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DOSSIERS PRESSE

Le mur et la Cour internationale de La Haye

Le Mur doit tomber, tomber, tomber ! 

de Gush Shalom, 13 décembre 2003

Une grande manifestation israélo-palestinienne contre la construction du " mur de séparation " à A-Ram, au nord de Jérusalem, a eu lieu samedi 13 décembre. Participaient à cette action des organisations israéliennes membres de la Coalition Contre le Mur (dont Gush Shalom, Ta'ayush, etc.) ; côté palestinien, elle était organisée par la municipalité d’A-Ram en liaison avec toute une palette d’associations sociales ou politiques de cette ville de 60 000 habitants. La ville de A-Ram risque d’être coupée en deux par le mur qui passerait en son milieu.

Ce message de Gush Shalom relate, le jour même, la manifestation d'A-Ram.

Encore une fois, les organisateurs ont sous-estimé le nombre de personnes qui viendraient participer à une protestation contre le mur monstrueux que le gouvernement Sharon semble décidé à construire. Après que six bus eurent été déjà remplis, près de 200 personnes sont arrivées au point de rendez-vous dans le centre commercial du quartier de French Hill.

Heureusement, les gros taxis palestiniens de Jérusalem Est, des fourgons capables de prendre près de 20 passagers chacun, ont été heureux d'intervenir sans délai pour emmener le surnombre. Mais il a fallu du temps, et une logistique compliquée pour maintenir en un seul convoi toute la colonne, peu maniable, par les routes détournées évitant le gros checkpoint de l’armée au voisinage d’A-Ram. Entre temps, on recevait des appels frénétiques de nos partenaires palestiniens nous demandant de nous dépêcher, et nous disant que les centaines de jeunes qu’ils avaient rassemblés rongeaient leur frein et étaient pressés de commencer.

En fait, quand nous sommes arrivés au point de départ prévu, nous avons vu que la masse des Palestiniens était déjà partie. De quelque 300 mètres plus bas dans la rue, on entendait le grondement rythmé d’une demi-douzaine de tambours géants, et le son des slogans d’où le mot " jidar " (l’arabe pour " barrière ", similaire à l' hébreu " gader ") s’entendait distinctement. On a du s’échapper des bus, ramasser les panneaux et les banderoles (" Le mur étrangle A-Ram, le mur nous étrangle tous ", " Nous n’avons pas besoin de murs, nous avons un partenaire pour la paix "), et nous dépêcher de rattraper la manifestation.

Les grands pontes qui font des déclarations auto-satisfaites sur les " Israéliens et Palestiniens trop séparés les uns des autres pour vivre ensemble " et qui en tirent la conclusion qu’" un divorce civilisé est le mieux qu’on puisse espérer " auraient du voir les deux groupes se rencontrer. A un moment il y avait deux groupes distincts – quelque 2000 Palestiniens allant de l’avant, 500 Israéliens les rattrapant rapidement. Ensuite, les deux se fondaient doucement l’un dans l’autre, il n’y avait plus qu’une seule masse, au dessus de laquelle s’agitaient à profusion et sans ordre particulier, en hébreu, en arabe, en anglais, des panneaux, des drapeaux, les emblèmes des groupes pacifistes israéliens et des partis arabes d’Israël; les factions principales du spectre politique palestinien côte à côte, Gush Shalom et le Fatah, le Hadash et Ta’ayush, Yesh Gvul et la Coalition des Femmes d’Israël; les Islamistes palestiniens (peu nombreux, mais bien distincts), le parti Balad du député Azmi Bishara (Bishara était là en personne, ainsi que ses collègues/rivaux Mohamed Barake et Ahmed Tibi), un bloc conséquent de drapeaux rouges du Parti du Peuple Palestinien (ancien parti communiste), et parmi eux un drapeau solitaire des communistes italiens agité par une délégation en visite. Les Accompagnants Œcuméniques du Conseil mondial des Eglises s’étaient tous rassemblés là, venant des villes et villages où ils accomplissent des tâches diverses, et des gens de l’International Solidarity Movement et des Christian Peacemakers, et certains des Japonais qu’on a vu récemment surgir à toutes les manifestations ou presque…

Il y avait une présence considérable de femmes palestiniennes – jeunes et vieilles, certaines en habit traditionnel, d’autres vêtues à la dernière mode occidentale. Les panneaux palestiniens variaient beaucoup, depuis d’énormes banderoles imprimées portant des manifestes complets (" Oui à la liberté d’éducation, de religion, de traitement médical et de mouvement dans notre ville de Jérusalem que le Mur de l’Apartheid va bloquer ") à un " Fuck Sharon " griffonné rapidement au dos d’un carton d’emballage et tenu en l’air par un gamin hilare. Un groupe de filles marchait sous une banderole faite à la main " Cassez le mur " avec les lettres alternativement en noir, rouge et vert sur fond blanc – les couleurs palestiniennes. Il s’est avéré qu’elles étaient de l’Académie du Trait d’Union (Bridge Academy), un institut qui subira un coup mortel de la construction du mur. " La moitié d’entre nous sommes d’A-Ram ici, l’autre moitié de Beit Hanina de l’autre côté de la route. Jusqu’à maintenant on allait et venait sans même y penser, mais s’ils construisent le mur au milieu de la route nous ne pourrons plus nous voir, et notre école perdra la moitié de ses élèves…".

La route dont parlait Tagrid, 17 ans, a été la route Jérusalem-Ramallah. Les plans du gouvernement sont d’ériger un mur de séparation en plein milieu, pour créer une " voie palestinienne " d’un côté et une israélienne de l’autre, et dans l’affaire, couper complètement les uns des autres les quartiers palestiniens de chaque côté. Et le parcours de la manifestation nous a conduit à cette route. Une réplique en carton du mur prévu par le gouvernement, faite spécialement, enjambait le milieu de la route, et un camion couvert de drapeaux palestiniens et servant de podium se trouvait à côté.

Le meeting commence. "Ce mur, si on ne le stoppe pas, va créer un régime d’apartheid bien pire que tout ce que l’Afrique du Sud a connu", dit Catherine Rottenberg, de Ta’ayush. "Le mur qu’on va construire séparera une mère de son enfant. Il séparera le travailleur de son travail, l’élève de l’école, il coupera le malade de l’hôpital et le mort du cimetière. Et le mur coupera chacun de nous, Israéliens et Palestiniens pareillement, il nous coupera de la possibilité d’arriver à une paix juste". "Nous envoyons d'ici un message à M. Sharon, le Premier Ministre d’Israel" a lancé Sirhan Salaymeh, le maire d’A-ram, interlocuteur des militants de la paix israéliens depuis des décennies. "Voici le message: nous ne sommes pas seuls, M. Sharon, nous, les habitants d’A-ram que vous voulez isoler et séparer de notre ville de Jérusalem, nous le peuple palestinien que vous prévoyez d’emprisonner dans des enclaves et des bantoustans. Nous nous tenons ensemble ici, Palestiniens et Israéliens et internationaux, nous nous confrontons à votre sale combine – et nous la ferons échouer ! Le Comité Populaire contre le Mur représente la gamme complète des forces politiques et sociales d’A-Ram, et il est décidé à maintenir et à étendre la lutte de toutes les manières possibles".

Puis Uri Avnery de Gush Shalom: "Si le gouvernement avait construit une clôture ou un mur sur les frontières légitimes d’Israël – la ligne verte, la frontière de 1967 – il aurait agit selon son droit, quoique je pense que même cela aurait été un énorme gaspillage de moyens : faire la paix et finir l’occupation aurait à mon avis mis fin aux motivations des kamikazes, et rendu un mur complètement inutile. Mais comme vont les choses, le gouvernement Sharon soulève l’hostilité du monde entier par son incessante arrogance aveugle, en mettant en avant des plans de construction d’un Mur de la Haine qui coupe dans la chair vivante des Palestiniens, qui fait de leur vie un enfer et qui vole leurs terres morceau par morceau. Cette semaine, le projet fou de ce mur a conduit Israël au banc des prévenus de la Cour Internationale de La Haye, pour la première fois de son histoire. Nous tous, Israéliens et Palestiniens, nous continuerons à payer le prix fort pour ce mur, pour les colonies et pour l’occupation – mais à la fin le mur tombera, comme le mur de Berlin, qui semblait invincible, a tombé, et les deux peuples pourront vivre l’un a côté de l’autre dans la paix et la prospérité ".

Il y eut pas mal d’autres orateurs – beaucoup de groupes et de factions avaient pris part à l’organisation du meeting, et chacun avait son représentant sur le podium. L’assistance, motivée, répondit chaleureusement, avec des huées et des sifflements chaque fois que le mur ou son architecte Sharon étaient cités. Et puis c’est arrivé : la foule, anticipant ce qui devait être le sommet dramatique de la manifestation, est tombée sur la maquette en carton au milieu de la route, l’a mise à bas et réduite en miettes. Ce sont les jeunes palestiniens qui ont commencé, mais leurs compagnons israéliens n’ont pas attendu pour s’y joindre, et le cri  "Le mur doit tomber, doit tomber, doit tomber ! " a jailli d’un millier de gorges.
Chacun savait, bien sûr, qu’avec le vrai mur, ce sera bien plus difficile et compliqué. Et pourtant, nous avons tous senti que quelque chose d’important, et amené à durer, a été réalisé aujourd’hui, sur cette route auprès d’A-Ram.

Pour plus d’information :
Adam 056-709603, Irit 053-826631, Hulood 067-469738,
le Maire Sirhan Salaymeh 067-2348808/02-2348808,
Gush Shalom/The Committee Against House Demolitions/The National Union of Arab Students/Hadash/Yesh Gvul/The Women's Coaltion for a Just Peace/Ta'ayush - Arab Jewish Partnership
Pétitions contre le mur :
http://www.petitiononline.com/stw/petition.html (pétition internationale).

Traduction de l'anglais : Jean-Pierre Bouché 

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