AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   


Rendez-vous avec un homme recherché
Par Gideon Levy

Ha'aretz
14 décembre 2003

Article traduit de l'hébreu par Michel Ghys
hhttp://www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=371681
Version anglaise : Lunch with a wanted man
http://www.haaretz.com/hasen/spages/371596.html


Jénine - Zakariya Zebeida, le Commandant des Brigades des Martyrs Al Aqsa
pour le Nord de la Cisjordanie, pénètre dans la pièce d'un appartement au
coeur du camp de réfugiés de Jénine. Cette fois, il est seul et son revolver
est caché. Il y a quelques jours, il s'est, dit-il, heurté à des soldats
d'une unité d'élite venus l'assassiner: des coups de feu ont été échangés et
il a pu s'échapper. Le danger le guette surtout la nuit quand les gens
dorment et qu'il n'y a personne pour l'informer des mouvements de l'armée.
C'est pourquoi il passe le plus souvent la nuit à la belle étoile. Il y a
quatre mois, il a eu un premier fils, Mohamed. Son épouse et le bébé
habitent dans leur nouvelle maison. Zakariya Zebeida n'y a jamais dormi. Son
ancienne maison a été détruite lors d'une incursion de l'armée israélienne,
l'année passée. "Qu'est-ce que c'est, un musée?", demande-t-il, curieux, en
apprenant que son portrait est apparu dans l'exposition "Contrôle" du Musée
d'Israël.

Zakariya Zebeida représente l'échelon de base du Fatah, qui ne cesse
d'accumuler des forces dans le vide créé par la paralysie de l'Autorité:
jeunes militants, déterminés, violents, amers, autonomes sur le terrain. À
l'immense colère qu'ils ressentent à l'égard de l'occupation israélienne qui
a détruit leurs vies, s'ajoute maintenant aussi de la colère contre les gens
de l'Autorité. Les hommes de Zebeida ont, il y a quelques mois, attaqué le
gouverneur de leur ville, corrompu à leurs yeux, et ses compagnons de
Naplouse y ont assassiné le frère du maire de la ville. Zebeida était opposé
aux discussions sur la trêve (houdna) au Caire, d'abord et avant tout parce
que les représentants palestiniens, là-bas, n'ont, selon lui, pas la moindre
idée de ce que c'est que la vie dans un camp de réfugiés. Il a des
déclarations comparables à l'encontre des signataires du document de Genève,
même s'il n'est pas contre le document lui-même qu'il n'a pas lu.

Son inclination à respecter un cessez-le-feu dépend, dit-il, d'Israël. Si
l'armée israélienne sort et si les prisonniers sont libérés, il y aura
matière à discussion. Ses combattants, dit-il, ne partent commettre des
attentats qu'en réponse à des assassinats ou d'autres opérations meurtrières
de l'armée israélienne, contrairement au Hamas et au Jihad, dont les
attentats ont pour visée essentielle de mettre en échec des accords
politiques. Selon lui, il ne faut pas plus de deux heures pour préparer un
attentat. La promptitude lui semble importante pour manifester le lien entre
les opérations israéliennes et la riposte. Le Hamas répond avec trop de
retard. La clôture de séparation le fait sourire: celui qui est prêt à
sacrifier sa vie pourra passer n'importe quelle clôture.

Yasser Arafat est la seule autorité à ses yeux. Tout accord qu'Arafat
signera, il l'acceptera lui-même. Quand Arafat s'en ira, les choses iront
beaucoup plus mal, pour les Palestiniens comme pour les Israéliens. Les
espoirs de règlement seront réduits à zéro et personne ne pourra reprendre
sa place. Peut-être Marwan Barghouti, mais il n'est pas accepté à Gaza.
Comme Barghouti, Zakariya Zebeida se définit comme quelqu'un qui a été un
homme de paix que seule la prolongation de l'occupation à amené à se tourner
vers la violence. Zebeida évoque les troupes de théâtre qu'Orna Mar
dirigeait chez lui ainsi que les activistes juifs de la paix qui se
réunissaient là, dans son enfance. C'est pour ça qu'il est si déçu de ce
qu'aucun d'entre eux n'ait pris la peine de le réconforter après que des
soldats ont tué sa mère alors qu'elle se tenait à la fenêtre de sa maison.
Pour lui, cela a été le point de rupture. "Nous vous avons tout donné et
nous, ce que nous avons reçu, c'est une balle dans la poitrine de ma mère.
Nous vous avons ouvert notre maison et vous l'avez détruite." Un de ses
frères et plusieurs de ses cousins ont aussi été tués, deux autres frères
sont en prison.

Zebeida est fatigué. Il aura bientôt trente ans. En juin, il m'avait dit:
"Vous ne me laisserez pas, même si j'arrête maintenant." Son univers
s'estfaçonné lorsque, adolescent, il travaillait à Haïfa, dans la
construction, et qu'il apercevait les jeunes Juifs de son âge en patins à
roulettes.
"Jamais je n'ai vécu comme un être humain", disait-il tristement. Le premier
Israélien qu'il a rencontré, ça a été "capitaine Assad" venu arrêter son
père et son oncle. Ses deux prédécesseurs au commandement des Brigades, Ziad
Amar et Ala Sabag, ont été assassinés par Israël. Son propre visage a été
brûlé lors d'un "accident de travail". Ses jours, à lui aussi, sont comptés.

Il vaut la peine de l'écouter. Lui non plus n'est pas né pour tuer. Lui
aussi voudrait vivre parmi les siens et élever son enfant. La fin de
l'occupation sera aussi la fin de son combat, dit-il.

Retour - Ressources  - Accueil