AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP

   
 

DOSSIERS PRESSE

Un mur dans le coeur

Yediot Ahronoth, 23 mai 2003
2eme partie du dossier paru dans le principal quotidien israelien

Fin septembre, comme le rapporte fièrement le site Internet de Matan, le directeur général du Ministère de la Défense, Amos Yaron, et Haim Ramon, à l'époque président du Comité aux Affaires Étrangères et à la Défense, visitèrent cette colonie et dirent: «Ce serait une erreur d'envisager une contiguïté territoriale entre Qalqilya et Habla ». Le 25 septembre, Amikam Svirski, conseiller du Ministre de la Défense sur la question des colonies, leur envoya une lettre avec la bonne nouvelle. Votre proposition a été acceptée. «Nous nous sommes bien éloignés du plan d'origine», se vante Hasbaï. «Nous avons déplacé la Ligne Verte. »
Changer le tracé coûte à Israël beaucoup d'argent. 25 millions d'euros, estime Hasdai.  Le Conseil des colons l'enviait un peu, rapporte t-il. Ce conseil estimait qu'il a réussi uniquement parce qu'il faisait partie du Comité Central du Likoud et que Sharon en avait besoin pour les primaires. Hasdai rejette cette supposition. «Ce n'est pas parce que je suis un membre du Comité Central que 25 millions d'euros furent dépensés pour le mur, à Alfei Menashe», dit-il. «J'ai gagné parce que j'ai souligné que nous sommes situés sur la première chaîne de montagne après la plaine côtière et que de ce fait, nous pouvions servir de barrière de sécurité.»Les succès à Alfei Menashe et à Matan furent une catastrophe pour Qalqilya. La ville devint une sorte d'île, clôturée des quatre côtés, coupée des villageois qui y amènent leurs marchandises, y font leurs emplettes et dépendent d'eux pour des services publics. Mais comme le précise Uzi Dayan, «le mur n'est pas supposé rendre tout le monde eureux. Il n'y avait pas le choix».
Sur le papier, les planificateurs de ce projet firent attention aux droits des Palestiniens. Mashiah rapporte que les agriculteurs à qui l'on prit les terres pour la construction de la barrière, avaient sept jours pour soumettre leurs réserves. Dans certains cas, un délai plus long fut permis afin d'adresser une pétition à la Haute Cour de Justice. En pratique, il y eut peu de considération pour les Palestiniens. Mashiah rapporte qu'à un seul endroit, près de Umm el-Fahm, les réserves émises par les Palestiniens à propos de la barrière furent acceptées.
Alors, dans quel sens les constructeurs de la clôture étaient-ils près à faire des concessions ? L'ancienne ville égyptienne découverte près du barrage routier de Taibe retarda les travaux de deux mois. Afin de ne pas endommager les iris de Gilboa, il fut décidé que la largeur de la barrière (le fil barbelé, le fossé et la clôture) dans la réserve de Gilboa, serait seulement de 35 mètres et non de 80, comme dans la région de Tulkarem ou de Qalqilya. Israël semble avoir plus de considération pour des fleurs et des antiquités que pour des hommes ! Le plan d'origine faisait appel à un système complexe de portes : cinq passages contrôlés, similaires au passage d'Erez (seule sortie pour les non-juifs au nord de Gaza, ndt), et encore une trentaine de « portes agricoles », par lesquelles les paysans ayant des terres à l'ouest de la barrière pourraient passer. L'Administration Civile devait fournir des permis à ceux possédant ces terres derrière la barrière et autoriser les équipes médicales ainsi que les enseignants à passer cette dernière. C'est sur la base de ces promesses que la Haute Cour de Justice rejeta les pétitions des Palestiniens qui s'opposaient à ce mur.
Les principaux responsables de la sécurité admettent aujourd'hui qu'il n'y a aucune chance que les terminaux conçus pour canaliser la circulation des civils et des marchandises soient prêts pour juillet, moment où la première partie de la barrière sera complétée et opérationnelle. « Il y a sept points de contrôle pour les Juifs et neuf pour les Arabes, et ils seront fonctionnels au moment où la barrière sera opérationnelle, » déclare officiellement l'armée.

La question des passages a tendance à devenir floue. En réponse à une question à la Knesset, le Ministre de la Défense, Mofaz, déclara : «Pour le moment, il n'y a pas de budget pour les passages agricoles». Pourtant, les Palestiniens disent que dans la portion déjà finie entre Kafin et Shweika, laquelle, selon la carte doit contenir huit passages agricoles, il n'y en a aucun. Et même s'il y en avait, la question de qui pourrait passer et à quel moment est loin d'être claire. Toutes les tentatives pour obtenir des clarifications faites par B'Tselem et les avocats des propriétaires Palestiniens de terres furent rejetées avec, en guise de réponse : «la question est en train d'être étudiée». Même pour savoir à quelle heure les passages agricoles pourraient être ouverts (les paysans vont travailler à 4h00 du matin), et quelle durée durant l'année, il n'y eut aucune réponse. Contrairement aux revendications des Palestiniens, les sources militaires affirment que ces portes agricoles font partie intégrale de la barrière et qu'elles sont toutes prêtes. «La question est de savoir à quel moment et comment elles s'ouvriront, mais cela ne nous regarde pas ; cela concerne l'Administration Civile» (administration militaire des civils, ndt). Abu Mazen a soulevé le problème lors de sa première rencontre avec Sharon. Les journaux rapportent que Sharon lui-même a promis que personne n'empêcherait les agriculteurs d'accéder à leurs terres. «Vous devez réaliser que je suis moi-même d'origine paysanne. Je sais ce qu'est l'attachement à la terre et voilà pourquoi j'ai ordonné que de nombreuses portes soient ouvertes dans la clôture afin de permettre aux cultivateurs  de travailler leurs terres. La clôture n'est pas une frontière», écrit Roni Shaked en citant Sharon dans le Yedioth Ahronoth. Cependant, comme indiqué, il n'y a pas encore de procédure claire dans l'Administration Civile afin d'arranger les passages. L'Administration Civile a refusé de commenter.
Les officiels de l'armée déclarèrent que les cultivateurs seront autorisés à franchir la barrière jusqu'à leurs terres sans problème, «après avoir prouvé qu'ils y ont droit». Ils disent qu'il y a un plan prévu pour définir clairement qui exactement a le droit de franchir la barrière, «mais il est trop tôt pour rendre cela public». De toute façon, si un Palestinien ayant un passé compromettant avait à franchir la clôture de sécurité pour cultiver ou pour quelque autre raison, ses chances d'accéder à sa destination seraient nulles. « Vous n'investissez pas des millions dans une barrière pour qu'elle ressemble à un fromage suisse, où n'importe quel homme du Hamas pourrait franchir la barrière sous prétexte qu'il possède une terre de l'autre côté, » déclara un officiel de l'armée. Mashiah est encore plus inflexible : «Si le fils d'un paysan a un passé compromettant, le paysan ne passera pas. Il devra prendre cela en compte. Et si une attaque terroriste parvient à franchir une porte agricole, ce passage de la barrière deviendra un mur. Personne ne pourra passer».Mashiah promet de livrer la première partie de la barrière pour juillet 2003. Pour le moment, le plan du reste de la barrière est en train d'être dessiné. Ce plan a totalement été modifié. Avant que Ben-Eliezer quitte le Ministère de la Défense, il avait dessiné un plan pour le reste de la barrière de sécurité. « Nous avions une instruction générale de continuer le tracé» déclare Ben-Eliezer, « le plus près possible de la Ligne Verte. » Les autorités relevant de la sécurité, impliquées dans la construction de la barrière confirment, qu'effectivement, tels étaient les ordres, et que les premières cartes furent dessinées en conséquence.

Ces plans furent abandonnés. « Je me suis battu contre ce plan dès le début, » déclare Ron Nahman, le maire d'Ariel. « Fuad et le parti Travailliste voulaient nous abandonner, laisser 50000 Juifs hors de la clôture. » Nahman rencontra les hauts responsables de la sécurité et leur démontra, preuves à l'appui, qu'à cet endroit, il y a plus de Juifs que d'Arabes, mais rien n'y fit. Cela se passait avant que le deuxième gouvernement Sharon soit au pouvoir. Dans les premiers jours du mois de mai, Mofaz déclara joyeusement qu'il était finalement décidé que la colonie d'Ariel serait à l'intérieur de la barrière. Y seraient aussi inclues les colonies d'Elkana, de Maale Shomron, Karnei Shomron, Kedumim, Emanuel, Pduel et Alei Zahav. Ces deux dernières colonies sont à 10 kilomètres de la Ligne Verte.

Pinhas Wallerstein, chef du Conseil Régional de Binyamin, déclare qu'il a rencontré, ces derniers jours, les officiels de l'armée de cette région afin de discuter des cartes et de tenter de les persuader d'inclure ce qui est connu sous le nom de « Bloc Talmudique » (cinq colonies juives situées au nord ouest de Ramallah, à près de 20 kilomètres de la Ligne Verte) sous forme de « ballon », à l'exemple d'Alfei Menashe. Si le projet est réalisé (« Je ne dirais pas que j'ai déjà leur approbation, » précise Wallerstein), cela signifierait que la barrière de séparation ressemblerait à une ficelle de fjords norvégiens. Les difficultés que rencontrent les Palestiniens sur cette section du mur seraient un jeu d'enfants en comparaison.
Ces projets indignent Fuad. « J'espère de toutes mes forces que cela ne se produira pas, » déclare-t-il. « Cela serait trop coûteux et compliquerait la poursuite des terroristes. De plus, cela augmenterait les difficultés pour man¦uvrer les troupes. » Les chefs militaires impliqués dans la réalisation de la barrière de sécurité partagent les inquiétudes de Fuad. Pour que ce mur soit efficace, disent-ils, il faut qu'il soit aussi court et droit que possible. Pourtant, il se passe le contraire.
Les forces militaires impliquées dans la réalisation du mur déclarent que les autorités en charge de la sécurité ont essentiellement terminé le tracé de la barrière de Elkana au camp d'Ofer - c'est-à-dire exactement 210.5 kilomètres. « Nous n'attendons plus que le financement et cela sera terminé». Reste que le problème du financement n'est pas le moindre. Au départ, lorsque Ben-Eliezer était Ministre de la Défense, cette portion de la barrière n'était que de 100 kilomètres. «110 kilomètres en plus furent ajoutés parce qu'il fut décidé que la barrière devait aussi encercler les colonies israéliennes de la Cisjordanie», apprenons-nous de sources militaires.

Un simple calcul démontre que cet ajout coûtera aux contribuables à peu près 250 millions d'euros. Et cela n'est qu'approximatif. « Le sud de la région d'Elkana est plus difficile. Il pourrait en coûter plus, » affirment les sources militaires. « Il serait plus économique de donner à chaque habitant de Kedumim une villa au centre d'Israël plutôt que de construire cette barrière». Le délai de construction de la barrière de sécurité pourrait aussi être long. Le nouveau tracé est complexe à réaliser. Il prévoit un passage dans les montagnes, lequel pourrait être sujet à causer des problèmes légaux substantiels, déclarent les sources de l'armée. Le Ministre des Finances ignore où précisément il trouvera une telle somme.Rien de tout cela n'intéresse Ron Nahman. « Je rejette tous les arguments de Fuad et sa bande, » déclare-t-il. « Qui sont ces gens de l'armée ? Que comprennent-ils que je ne comprends pas ; ils n'ont rien à m'apprendre. Qu'y a-t-il de si grave à prolonger le mur d'encore 60 kilomètres ? 50 000 Juifs n'en valent-ils pas la peine ? »

Aux yeux du Ministère de la Défense, les colons de Samarie en valent la peine. Précisément à ce moment, cette région est cartographiée des airs, et près de dix bureaux travaillent à en préparer les cartes. Le bureau du Premier Ministre indique que des discussions autour du tracé du mur d'Alkana à Jérusalem « prennent en ce moment place et qu'une décision du gouvernement sera prise au moment voulu.». Cependant, dans une entrevue accordée au Jerusalem Post la semaine dernière, Sharon ne laisse aucune place au doute. Les colonies d'Ariel et d'Emanuel seront à l'ouest du mur, a-t-il déclaré. Ces suppléments rallongeront considérablement le mur. Le plan d'origine projetait une barrière de 350 kilomètres. Maintenant, elle en compte 650. En d'autres termes, 800 millions d'euros en plus, sans compter la coût de la barrière au somment de la montagne.
Jeter un coup d'¦il sur la carte mène a une conclusion bien simple : la barrière de séparation construite à ce jour chevauche la carte de Sharon d'un Etat palestinien ; C'est-à-dire un peu plus de 40% de la Cisjordanie divisée et coupée en morceaux. Le nord de la Cisjordanie est coupé du sud et pour aller de Bethlehem à Ramallah, un Palestinien devra passer deux frontières.

Le système de barrières intérieures, « des prisons ouvertes » comme les nomment les Palestiniens, sera encore plus sophistiqué dans la nouvelle partie. Par exemple, la barrière doit se rendre à l'est de la route 446 et laisser les colonies d'Ofarim, Beit Aryeh et Nili du côté israélien. Au centre, il y aura dix grands villages arabes comme Kibiya et Rantis qui seront emprisonnés derrière une autre clôture de la forme d'une boucle. Ces dix villages n'auront qu'une sortie à l'est, vers Ramallah, via un point de contrôle dans la barrière principale. Une boucle semblable, avec une autre clôture interne, s'étendra du sud de la route 443 (la route de Modiin-Jerusalem), et encerclera dix autres villages. Jamal Juna de l'Association Palestinienne d'Environnement, estime que près de 50 000 personnes vivent dans ces enclaves.
« Il ne serait pas faux de parler de cantons, » déclare Uzi Dayan. Ce dernier croit que toutes ces préoccupations concernant l'allongement du mur sont, en fait, des moyens de retarder sa construction car Sharon et Mofaz n'en veulent pas. Peut-être y a-t-il une raison à cela Š Les dirigeants de l'armée disent que construire la nouvelle partie du mur, d'Elkana à Ramallah, prendrait une année et demie voire deux, puisqu'elle est plus complexe que la première section, laquelle fut construite en une année. La construction du mur dans en Judée ne commencera qu'ensuite. « Le mur aurait pu être terminé il y a longtemps, » estime Dayan. « Sharon et Mofaz n'y travaillent pas. C'est tout. Tout le reste est sans importance. Ils font en sorte de ne pas y travailler. Je doute qu'il y ait un plan de base. Si c'était le cas, le mur serait terminé. »
Peut-être est-ce vrai mais peut-être est-ce bien loin de la vérité ! Sharon est reconnu pour être un homme de faits accomplis sur le terrain. Si l'on en croit les estimations des Palestiniens, près de 400 000 Palestiniens (environ 20% des habitants de la Cisjordanie), en incluant les habitants voisins et de ceux des villages près de Jérusalem, seraient du côté « israélien » du mur. Les 80% du côté palestinien du mur auront aussi beaucoup de mal à se déplacer d'un endroit à un autre sans permission israélienne.

La feuille de route parle d'un état palestinien avec des frontières viables pour l'année 2005. Il est difficile d'imaginer comment il serait possible de vivre à l'intérieur de telles frontières. Et peut-être est-ce précisément l'objectif de Sharon. Tout comme il a engagé les colonies à délimiter les futures frontières d'Israël, il délimite à présent ces dernières grâce au mur. Et ce dernier sera très difficile à bouger.« Vous ne nous laissez aucune place pour grandir, ni pour vivre, » déclare Jamal Juma. La seule chose qui reste aux Palestiniens, c'est de vivre dans d'énormes enclos et de travailler dans des zones industrielles qui seront construites, sans aucun doute, dans les colonies, près des portes de ces enclos.
«Vous souhaitez que l'on vive comme des esclaves. Cela ne marchera pas. Si vous aviez construit le mur en suivant la Ligne Verte, il n'y aurait eu aucun problème. Comme ceci, vous serez peut-être tranquilles pour quatre ou cinq années mais vous ne créerez que de la haine. Au lieu de 20% de Hamas, vous en aurez 60 !

Traduit de l'anglais par Karine Abadie

- Retour - Haut page - Sommaire - Accueil