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La souffrance des brebis et des agneaux de
Palestine Par AmiraHass Publié
le 29 novembre 2015 en hébreu et le 30 en anglais par Haaretz Traduction
SF pour les Amis du Théâtre de la Liberté de Jénine La barrière de
séparation isole les hameaux de Cisjordanie de leurs bourgs et les bourgs des
villes. Maintenant elle sépare aussi les brebis de leurs petits. « Le
plus dur c’est pour les mères. Elles bêlent tout le temps. Il leur faut à peu
près 10 jours pour oublier ». Les mères en
question sont des brebis qui ont mis bas il y a peu de temps, et elles bêlent
parce que les hauts gradés des Forces de Défense d’Israël ont décidé de les
séparer de leurs jeunes agneaux et qu’elles ne les ont pas encore oubliés. La
citation est du propriétaire du troupeau, Jamal Hanina de Qalqilya. ` Sa bergerie est
située parmi des serres et des pépinières du côté nord de la barrière de
séparation (en Cisjordanie occupée, mais dans une bande de terre qui a été
annexée de fait au bénéfice de la colonie d’AlféMénaché). Mais ses terres de
pâture sont du côté sud « palestinien » de la barrière. Depuis la
construction de la barrière il y a environ 13 ans, l’armée israélienne a
toujours laissé Hanina et son troupeau passer par une porte agricole ouverte
trois fois par jour pendant une heure chaque fois. Voici trois mois, l’armée
a interdit aux brebis de passer, mais c’était avant que les brebis ne mettent
bas. L’interdiction a été levée peu de temps après et les brebis ont pu de
nouveau passer les nuits dans la bergerie. Lundi
dernier, le matin, 120 brebis ont quitté leurs enclos et ont passé la porte Habla,[du
nom du village voisin, situé au sud de Qalqilya – NDLT] réservée à l’usage
agricole, pour se rendre sur leur pâturage. Elles ont laissé derrière elles
« 19 ou 21 agneaux, j’ai oublié le nombre exact » a dit Hanina.
Mais quand elles sont revenues à la porte à midi, elles ont découvert que les
ordres avaient changé. Les soldats ont dit qu’elles n’avaient pas le droit de
passer. Des
militantes de « Machsom Watch » étaient présentes pour leur vigie
habituelle. Cela faisait des années qu’elles voyaient et photographiaient le
passage des brebis par la porte. « Nous
avons vu un garçon de 15 ans » - le fils de Hanina – a rappelé Nina,
l’une des militantes. « Il était déjà du côté nord de la porte, il a
attendu, attendu ». Les brebis étaient du côté sud de la porte,
piétinant et bêlant, bêlant et piétinant. « Je
lui ai demandé ce qu’il se passait » a continué Nina. « Il a
dit : les brebis, les brebis, ils ne vont pas les laisser passer. Que
vont faire les petits ? Qu’est-ce qu’ils vont manger ? Au début, je
n’ai pas compris ce qu’il voulait dire. Puis j’ai réalisé qu’il parlait des
agneaux. » Nina n’a pas
eu la possibilité de parler avec la police militaire chargée d’ouvrir et de
fermer la porte. « Ils étaient loin et ne voulaient pas entrer en
contact avec nous » a-t-elle expliqué. Mais elle a appelé le Bureau de
Liaison et de Coordination militaire (BLC) cinq à six minutes avant la
fermeture de la porte, vers 14h15. Le BLC a
examiné la situation et a dit qu’il y avait effectivement un ordre d’en haut.
Il a dit que la police militaire avait reçu un ordre selon lequel les brebis
n’avaient pas le droit de passer. » Hanina aussi
a appelé le comité. Il a appelé l’administration israélienne et a reçu la
même réponse : c’est un ordre d’en haut. Le propriétaire d’une des
pépinières palestiniennes a dit que « d’en haut » désignait le
commandant de la Brigade Éphraïm –le colonel Ro’iSheetrit, en poste depuis
août. Et comment
nourrir les agneaux qu’on a séparés de leurs mères ? « Il y a un
magasin d’alimentation pour animaux à Qalqilya qui vend du lait en poudre,
c’est ce qu’ils donnent aux petits veaux dans les kibboutz » dit Hanina.
« J’en ai acheté un peu et j’ai commencé à préparer du lait dans des
seaux, avec la poudre ». « Les
agneaux n’ont pas de force, il leur a fallu du temps pour s’habituer à ce
lait en poudre » a-t-il poursuivi. « Il leur a fallu du temps pour
s’habituer à téter les tétines des seaux. Ils étaient habitués à la chaleur
de leurs mères. Normalement, il faut qu’ils tètent leurs mères et elles leur
manquent ». Entre temps,
trois brebis de plus avaient mis bas, côté sud de la porte. Hanina, qui
« a 50 ans mais qui en paraît 30 », selon ce qu’il dit lui-même,
gagne sa vie en travaillant aussi la nuit comme garde dans une des pépinières
du côté nord de la barrière, près de son pâturage. « Nous
avons un troupeau depuis l’époque de mon grand-père, du temps du régime
ottoman » dit-il. « Ces terres
étaient à nous bien avant que la barrière ne les coupe en deux. Ils
nous imposent sans cesse de nouvelles interdictions, de nouveaux ordres.
Maintenant c’est une interdiction pour les brebis. Mais les chevaux ont
encore le doit de passer, et les ânes aussi. Pourvu que ça ne vous arrive
jamais ». « Mes
frères aussi avaient des ovins, mais petit à petit, ils ont réduit leur
cheptel. Ils ne pouvaient pas supporter les checkpoints, les
interdictions : parfois c’est ouvert, parfois c’est fermé. Mais moi j’ai
besoin de vivre dans la nature ». Rappel :
65 portes ont été aménagées dans la barrière de séparation pour permettre
l’accès aux terres cisjordaniennes depuis l’autre côté. Seules 38 d’entre
elles servent à la population palestinienne, selon l’organisation B’Tselem.
Parmi elles, il y en a 27 de deux types : celles du premier type sont
des points de passage quotidien dont certaines sont ouvertes 12 heures par
jour, d’autres deux fois par jour et un petit nombre 24h/24. Celles du
deuxième type sont des portes agricoles, comme celle de Habla, à
l’usage des fermiers palestiniens dont les cultures nécessitent un entretien
journalier (cultures maraîchères ou serres). Les permis donnés par le bureau
de liaison et de coordination ne valent que pour une porte. Onze portes
sont des portes saisonnières, ce qui veut dire qu’elles ne sont ouvertes qu’à
certains moments de la saison agricole (par exemple pour la récolte des
olives). Là aussi le permis n’est valable que pour une porte. Il y a 24
portes dans la barrière de la seule région de Qalqilya. Neuf sont fermées,
trois sont saisonnières et douze sont ouvertes. Le grand nombre de portes
indique simplement à quel point la barrière, dans cette zone, est tordue et
pleine de tournants. C’et au
bénéfice des colonies que la barrière, dans cette zone, a particulièrement
séparé les villages palestiniens de leur terres. Elle a coupé des hameaux des
bourgs et les bourgs des villes. Maintenant, elle sépare aussi les brebis qui
allaitent de leurs petits. Le bureau du porte-parole
de l’armée a dit que « la politique d’empêchement de la traversée des
troupeaux de brebis était mise en œuvre pour des raisons de sécurité ».
– surprise, surprise. Il a ajouté que cette politique était en train d’être
revue. |