femmes dans l’histoire de la Palestine, jusqu’à un mouvement du « genre » à Bir Zeit. Elle souligne l’importance de la révolte de 1936/1939 matée par les Britanniques pour le mouvement national palestinien. Elle signale de premiers appels au boycott contre les sionistes dès 1910. Elle fera état aussi d’un véritable « spaciocide » en Palestine avec la transformation du paysage y compris avec plantation d’arbres dévoreurs d’eau par l’occupant. 

 

Dans le débat, elle reviendra sur la situation des réfugiés et sur celle des Palestiniens de l’intérieur. Ceux-ci ont le droit de vote, mais ils sont victimes de discriminations qui conduisent à parler d’un véritable « apartheid » (7). Elle insiste sur la situation des 5 millions de réfugiés palestiniens qui constituent le premier groupe dans le monde.

 

La situation de l’occupation et de la colonisation la conduisent à voir la solution à deux Etats (un palestinien et un israélien) irréaliste : la majeure partie de ce qui aurait dû constituer l’Etat palestinien étant volée par les colonies, elle évoque un Etat binational. Au terme de « paix », elle préfère celui d’ « égalité ».

 

Il est temps d’en finir avec discrimination, avec la colonisation, comme avec l’histoire coloniale qui continue d’exister en France.

 

 

(1)              Sandrine Mansour-Mérien.- « L’histoire occultée des Palestiniens. 1947-1953 ».- Toulouse, Editions Privat, 2003 (http://www.nord-palestine.org/art-recom-2013-01-30LivreMansour.htm)

(2)              Depuis 2007 l’AFPS Nord-Pas de Calais y fixe des rendez-vous de réflexion qui sont des étapes marquantes dans le travail de soutien au peuple palestinien. Sandrine  Mansour était déjà venue à l’Espace Marx en février 2010 pour présenter le film « La Terre parle Arabe » avec la réalisatrice Maryse Gargour. Nous espérons les revoir assez vite toutes deux pour la sortie imminente de leur nouveau  film.

(3)              Les jeunes communistes ont lancé un appel pour Liberté Hebdo

(4)              Voir le dossier sur les manuels scolaires dans « Le Monde diplomatique » de septembre 2013 (http://www.monde-diplomatique.fr/2013/09/A/49638)

(5)              Voir le compte rendu sur le site national de l’AFPS (http://www.france-palestine.org/Representation-du-conflit-israelo?)

(6)              Voir à ce sujet le « Who’s who des historiens cités dans ce livre » in Sandrine Mansour pp. 231/238

(7)              Voir la session du Tribunal Russell sur la Palestine en 2011 (http://www.france-palestine.org/Le-Tribunal-Russell-sur-la)

 

 

 

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