DOSSIERS
PRESSE
Les
accords de Genève
Arrêtez la sinistre
farce, prononcez la fin de "L'autorité"
Par Gedeon Levy journaliste israélien
09 novembre 2003
– Le journaliste du Haaretz Gedeon Levy, l’un des très rares
journalistes israéliens à couvrir, avec courage, la réalité de
l’oppression
et de la répression subies par le peuple palestinien, adjure les
responsables palestiniens de mettre fin à la fiction de « l’Autorité
Palestinienne », dont la perpétuation ne bénéficie plus désormais
qu’à
Israël. Nous reproduisons ci-dessous l’éditorial qu’il vient de
publier dans
Haaretz (traduit de l’anglais par CAPJPO).
La farce aurait dû cesser depuis bien longtemps déjà. Si les chefs
de l’
Autorité Palestinienne avaient eu un sens plus élevé de leur dignité,
s’ils
avaient été prêts à des sacrifices personnels et à une certaine
audace
politique, ils auraient depuis longtemps prononcé la liquidation de l’
Autorité Palestinienne, et laissé les responsabilités entre les seules
mains
d’Israël.
S’ils étaient un peu plus préoccupés du sort du sujet gens dont
ils sont
censés avoir la charge –le bien-être de leur peuple- ils auraient
démissionné, et mis à bas cette impression trompeuse d’un
pseudo-gouvernement, et d’un « Etat en création ».
Ils auraient cessé d’être cette feuille de vigne qui ne sert qu’à
perpétuer
l’occupation israélienne. Au lieu de cela, ils s’accrochent aux
quelques
honneurs et avantages qu’Israël continue à accorder à une poignée
d’entre
eux, et on les voit prêter la main à cette entreprise de désinformation,
qui
voudrait que l’Autorité Palestinienne et un gouvernement palestinien
disposant de pouvoirs existe bel et bien.
Sous le couvert de titres sonnant le creux, ils continuent de prendre
part à
la tromperie, bien commode aux yeux de pas mal de gens en Israël et
ailleurs, qui peuvent ainsi faire semblant de croire que l’occupation
des
territoires palestiniens n’est pas totale, et qu’il y a toujours un
gouvernement palestinien.
Des « Ministres », des « Directeurs généraux », des «
vice-ministres », et autres « gouverneurs », dépourvus de la moindre
autorité, mis dans l’
incapacité de prendre la moindre décision sinon de mendier des permis
V.I.P. » permettant à leurs limousines de passer les check-points, se
moquent de leur propre nation et de la communauté internationale.
Le ministre palestinien chargé de la sécurité interne est-il capable
de s’
occuper de la sécurité, ne serait-ce que d’un seul de ses administrés,
face
aux exécutions, aux hélicoptères, aux troupes de soldats qui violent
les
habitations au milieu de la nuit ?
Et le ministre chargé de la santé ? Est-il en mesure de s’occuper
de la
santé de ses concitoyens, quand chaque soldat israélien, à chaque
check-point, a le pouvoir de bloquer le passage des ambulances et des
malades, et quand villes et villages sont indéfiniment soumises à des
couvre-feux ?
Et que peut bien faire le ministre chargé de l’agriculture, quand
les colons
abattent ou déracinent, sans entraves, des centaines d’oliviers, ou
qu’ils
interdisent la cueillette, ou lorsque l’armée israélienne détruit des
milliers de dunams de terres agricoles et de vignes ?
Et comment fera le ministre du travail pour assurer des emplois à son
peuple, quand celui-ci est assigné à résidence ? Et le ministre des
transports, quand son pays est strié de check-points et que l’armée
israélienne exerce un pouvoir sans partage, décidant que telles routes
sont
réservées aux Juifs, et quels autobus palestiniens sont autorisés à
circuler
? On pourrait rallonger la liste.
Dans les rues de Ramallah, un passant constatait amèrement, l’autre
jour :
Pendant que les Palestiniens se chamaillent pour savoir si Nasser Yusuf
sera finalement nommé ou pas ministre de l’Intérieur, les Israéliens
achèvent la construction de la barrière de séparation ».
La majorité des Palestiniens ne savent même pas qui sont les hommes
du
gouvernement, et pour une excellente raison : l’essentiel des petites
aides
qu’ils reçoivent vient d’organisations comme l’UNWRA (Agence des
Nations-Unies pour les Réfugiés) et des municipalités, pas de ce
gouvernement imaginaire.
Les situations les plus choquantes sont celles de ces rencontres entre
ministres palestiniens et ministres israéliens. Comme cette récente
rencontre entre le ministre des Finances palestinien Salam Fayed (qui
s’est
déclaré démissionnaire jeudi dernier), l’un des favoris des États-Unis
et d’
Israël, avec le ministre israélien de la Défense, Shaul Mofaz.
Cette rencontre avait pour seul objet de faciliter le déplacement aux
États-Unis que s’apprêtait à faire Mofaz. On a du mal à comprendre
comment
le responsable palestinien a accepté de rencontrer Mofaz –responsable,
plus
qu’aucun autre au sein de la direction israélienne, du traitement cruel
infligé au peuple palestinien-, aux seules fins de servir les intérêts
de ce
ministre israélien.
Quelle est donc cette situation où les Israéliens s’autorisent à
boycotter
des dirigeants palestiniens, à commencer par Yasser Arafat, et où les
Palestiniens ne s’assignent même pas des lignes blanches à ne pas
franchir ?
On sait que les personnalités américaines et européennes en visite
officielle ne se rendent pas au ministère israélien de la Justice, car
celui-ci a son siège à Jérusalem-Est. Mais le ministre sortant de la
Justice
de Palestine, Abdel Karim Abou Salah, et le ministre chargé des
Prisonniers
Hisham Abdel Razak, viennent de rencontrer, dans son bureau, le ministre
israélien de la Justice Yosef Lapid. Le peuple palestinien ne peut avoir
que
du mépris pour de tels ministres.
La tromperie consistant à faire croire à l’existence d’un
gouvernement et d’
une Autorité censément autonomes sert pardessus tout les intérêts du
gouvernement israélien. L’existence de l’Autorité permet à Israël
de l’
accuser de tous les méfaits, d’exiger d’elle qu’elle combatte le
terrorisme,
tout en faisant croire au reste du monde que l’occupation n’est pas
totale.
Au cours des trois dernières années, Israël n’a pas ménagé les
efforts pour
saper les bases du pouvoir de l’Autorité. Il ne reste presque rien de
celle-ci et l’entité zombie qui continue de faire semblant d’exister
à
Ramallah devrait maintenant tirer le rideau. Ce n’est pas un enjeu
uniquement intra-palestinien : Israël aussi porte une lourde
responsabilité,
dont il essaie de se défaire.
Si les membres du gouvernement palestinien étaient capables de déclarer
ensemble, que la comédie est désormais terminée, qu’il n’y a plus
à partir
de maintenant d’Autorité Palestinienne ni de gouvernement palestinien,
le
poids entier de la responsabilité de l’occupation serait dévolu à
Israël
(Gedeon Levy, Haaretz, 9
novembre 2003)
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