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La France ne doit pas cautionner un jour de plus cette opération militaro-politique destructrice menée par Israël

Par Michel Billout

Le 26 juin 2014

 

Monsieur Laurent Fabius

Ministre des Affaires Etrangères et du Développement International

37 Quai d’Orsay

75 700 Paris 07 SP

 

Monsieur le ministre

 

L’association France Palestine solidarité (AFPS) vous a adressé le 24 juin une lettre ouverte concernant l’attitude de la France dans l’affaire de l’enlèvement de trois jeunes colons dans le secteur sous total contrôle israélien du Gush Etzion. Je souhaite apporter tout mon soutien à leur démarche. En effet, si je condamne sans détour l’enlèvement de ces trois jeunes et souhaite qu’ils recouvrent rapidement la liberté, je ne peux comprendre que la France apporte sa caution aux opérations aveugles de représailles effectuées par Israël, qui se sont traduites à ce jour par six assassinats et des centaines d’arrestations, dont celle du président du Conseil législatif palestinien ou le responsables de la résistance populaire et défenseurs des droits de l’Homme.

Ces opérations se sont accompagnées de saccage des locaux « perquisitionnés », de vol de matériel comme à l’université de Bir-Zeit, de destruction de mobilier, de bombardements sur Gaza et du bouclage de toute la Cisjordanie, avec parachutage de troupes autour des villes, sont plus qu’une gigantesque punition collective : elles ont pour objectif la mise à mort du processus d’entente nationale palestinienne.

Dans mon courrier en date du 16 juin dernier, je vous interpellais sur la situation des retenus administratifs et sur le rôle diplomatique particulier que pouvait prendre la France au sein de l’Europe sur ce dossier. Or, sur la scène internationale, j’ai été particulièrement choqué par ce qui s’est produit au sein de l’ONU le 19 juin dernier, relayé par le communiqué du département de l’information de cette organisation : « M. Mordehai Amohai, d’Israël, a été élu aujourd’hui Vice-Président de la Quatrième Commission de l’Assemblée générale chargée des questions politiques spéciales et de la décolonisation. Les cinq autres “grandes Commissions” ont aussi complété leur bureau pour la soixante-neuvième session de l’Assemblée qui s’ouvrira le 16 septembre prochain. »

Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’Organisation, une entité occupante a été élue à la vice-présidence d’une commission chargée des questions politiques spéciales telles que la décolonisation, les réfugiés palestiniens et les droits de l’homme, le maintien de la paix ou l’action anti-mines... Cette élection, au moment même où Israël intensifie son programme de colonisation dans les territoires palestiniens signe, encore une fois, la démission de la plupart des Etats de la communauté internationale. Ce n’est pas la première fois que l’ONU se "distingue" par sa "souplesse" sur le terrain des droits de l’homme : on se souvient que lors de sa première présentation, le préambule de la Charte de l’ONU, qui proclamait la foi dans les droits fondamentaux de la personne, fut lu par Jan Smuts, le premier ministre de l’Afrique du Sud, un pays où sévissait la ségrégation raciale....

Ce rappel historique n’est pas sans rapport avec une information rapportée le 27 avril dernier par le site américain, "the Dailybeast" : le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, aurait averti, lors d’une réunion, qu’Israël courait le risque de devenir un Etat d’"apartheid" s’il ne faisait pas la paix rapidement avec les Palestiniens. Pour mémoire, l’ancien président des Etats-Unis Jimmy Carter avait intitulé son livre sur le sujet publié en 2006 "Palestine : la paix, pas l’apartheid."

Dans ce contexte, je partage la consternation de l’AFPS lorsqu’elle déclare que "la France ne doit pas cautionner un jour de plus cette opération militaro-politique destructrice et mystificatrice qui menace de ruiner pour longtemps tous les efforts de paix et d’ajouter au chaos régional grandissant. "

Ne désespérant pas d’un sursaut français sur ce dossier, je vous prie de croire, Monsieur le ministre, en l’expression de mes salutations respectueuses.

 

 

 

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