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DOSSIERS PRESSE

Les accords de Genève

   Peut-on arrêter Sharon ? 
par Patrick Seale
in L'intelligent - Jeune Afrique du vendredi 7 novembre 2003


Il est largement reconnu - et ce depuis des décennies - que le Premier ministre israélien Ariel Sharon est un homme dangereux dont la sanglante carrière a fait le symbole du militarisme israélien agressif. En tant que massacreur d'Arabes, Sharon est sans égal. À la poursuite de son rêve d'un “ Grand Israël ”, il a détruit la société palestinienne et causé de terribles dommages à la sécurité, à l'économie et à la réputation de son pays.

Les tensions sont aujourd'hui telles, non seulement dans les Territoires, mais aussi sur les frontières de la Syrie et en Irak, que beaucoup d'observateurs ont le sentiment d'assister au prélude d'un conflit plus vaste. Il y a du pré-1967 dans l'air. Mais les dégâts dont Sharon et ses amis de droite aux États-Unis peuvent être tenus pour responsables s'étendent bien au-delà du Proche-Orient. L'une des conséquences a été une explosion de haine anti-israélienne et antiaméricaine sans précédent dans le monde arabe, au point qu'elle est l'une des principales sources d'instabilité, de violence et de terreur sur la planète. Que peut-on faire pour enrayer cette descente aux enfers ? La pente peut-elle être remontée ? Peut-on arrêter Sharon ?

L'accord de Genève

Une réponse est venue d'un petit groupe de Palestiniens et d'Israéliens courageux qui, travaillant plus ou moins en secret depuis janvier 2001, avec l'aide financière du ministère suisse des Affaires étrangères, a mis au point jusque dans le détail, avec des cartes, le texte d'un accord de paix israélo-palestinien. Connu sous le nom d'accord de Genève, ce document doit être officiellement signé à Genève dans les semaines à venir. Il a déjà été publié dans la presse israélienne et peut être consulté sur le site Web du quotidien Ha'aretz. Un exemplaire a été remis aux ministres égyptien et français des Affaires étrangères et au président d'Israël, Moshe Katsav.

Il est prévu de distribuer ce document de trente pages bien remplies aux deux millions de foyers juifs en Israël et de contacter la population palestinienne via la presse arabe. Pour la première fois depuis trois ans, Israéliens et Palestiniens se voient offrir une solution de rechange pacifique à l'horrible violence dont ils sont les uns et les autres victimes. L'hystérique réponse du gouvernement Sharon à l'accord est une indication de l'importance de la menace qu'il représente pour l'extrême droite israélienne. Se refusant même à en discuter le contenu, les autorités ont cherché à faire passer le projet pour une tentative illégitime de court-circuiter le gouvernement israélien et a invité la communauté internationale à ne pas le prendre en compte. Certains membres du gouvernement ont même demandé que les signataires israéliens de l'accord soient condamnés à mort pour haute trahison !

Comme on le sait, les principaux négociateurs de l'accord sont Yossi Beilin, ancien ministre travailliste israélien et partisan bien connu de la paix, et, du côté palestinien, Yasser Abed Rabbo. Ils se sont assuré le soutien d'une large frange de personnalités de gauche en Israël, comme l'ancien dirigeant du Parti travailliste Amram Mitzna, l'ancien président de la Knesset Avraham Burg, l'écrivain Amos Oz, et un nombre impressionnant de généraux à la retraite. Du côté palestinien, on trouve de jeunes dirigeants du Fatah comme Qadura Farès et Mohamed Urami.

L'accord de Genève a soulevé une vive opposition de la part d'Ehoud Barak, qui cherche à faire un come-back après son désastreux passage au poste de Premier ministre. Par pusillanimité et absence de vision en 1999-2000, il a raté l'occasion de faire la paix avec la Syrie comme avec les Palestiniens. Sa thèse selon laquelle il n'y a personne à qui parler du côté palestinien serait immédiatement invalidée si l'accord de Genève était un succès.

Avec la mort de la feuille de route du Quartet et le honteux refus du président George W. Bush de s'engager dans le conflit israélo-palestinien, l'accord de Genève représente la seule initiative de paix encore valide. Il offre une occasion unique de sortir du cycle actuel de mort et de destruction. Il est essentiel de susciter un mouvement d'opinion international en sa faveur.

Ce que les États arabes doivent faire

Voici quelques suggestions à l'intention des dirigeants arabes, menacés comme leurs concitoyens par la vague de violence qui submerge toute la région.

1. Les États arabes devraient signer une vigoureuse déclaration commune de soutien à l'accord de Genève.

2. Ils devraient, en même temps, relancer le plan de paix du prince Abdallah d'Arabie saoudite, approuvé à l'unanimité au sommet arabe de Beyrouth en mars 2002, mais qui est resté depuis dans un tiroir.

Le plan de paix de Beyrouth proposait à Israël une normalisation avec l'ensemble du monde arabe une fois qu'il se serait retiré sur les frontières d'avant 1967 et aurait autorisé la création d'un État palestinien indépendant. Sur le fond, il est étonnamment semblable à l'accord de Genève.

3. Des délégations des ministres arabes des Affaires étrangères devraient faire une tournée en Europe et dans d'autres capitales mondiales pour recueillir un soutien en faveur du plan de paix de Beyrouth et de l'accord de Genève. En particulier, le Premier ministre britannique Tony Blair, qui déclare être totalement favorable à la solution des deux États, devrait être invité à affirmer publiquement son soutien à l'accord.

4. Les États du Golfe et l'Arabie saoudite devraient créer un important fonds d'indemnisation des réfugiés palestiniens et solliciter des contributions d'autres pays, tels que les États-Unis, les membres de l'Union européenne, la Chine et le Japon.

Un point clé de l'accord de Genève, qu'on trouve aussi, quoique moins explicitement, dans le plan de paix de Beyrouth, est l'échange proposé du “ droit au retour ” des Palestiniens contre la souveraineté palestinienne sur le Haram el-Sharif (le mont du Temple), ainsi que contre les trois quarts de la Vieille Ville de Jérusalem. Pour la grande majorité des réfugiés palestiniens, renoncer au “ droit au retour ” n'est concevable qu'en échange d'un dédommagement généreux. D'où la nécessité impérieuse d'un important fonds d'indemnisation, géré dans une totale transparence et disposant d'abondantes ressources internationales.

5. S'ils souhaitent agir sur l'opinion israélienne et américaine, les États arabes seraient bien avisés de faire preuve de compréhension concernant les craintes sécuritaires d'Israël. À cet égard, ils devraient prendre collectivement l'engagement de mettre fin à la violence exercée contre Israël par les groupes extrémistes - à la condition qu'Israël, de son côté, renonce à la violence et accepte des relations de bon voisinage.

6. Enfin, les États arabes devraient se joindre à ceux qui demandent la création d'une force internationale sous les auspices des Nations unies pour surveiller l'application sur le terrain du plan de paix israélo-palestinien.

Shlomo Ben Ami, ancien ministre israélien des Affaires étrangères, a demandé publiquement qu'un mandat international soit exercé sur les Territoires avec l'aide d'une force multinationale. Sa tâche serait de guider l'Autorité palestinienne dans la transition vers un État démocratique, de désarmer les milices, mais aussi de contrôler à la fois l'évacuation des colons juifs hors des Territoires et le reclassement des réfugiés palestiniens.

L'accord de Genève donne aux Arabes une arme stratégique pour défier et défaire les ennemis de la paix.

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