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DOSSIERS PRESSE

Isoler la droite israélienne

L’édification du mur, ajoutée à de nouvelles implantations illégales, va contre la création d’un Etat palestinien indépendant
Par Ahmad Tibi
Député à la Knesset et leader du Mouvement arabe pour le changement

Ce n'est pas un hasard si, comme cela s'est récemment produit, la Knesset approuve une déclaration politique stipulant que «Judée, Samarie et Gaza ne sont ni historiquement ni politiquement ni juridiquement des territoires occupés». Il n'est pas plus surprenant que la même Knesset ait voté à une large majorité contre la «feuille de route», un vote que nous avons réclamé pour établir le fait que le gouvernement refuse un processus de paix qui nécessite l'engagement des Israéliens. L'actuel gouvernement de coalition, on ne peut plus radical, rejette en bloc le principe de la feuille de route.

Cette feuille de route est sans doute truffée d'inconvénients, et nous incite à de nombreuses objections : elle ne comporte notamment aucun plan d'action obligeant le gouvernement israélien à prendre des mesures drastiques. Elle laisse au contraire à Israël le monopole, et lui offre la possibilité de différer ses actions sur toute la durée des trois phases prévues. L'aspect le plus désavantageux de la feuille de route concerne cette idée d'un «État Palestinien provisoire» occupant à peine 42 % de la Cisjordanie et de Gaza. Ce caractère «provisoire» est d'ailleurs une constante de la politique israélienne dans le conflit israélo-arabe en général, et le conflit israélo-palestinien en particulier. Ainsi, notre principale objection tient au fait que nous allons droit à une situation d'apartheid, avec d'une part l'approbation des Palestiniens et de la communauté internationale, et d'autre part les Israéliens, qui poursuivent l'édification du mur de séparation.

En dépit des arguments clairement exprimés à l'encontre de la feuille de route, nous comprenons pleinement le contexte international et les transformations géopolitiques à l'échelle régionale et mondiale qui ont conduit le commandement palestinien à accepter ce projet. Projet qui était initialement l'œuvre d'un «Quartet», mais qui a rapidement été pris en main par l'administration américaine, avec pour conséquence la mise à l'écart de l'Union européenne, des Nations unies et de la participation russe. Le camp palestinien a approuvé la feuille de route comme une bouée de sauvetage face à la débâcle politique et militaire, et pour alléger les souffrances de son peuple.

La construction du mur de séparation dresse des frontières politiques permanentes. A l'inverse de ce que prétend Sharon, le gouvernement israélien confisque aux Palestiniens de nouvelles terres. Son édification, ajoutée à de nouvelles implantations illégales, constitue le principal obstacle à la création d'un État palestinien indépendant suivant les frontières du 4 juin 1967. Dès lors, soit nous assistons à la fin de l'occupation israélienne sur tous les territoires de 1967 grâce à un compromis historique entre le mouvement national palestinien et Israël, soit à la mise en place de bantoustans comparables aux bantoustans noirs d'Afrique du Sud au temps de l'apartheid, une solution intitulée «réorganisation de l'occupation».

A la vue de ce qui se passe actuellement, et en dépit de notre indéfectible attachement idéologique et politique à une solution «à deux États» (une Palestine érigée sur les territoires de 1967 et un État d'Israël), cette idée d'un «État Palestinien temporaire» - qui doit être rejetée - ainsi que la construction du mur et les nouvelles implantations vont nous amener à remettre en question la solution «à deux États», et à nous aligner sur la solution d'un Etat démocratique binational, allant de la rivière à la mer, où tous, Juifs autant qu'Arabes, jouiront de leur liberté, en conformité avec le slogan «un homme, un vote».

La solution d'un État unique inclut deux communautés culturelles : les Arabes palestiniens avec leur culture arabo-christiano-islamique, et les Juifs israéliens avec leur nouvelle culture hébraïque. Une solution que rejette massivement la société israélienne. Notre intention n'est pas de la lui imposer à tout prix : l'alternative «à deux états» est celle que nous continuons de soutenir et à appeler de nos vœux ; c'est la plus réaliste sur le plan local, régional et international, et dans le monde arabe comme en Israël.

Notre véritable dessein est d'isoler la droite israélienne et son idéologie expansionniste, qui exclut la création d'un État palestinien. Il nous faut marginaliser politiquement cette idéologie, en lui opposant un mouvement populaire hostile, encouragé par les élites israéliennes, lesquelles devront prendre conscience que l'occupation et le projet d'expansion dans les territoires palestiniens sont impossibles à poursuivre.

De leur côté, les Palestiniens ne peuvent accepter un nouveau système de séparation raciste où, comme le prévoit la feuille de route dans sa référence à un état «temporaire», les Palestiniens tiendraient le rôle des Noirs sud-africains. Cela ne correspond pas aux aspirations du peuple palestinien qui résiste, et se bat contre l'occupation pour accéder enfin à l'indépendance, à la liberté et à la dignité humaine.

Traduit de l'anglais par Bérangère Erouart.

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