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DOSSIERS PRESSE

AMNESTY INTERNATIONAL

DOCUMENT PUBLIC

                        Londres, 8 septembre 2003

ISRAËL ET TERRITOIRES OCCUPÉS
Survivre en état de siège : entraves à la liberté de mouvement et droit au travail (extrait)

Le mur/barrière/clôture de séparation

Le 14 juin 2002, le gouvernement israélien a annoncé le début des travaux de construction d'un mur/barrière (généralement appelé la « barrière de séparation ») longeant la Cisjordanie et passant au nord et au sud de Jérusalem (« le périmètre de Jérusalem »). Le but déclaré de ce projet était d'empêcher les Palestiniens de passer clandestinement de Cisjordanie en Israël et d'éviter ainsi les attentats-suicides et autres attaques. Toutefois, le mur n'est pas construit sur la ligne verte qui sépare Israël de la Cisjordanie. La plus grande partie est édifiée sur des terrains palestiniens à l'intérieur de la Cisjordanie, dans certains cas à six ou sept kilomètres à l'est de la ligne verte, afin d'englober une dizaine de colonies israéliennes proches de cette ligne. La construction de la première phase du mur, soit 150 kilomètres environ, dans les gouvernorats de Jénine, de Tulkarem et de Qalqilya dans le nord de la Cisjordanie ainsi qu'autour de certains quartiers de Jérusalem, a débuté pendant l'été 2002 ; les travaux, qui devaient se terminer en juillet 2003, se poursuivaient au moment de la rédaction du présent rapport. Le tracé du mur a été repoussé vers l'est dans certains endroits afin d'inclure d'autres colonies israéliennes.

Cette barrière longue de 400 kilomètres et d'une largeur comprise entre 30 et 100 mètres comprend, outre la clôture ou le mur selon les endroits, un ensemble d'obstacles, entre autres des tranchées profondes pour arrêter les véhicules, des clôtures électrifiées, des voies en terre lisse permettant de repérer des traces de passage, des chemins de patrouille ainsi que des routes sur lesquelles des véhicules blindés peuvent circuler.

De vastes étendues de terres agricoles palestiniennes – environ 11 500 dunums soit 11,5 kilomètres carrés – ont été détruites pour construire le mur. Par ailleurs, celui-ci isole du reste de la Cisjordanie plusieurs villages palestiniens et de vastes étendues de terres agricoles ; il sépare d'autres villes et villages des terres appartenant à leurs habitants.

La confiscation des terres agricoles

En 2002, les FDI ont informé les propriétaires de Qafin, un village du gouvernorat de Jénine comptant quelque 9 500 habitants, que 600 dunums de terres allaient être confisqués pour une durée de cinq ans, pour des raisons de nécessité militaire, afin d'édifier le mur. En septembre 2002, des bulldozers ont commencé à déblayer le terrain, arrachant la plupart des oliviers avant que les villageois n'aient pu faire la récolte.

Un mois plus tard, une terre agricole autrefois fertile n'était plus qu'un terrain nu. Le maire, Taysir Harasheh, a déclaré aux délégués d'Amnesty International que, dans la région de Qafin, le mur serait construit à une distance de trois kilomètres à l'intérieur de la Cisjordanie et qu'il encerclerait le village de trois côtés. Six mille dunums, soit 60 p. cent des terres agricoles du village, sur lesquels sont plantés des milliers d'oliviers se trouveraient de l'autre côté du mur.

Près de 90 p. cent de la population active de Qafin travaillait autrefois en Israël. Les revenus provenant de la récolte d'olives sont devenus essentiels pour de nombreux habitants qui ont perdu leur emploi.

Le mur a des conséquences économiques et sociales très graves pour plus de 200 000 Palestiniens vivant dans les villes et villages environnants. Une quinzaine de villages palestiniens comptant près de 12 000 habitants dans les régions de Jénine, de Tulkarem, de Qalqilya, et des dizaines d'habitations du quartier nord de Bethléhem sont enserrés entre le mur et la ligne verte. Les habitants de quelque 19 autres villages palestiniens, situés pour la plupart dans les régions de Jénine, de Tulkarem et de Qalqilya, sont séparés de leurs terres par le mur.

La terre de ces régions est parmi les plus fertiles de la Cisjordanie, les ressources en eau sont plus abondantes qu'ailleurs et l'agriculture constitue la principale source de revenus des habitants, d'autant plus que ceux qui travaillaient en Israël ne sont plus autorisés à s'y rendre. Le pourcentage de terres cultivées est deux fois plus élevé que la moyenne dans les autres parties de la Cisjordanie et la productivité de la terre est beaucoup plus importante qu'ailleurs.

Les habitants de ces zones doivent franchir le mur à certains postes de contrôle pour se rendre en Cisjordanie afin d'y travailler, de cultiver leurs champs, de vendre leurs produits agricoles, de faire des études et d'accéder aux centres de santé dans les villes voisines. Les non- résidents devront obtenir des laissez-passer spéciaux pour se rendre dans ces zones.

La ville de Qalqilya, où vivent plus de 40 000 Palestiniens, est complètement encerclée de toutes parts ; un seul poste de contrôle permet d'y entrer ou d'en sortir. Cette mesure a été prise pour que le mur englobe les colonies israéliennes situées au nord-est et au sud-est.

Le 8 mai 2003, des délégués d'Amnesty International se sont rendus à Qalqilya. Au poste de contrôle à l'entrée de la ville, ils ont vu des Palestiniens qui ne résidaient pas à Qalqilya et qui étaient empêchés d'y entrer. Comme cela est la règle pour les barrages, les heures d'ouverture et de fermeture ne semblaient pas fixées précisément. Les soldats israéliens ont déclaré aux délégués de l'organisation que le barrage était généralement ouvert jusqu'à 19 heures ou 19 h 30 mais qu'il serait fermé à 17 h 30 ce jour-là. Les délégués ont demandé ce qui arriverait aux habitants qui se présenteraient après 17 h 30 pour rentrer chez eux, pensant que le barrage était ouvert. Un soldat a répondu qu'ils devraient rester à l'extérieur de la ville jusqu'au lendemain matin, en précisant que la plupart des gens savaient qu'il fallait de toute façon rentrer tôt et prenaient leurs précautions.

L'expérience d'une organisation similaire dans d'autres régions des Territoires occupés coupées de leur environnement, comme le Mawasi et Al Sayafa dans la bande de Gaza (voir les études de cas), et du fonctionnement des postes de contrôle en général démontre qu'il est impossible aux Palestiniens qui vivent dans des enclaves comme celles créées autour du mur ou y possèdent de la terre de maintenir même un semblant de vie normale.

En réponse à une requête introduite devant la Haute Cour et contestant les confiscations de terres à Al Ras, à Kafr Sur et à Farun, le gouvernement israélien a affirmé qu'il avait l'intention de « parvenir à un accord avec les propriétaires qui permettrait à ceux-ci de franchir le mur afin de pouvoir cultiver leurs terres ». Dans une autre affaire soumise à la Haute Cour, les autorités ont répondu que des « permis spéciaux » seraient délivrés aux propriétaires des terres situées à l'ouest du mur et qu'ils pourraient accéder à leurs terres par des « grilles agricoles ». L'armée israélienne a informé le Coordonnateur spécial des Nations unies dans les territoires palestiniens occupés que des grilles agricoles différentes seraient mises en place pour les personnes, les engins agricoles et les produits, qui devraient franchir ces grilles par le système dos-à-dos obligeant à décharger puis recharger les marchandises sur deux véhicules se trouvant de part et d'autre de la grille.

Dans la région de Jérusalem, le mur, dont deux parties sont déjà édifiées, laissera 13 colonies israéliennes du côté israélien et il isolera complètement la ville, y compris Jérusalem-Est occupée, de la Cisjordanie.

Les terres palestiniennes sur lesquelles le mur est construit sont réquisitionnées par les autorités israéliennes pour des « besoins militaires ». Les ordres de confiscation, qui sont généralement « temporaires » et valables jusqu'à la fin de 2005, peuvent être renouvelés indéfiniment. Au cours des dernières décennies, des installations permanentes, y compris des colonies et des routes destinées aux colons, ont été construites sur des terres palestiniennes confisquées « temporairement » par Israël et qui n'ont jamais été restituées à leurs propriétaires. Dans une affaire soumise à la Haute Cour, les autorités israéliennes ont reconnu que des ordres de confiscation temporaire avaient été utilisés, et qu'ils pouvaient l'être encore, pour édifier des constructions permanentes.

Les autorités israéliennes refusent de fournir des informations à l'avance sur le tracé du mur ; les Palestiniens concernés ne l'apprennent que lorsqu'ils reçoivent l'ordre de confiscation de leur terre, voire au début des travaux, qui démarrent parfois avant la notification de la décision. Le tracé initialement prévu a été modifié dans certaines zones pour englober de nouvelles colonies israéliennes et des terres palestiniennes. De nouveaux changements peuvent intervenir pendant les travaux.

Outre l'édification du mur, une série de barrières secondaires ressemblant à des tranchées et appelées « barrières en profondeur » doivent être construites dans plusieurs endroits à l'est du mur principal. Ces barrières secondaires vont créer de nouvelles enclaves qui isoleront des villages de Cisjordanie les uns des autres, restreindront la liberté de circulation de dizaines de milliers d'autres Palestiniens et affecteront leurs moyens d'existence.

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