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En Israël, Benyamin Nétanyahou sort affaibli du conflit dans la bande de Gaza Par Hélène Jaffiol
- Jérusalem Correspondance L'opinion
publique est majoritairement persuadée que la guerre contre le Hamas a été
perdue. La presse et l'opposition reprochent au premier ministre israélien
son indécision Ils sont venus, ils ont vu, ils ont perdu. " Depuis
l'annonce, le 26 août, d'un cessez-le-feu illimité avec la bande de Gaza, le
premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou,
est confronté à un feu roulant de critiques, à l'image de cette formule
sarcastique d'un éditorialiste du quotidien de gauche Haaretz. La mine grise, les traits tirés, le chef du gouvernement
israélien s'est exprimé, mercredi 27 août, devant le pays, qui a observé, le
cœur lourd, les scènes de liesse et les discours triomphateurs des chefs du
Mouvement de la résistance islamiste à Gaza : " Le Hamas n'a
obtenu aucune de ses demandes pour signer le cessez-le-feu, même pas une
", a assuré d'entrée le premier ministre lors de cette intervention
publique à Tel-Aviv." Il voulait un port. Il ne l'a pas obtenu. Il
voulait un aéroport. Il ne l'a pas eu ", a-t-il insisté pour tenter
de convaincre l'opinion publique. Peine perdue. Selon un sondage réalisé par la chaîne publique Aroutz 2 peu après l'intervention de M. Nétanyahou, 59 % des Israéliens estiment avoir perdu la
guerre, et seulement 32 % déclarent soutenir encore le premier ministre. Une
chute vertigineuse par rapport au 82 % de soutien dont celui-ci disposait au
début de l'opération terrestre à Gaza. Le jugement des commentateurs politiques n'est guère plus
clément : " Benyamin Nétanyahou doit
être le seul Israélien convaincu d'avoir remporté la guerre contre le Hamas
", ironise Amir Oren, le spécialiste des
questions militaires du quotidien de gauche Haaretz. " Après cinquante jours d'une guerre pendant laquelle une
organisation terroriste a tué des dizaines de soldats et de civils, perturbé
la vie quotidienne et plongé le pays dans une situation économique
dramatique, nous étions en droit d'attendre bien plus que l'annonce d'un
cessez-le-feu ", s'indigne le journaliste Shimon Shiffer
dans leYedioth Aharonot, le
quotidien payant le plus diffusé d'Israël. L'amertume est d'autant plus grande que les jours qui ont
précédé le cessez-le-feu font partie des plus meurtriers pour la population
civile. Trois Israéliens, dont un enfant âgé de 4 ans, ont été tués par des
obus de mortier, portant à 71 le nombre de victimes israéliennes, civiles et
militaires. Dans ce contexte, le discours de M. Nétanyahou
est apparu pour nombre d'Israéliens trop " évasif ",
laissant planer une sourde menace sur les communautés situées à la frontière
avec Gaza : " A-t-on rempli notre objectif d'un calme durable ?
C'est trop tôt pour le dire ", reconnaît lui-même le premier
ministre. Beaucoup d'analystes rappellent qu'en janvier 2009, au terme de
l'opération " Plomb durci " contre la bande de Gaza, M. Nétanyahou, alors chef de l'opposition, n'avait eu aucune
indulgence pour le premier ministre de l'époque, Ehoud
Olmert. Un mois plus tard, lors des élections législatives, il s'était
fait élire sous le slogan " Nétanyahou fort
contre le Hamas ". Cinq ans après, ce sont les représentants de l'aile
dure de sa coalition qui fustigent la " mollesse " du
premier ministre face aux " terroristes " du
Hamas. De leur côté, les travaillistes et les partis du centre
critiquent l'absence de " main tendue " à Mahmoud Abbas, le président
de l'Autorité palestinienne, partisan d'un règlement pacifique du conflit.
Pour Zvi Bar'el,
spécialiste des territoires palestiniens au quotidien Haaretz, Benyamin
Nétanyahou a reconnu, à l'inverse, avec ce
cessez-le-feu " la légitimité du Hamas et du Jihad islamique
comme des parties intégrantes de la politique palestinienne ". Le premier ministre israélien se prépare désormais à livrer
deux autres batailles. La première sur le front intérieur, pour éponger le
coût colossal du conflit (4,3 milliards d'euros) par de probables coupes
sèches dans les budgets de l'éducation et de la santé. Et la seconde sur le front diplomatique, pour contrer
l'offensive que Mahmoud Abbas s'apprête à lancer aux Nations unies. La
direction palestinienne a en effet annoncé qu'elle demandera, le 15
septembre, au Conseil de sécurité de l'ONU, le vote d'une résolution imposant
un calendrier pour la fin de l'occupation israélienne, avec un retrait sur
les frontières de 1967, internationalement reconnues. En cas d'échec, les Palestiniens menacent de saisir la Cour
pénale internationale (CPI) contre Israël. Cette initiative diplomatique a été validée par Khaled Mechaal, lors de plusieurs rencontres à Doha (Qatar) avec
le président de l'Autorité palestinienne, en fin de semaine dernière, au
terme desquelles le chef en exil du Mouvement de la résistance islamique a
signé la demande d'adhésion palestinienne à la CPI. Parallèlement, l'Autorité palestinienne a envoyé un courrier
au secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, ainsi qu'à plusieurs représentants des pays
membres, comme la France et la Grande-Bretagne. Dans cette lettre, le
ministre des affaires étrangères palestinien, Riyad Al-Maliki,
enjoint les Etats membres à traduire devant leurs instances judiciaires, les
soldats israéliens à la double nationalité,
coupables de crimes de guerre. Mais ces nouvelles démarches devant les Nations unies ont peu
de chance d'aboutir : " Ce sont des gesticulations
diplomatiques, chacun sait à Ramallah que ces démarches n'iront nulle part, souligne
un ancien négociateur palestinien. Au Conseil de sécurité, la résolution
pour le calendrier se heurtera, comme toujours, au veto américain. Il s'agit
surtout de remettre la question palestinienne sur le devant de la scène, et
pas seulement Gaza, alors que l'Assemblée générale de l'ONU se profile.
" Le même scepticisme prédomine concernant la saisie de la CPI.
Pour un spécialiste du dossier palestinien, la probabilité d'un tel recours
est " proche de zéro ". Par cet activisme diplomatique, le
leader palestinien, cantonné au rôle de spectateur durant les hostilités,
tente surtout de reprendre la main face au Hamas, qui sort renforcé
politiquement du conflit. Au sein du
Fatah, le parti du président, certains rêvent même à un retour à Gaza, sept
ans après en avoir été chassés par le Hamas. " Notre guerre à nous
commence maintenant ", souligne un membre du Fatah à Ramallah. |