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Mardi 11 octobre à Hellemmes

Rencontre-débat « Appel au boycott et liberté d’expression »

Où en est le droit français ?

Par Jean-Christophe Duhamel

Docteur en droit, ingénieur de recherches en droit à Lille 2

organisée par AFPS59/62, CP, MRAP, LDH, FSU 59/62, Solidaires, FUIQP

 

Introduction par Jean-François Larosière, président de l’AFPS

L’AFPS s’est inscrite en 2009 dans le mouvement BDS qui fait suite à l’appel palestinien de 2005 dans lequel le droit au retour est une composante importante.

Le boycott est criminalisé en France notamment depuis 2010 par le biais de 2 circulaires successives dite Alliot-Marie en 2010 et Mercier en 2012 du nom des ministres de la justice successifs.

 

Jean-Claude Willem est le 1er condamné en 2003 sur la base de la loi sur la presse de 1881 au motif d’entrave à la liberté de commerce et discrimination envers une nation et ce après le la décision du conseil municipal de Seclin en octobre 2002 d’exclure des produits israéliens des cantines municipales.

 

JC Duhamel nous explique en introduction sa satisfaction de partager son travail académique avec la société civile.

Il nous indique qu’une conférence programmée en mars 2016 à l’école du barreau de Paris sur la légalité de l’appel au boycott avec pour intervenants lui-même et Antoine Comte avait été annulée une heure avant son démarrage au prétexte de l’absence de contradicteurs.

 

Concernant le boycott qu’il soit individuel ou collectif, il doit être différencié de l’appel au boycott qui est une incitation au boycott.

Le boycott peut être :

-  privé ou public (il s’agit là de ce que l’on appelle un embargo et qui relève du droit international)

-  de nature « idéologique » ou consumériste

 

Il n’existe pas de définition ou de régime juridique spécifique au boycott ou à l’appel au boycott en droit français, pas plus que de texte interdisant cette pratique. Ils sont donc par principe légaux.

 

Si le boycott reste licite, l’appel au boycott contre des produits israéliens a été considéré comme constitutif d’une discrimination illicite sur la base de l’art225-1 du code pénal au motif de la distinction opérée entre des personnes en raison de leur appartenance à une nation (Israël) et consistant en une entrave à l’exercice d’une activité économique 225-2 (le délit d’entrave a été adoptée en 1977 pour contrecarrer le boycott commercial d’Israël décidé par la ligue arabe)

 

Les militants condamnés l’ont été sur la base de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse au motif du délit de provocation à la discrimination et d’incitation illicite à commettre une discrimination.

 

La Cour de Cassation par sa décision du 20 octobre 2015 (aff BDS) a statué en considérant que l’appel à un boycott licite c'est-à-dire l’exercice d’une liberté pouvait être un délit.

De plus, dans son arrêt, la Cour a opéré une confusion entre le boycott d’un produit en raison de son origine géographique et le boycott de personnes en raison de leur nationalité.

 

Cependant, on peut noter que d’autres  appels au boycott n’ont connu aucune suite judiciaire :

-  appel au boycott de l’année du Mexique en France par Martine Aubry pour protester contre l’incarcération de Florence Cassez

-  appel au boycott des JO de Pékin notamment par Daniel Cohn-Bendit

-  appel au boycott du festival de BD d’Angoulême par des femmes en raison de leur absence de la sélection officielle (la discrimination sur la base du sexe n’existe pas dans la loi de 1881)

 

Questions/ remarques diverses :

-  la manifestation de soutien aux prévenus de Toulouse poursuivis pour appel au boycott, a été interdite au motif de risque de trouble à l’ordre public. Or depuis l’arrêt Benjamin de 1933, il était considéré qu’il ne pouvait pas y avoir d’interdiction préventive des pouvoirs publics, ces derniers devaient justifier des risques avérés de troubles à l’ordre public. Il s’agit donc là d’un recul des libertés publiques.

-  La légitimité du boycott n’est pas un critère pris en compte par la justice

-  JC Duhamel est pessimiste quant au résultat du recours du la CEDH

-  La Cour de cassation a confirmé le 30 mars 2016 la condamnation des militants d’Alençon

-  Le vote de motions municipales consistant dans le refus d’achat de produits issues des colonies israéliennes, illégales au regard du droit international, tombera certainement sous le coup d’une condamnation judiciaire.

-  Une cour d’appel peut avoir une position différente de la celle de la Cour de Cassation mais cette dernière aura le dernier mot.

-  L’interdiction de l’appel au boycott reste une exception française

 

Dans le contexte de harcèlement judiciaire actuel encouragé par le pouvoir politique, il faut cependant remarquer que compte tenu des nombreuses manifestations d’appel au boycott partout en France, notamment organisées par l’AFPS, le nombre de poursuites semble faible. En tant que militants, nous menons un combat politique qui vise faire appliquer le droit légitime du peuple palestinien.

Notre combat visant à faire reconnaître le droit au boycott et de l’appel au boycott se situe donc sur le terrain de la défense de la liberté d’expression.

 

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