Amnesty International : Une fausse balise ?
Deux poids, deux mesures, et silences curieux.
Par Paul de Rooij
Paul de Rooij, écrivain, vit à Londres. Ses articles sont publiés régulièrement
sur Counterpunch et Znet ( www.zmag.org/weluser.htm ). Il peut être
contacté à son adresse e-mail : proox@hotmail.com)
Traduction : Marcel Charbonnier
A la lumière de l'escalade dans les destructions israéliennes à Gaza et
des bombardements américains quotidiens à Falluja, il est intéressant
d'examiner les communiqués d'Amnesty International [AI] au sujet de ces
deux situations. AI est quasi unanimement considérée comme faisant
autorité en matière de questions relatives aux droits de l'homme. Il est
donc intéressant d'analyser ses commentaires au sujet des événements récents.
Un examen attentif des archives d'AI montre que ses réactions usuelles
aux agissements obscènes quotidien des armées tant israélienne qu'américaine
ne dépassent pas quelques ruminations quasi inaudibles, avec, de temps en
temps, une molle protestation. L'indigence de ces réponses soulève
beaucoup de questions.
Une occupation respectueuse des droits de l'homme ?
Prenons le titre d'un de ses récents communiqués de presse : "L'armée
israélienne doit respecter les droits de l'homme durant ses
interventions" [1]. Ainsi, pour AI, les exactions israéliennes dans
un territoire occupé sont acceptables, aussi longtemps qu'elles «
respectent » les droits de l'homme. Autant exiger d'un violeur qu'il
pratique le «safe sex» [2].
On imagine difficilement, par ailleurs, qu'une occupation militaire soit
quelque moment susceptible d'être imposée en respectant "les droits
de l'homme".
Voyons le contexte. Au cours du mois de septembre 2004, l'armée israélienne
a tué, en moyenne, 3,7 Palestiniens par jour ; elle en a blessé en
moyenne 19,3 par jour ; elle a démoli beaucoup de maisons, affectant
l'existence de milliers de personnes ; elle a transformé de vastes zones
de la bande de Gaza en un paysage lunaire totalement désertique. Il est
clair, également, que ces statistiques macabres seront pires, pour
octobre.
Le ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz déclare ouvertement que
les Palestiniens doivent être punis, et que les mesures adoptées visent
à leur punition collective. C'est l'ensemble de la population
palestinienne qui est prise en otage ; la pression (militaire) est exercée
sur les Palestiniens, considérés globalement. L'épuration ethnique est
en cours, et la construction du grotesque mur est la preuve patente du
caractère criminel de cette politique.
Etant donné les dévastations infligées par l'armée israélienne et les
violations évidentes du droit international, on attendait au minimum une
timide condamnation. Toutefois, voilà à quoi s'est limitée la réaction
d'AI :
«AI s'alarme du risque que le recours excessif, par Israël, à la force,
durant sa dernière incursion dans la bande de Gaza en date, causera de
nouvelles pertes de vies humaines et la destruction de maisons et de biens
palestiniens.
Toutes représailles à l'encontre de personnes protégées ainsi que de
biens sont interdites par la Quatrième Convention de Genève : Israël
doit s'assurer que toutes les mesures qu'il prend afin de protéger la vie
des civils israéliens sont compatibles avec l'obligation qui est la
sienne de respecter les droits de l'homme et le droit humanitaire
international.
Israël doit permettre immédiatement aux organisations de défense des
droits de l'homme et aux organisations humanitaires de pénétrer dans la
bande de Gaza. Actuellement, les délégués d'AI et les personnels
d'autres organisations internationales se voient refuser l'accès à la
Bande de Gaza.»
Notez que cette déclaration insipide a été publiée en réaction à
l'attaque du camp de Jabalya, un assaut que le Dr. Mustafa Barghouti décrit
ainsi : « Les tanks de Sharon sont en train de semer la dévastation
partout dans Jabalia et Beit Lahia, exactement comme ils l'ont fait à
Khan Yunis, Rafah et Beit Hanun. La réalité est toute simple : Sharon
est en train de répéter, à Gaza, ce qu'il a fait en Cisjordanie, en
2002 » [3].L'hypocrisie d'AI, lorsqu'elle publie ce banal communiqué,
ressort, par contraste, lorsqu'on la compare à son communiqué de presse
analysé ci-après :
Deux poids, deux mesures
En mai 2004, AI a publié un communiqué de presse sous le titre : « AI
condamne l'assassinat d'une femme et de ses quatre filles par des tireurs
palestiniens ». Le corps du texte comporte les condamnations suivantes :
« De telles attaques délibérées contre des civils, fréquentes, systématiques,
et correspondant à la mise en application d'une politique déclarée
consistant à s'en prendre à la population civile, constituent des crimes
contre l'humanité, tels que définis par les Articles 7(1) et 2(a) du
Statut (Rome, 1998) du Criminel International » [4].
Ainsi, quand des Palestiniens tuent quelques civils, cela constitue un «
crime contre l'humanité » - c'est-à-dire un des crimes les plus graves
du point de vue du droit international, juste au-dessous du génocide.
Mais quand Israël tue un bien plus grand nombre de civils (palestiniens)
« en application d'une politique déclarée » (pour reprendre les termes
utilisés par AI à l'encontre des Palestiniens) afin de « faire payer le
prix » (pour reprendre ceux du ministre israélien de la Défense Shaul
Mofaz [5]), tout ce dont AI est capable de faire, c'est se tordre les
mains et de « s'alarmer du recours excessif à la force par l'armée israélienne
». Ainsi, nous le constatons : AI n'hésite pas à utiliser contre les
Palestiniens des termes tels « crime contre l'humanité », qu'elle n'a
jamais clairement employés à l'encontre d'Israël.
Il convient de noter que la femme israélienne tuée par des Palestiniens,
dans l'épisode ci-dessus, était une femme colon. Ainsi, AI la qualifie
abusivement de « civile » : les colons sont armés, et ils se considèrent,
quand ils en ont l'envie, comme les troupes de choc d'un sionisme
expansionniste dont le but proclamé et de procéder au nettoyage ethnique
des Palestinien de l'ensemble des territoires situés à l'ouest du
Jourdain (tout du moins, dans un premier temps).
Au sujet de l'attaque palestinienne, AI déclare, également (qu'il s'agit
d'attaques » « délibérées contre des civils, fréquentes, systématiques,
et correspondant à la mise en application d'une politique déclarée
consistant à s'en prendre à la population civile. » Eh béh ! Non
seulement une telle description accolée à sa condamnation d'une attaque
palestinienne est étonnante, mais, au même moment, AI ne veut pas
qualifier une quelconque action (militaire) israélienne de « délibérée,
fréquente, systématique, et correspondant à la mise en application
d'une politique déclarée consistant à s'en prendre à la population
civile ». AI présente une violence palestinienne pire que la violence
israélienne, faisant clairement preuve de « double standard » (« deux
poids - deux mesures »).
Et la violence des colons ? Silence radio !
Le 27 septembre, un colon de l'implantation d'Itamar a tué de sang-froid
un Palestinien : les autorités israéliennes sont allées jusqu'à tout
faire afin de lui éviter l'assignation à domicile ; au maximum - et ce
n'est même pas sûr - il sera accusé d'homicide [6]. Si AI s'est fendue
d'un communiqué de presse au sujet de la femme colon et de ses filles,
qui ont été assassinées, elle s'en est abstenu, au sujet de cet
incident. Ce qui rend cette négligence à tout le moins curieuse, c'est
le fait qu'à peu près à la même période, elle a publié un communiqué
au sujet de l'enlèvement d'un preneur de vues de la chaîne télévisée
CNN - celui-ci avait finalement été relâché, sain et sauf. [7]
L'étude des archives d'AI révèle son manque de sens de la
proportionnalité, dans le choix qu'elle opère entre les événements
qu'elle décide de commenter.
Il semble qu'AI considèrent que les colonies sont de simples faubourgs
mal situés, et que ses habitants ne sont que quelques banlieusards
occidentaux. Dans certaines colonies, c'est peut-être le cas, mais
plusieurs de ces colonies illégales abritent des fanatiques sionistes
racistes. Jeff Halper, président du Comité israélien (de lutte) contre
les démolitions de maisons [Israel Committee Against House Demolitions :
ICAHD], relève qu'il existe aujourd'hui une deuxième génération de
colons : il s'agit des colons nés dans les colonies. Il les appelle «
colons orange mécanique », lesquels sont encore plus extrémistes,
racistes et violents que leurs prédécesseurs [8]. Les colons orange mécanique
harcèlent souvent violemment les Palestiniens, ils démolissent des
maisons et sont prêt, occasionnellement, à tuer, en toute impunité. Ce
contexte soulève beaucoup de question au sujet des appels à exonérer
les colons de toutes représailles palestiniennes, lancés par Amnesty
Inernational.
Depuis le début de la seconde Intifada, AI n'a pas publié une seule déclaration
au sujet de la violence des colons.
Qu'est devenu ce crime suprême ?
AI n'est pas une association pacifiste, et sa position crée d'incessantes
contradictions. Durant la phase de préparation de la guerre américaine
en Irak, l'association humanitaire a publié des déclarations au sujet
des moyens que les Etats-Unis allaient employer pour cette guerre. Mais,
curieusement, AI n'a pas condamné la guerre elle-même ! C'est particulièrement
étrange, étant donné qu'il s'agissait d'une guerre d'agression, qui était
par conséquent constitutive d'un crime international suprême. Voir
ci-après les commentaires du Professeur Michael Mandel (professeur de
droit à l'Université York de Toronto - Canada) :
Quand l'attaque fut déclenchée, Human Rights Watch [Observatoire des
Droits de l'Homme] et Amnesty International ont publié des avertissements
solennels, adressés à tous les « belligérants », afin de leur
rappeler leurs devoir et leurs obligations en vertu, et des us et coutumes
de la guerre. Mais ils n'ont pas dit un seul mot quant à l'illégalité
de la guerre en elle-même, ni quant à la responsabilité criminelle supérieure
des pays qui l'avaient commencée. [9]
Voyons maintenant les communiqués de presse publiés par AI durant cette
période :
Amnesty, là encore, a demandé si toutes les précautions requises
avaient été prises afin de protéger les civils, et elle a exigé des
enquêtes au sujet de morts de civils, notamment au checkpoint de Kerbala,
ainsi qu'au cours de tirs dans une foule de manifestants pacifiques à
Falluja.
Mais, pas une seule fois, AI n'a mentionné la raison fondamentale pour
laquelle aucun de ces incidents n'avaient fait l'objet d'une véritable
enquête - à savoir que la responsabilité de toutes morts et de toutes
ces destructions incombait aux envahisseurs, quelles qu'aient été les précautions
qu'ils avaient prétendu prendre, puisqu'elles découlaient d'une guerre
d'agression illégale.
Chaque mort était un crime, dont les dirigeants des pays de la coalition
d'invasion doivent être tenus personnellement et pénalement
responsables. [10]
Et là, encore une fois, les rodomontades d'AI reviennent à recommander
« au violeur de mettre une capote ». Aucune mention du crime ! Même si
AI fait souvent référence au droit international quand il publie ses déclarations,
les crimes suprêmes ne sont pas même mentionnés, dès lors qu'il s'agit
des exactions des Etats-Unis.
Un autre cas de deux poids - deux mesures ?
Examinons maintenant la déclaration publiée par AI au sujet de la
situation au Darfour [Soudan] :
«Le Conseil de sécurité des Nations unies doit mettre un terme au
transfert d'armes utilisées afin de commettre des violations massives des
droits de l'homme au Darfour, a stipulé aujourd'hui AI, qui a publié un
rapport étayé d'images prises par satellites, montrant des destructions
à grande échelle de villages, dans la région du Darfour, au cours de
l'année écoulée» [11]
La situation est sans doute horrible, au Darfour, et la mesure suggérée
est sans nul doute justifiée. Toutefois, l'aspect bizarre de cette déclaration,
c'est qu'AI n'a jamais exhorté l'Onu, ni aucune autre institution,
d'ailleurs, à imposer un embargo sur les armes destinées à Israël,
bien qu'une telle recommandation soit plus qu'amplement fondée.
Une universitaire américaine a enquêté sur ce deux poids - deux
mesures, et elle a reçu de la part de Donatella Rovera, chercheuse en
chef d'AI sur le conflit israélo-palestinien la réponse suivante :
"La situation au Soudan est tout à fait différente de celle qui prévaut
entre Israël et les Territoires occupés, et ce sont différentes normes
du droit internationales qui s'appliquent, ce qui rend impossible tout
appel à imposer un embargo sur les armes destinées tant à la partie
israélienne qu'à la partie palestinienne.
La Cisjordanie et la bande de Gaza sont sous occupation militaire israélienne
(ce n'est pas le cas du Darfour, lequel n'est pas occupé par le Soudan).
Par conséquent, certains attendus du droit humanitaire international,
connus sous la dénomination de droit de la guerre (notamment, la
Convention de La Haye, signée en 1907, et la Quatrième Convention de Genève)
s'appliquent dans le cas des Territoires palestiniens occupés (et non
dans la région du Darfour)".
[réponse reçue par e-mail, le 5 juillet 2004].
On le voit : AI tente de formuler son deux poids - deux mesures dans un
langage juridique laborieux. Mais voyons ce que le Professeur Francis
Boyle (Professeur de droit international à l'Université Champaign,
Illinois) pense de la réponse de Rovera :
"C'est du baragouin. Quand j'appartenais au Bureau des Directeurs d'Amnesty
International USA, vers la fin de mon deuxième mandat, en 1990-92, nous
avons été investis de l'autorité nécessaire pour appeler à un embargo
sur les armements destinés aux principaux violateurs des droits de
l'homme, titre auquel Israël pouvait clairement prétendre à l'époque -
et c'est toujours le cas aujourd'hui - même sous l'empire du droit
interne des Etats-Unis.
Bien sûr, à AI, personne n'allait le faire, puisque les principaux
financeurs de la section américaine d'Amnesty International étaient
majoritairement pro-israéliens, et que cette section américaine était
à son tour le principal financeur d'Amnesty International à Londres [siège
international de cette association, ndt]. C'est celui qui paie le
violoneux qui dit quelle sera la prochaine danse - c'est tout particulièrement
vrai aux sièges d'AIUSA, à New York et de AI, à Londres.
Quid des prisonniers ?
AI se préoccupe quasi exclusivement de « prisonniers de conscience »,
de conditions carcérales et de tortures. Aussi est-il intéressant de
chercher à savoir si ces problèmes sont pris en considération, dans le
cas des prisonniers palestiniens et du scandale des tortures de la prison
d'Abu Ghraïb, près de Bagdad (12]. Le tableau ci-après donne quelques
indications sur le profil des prisonniers palestiniens :
Nombre total de prisonniers palestiniens (au 08.07.2004) : 5 892
Enfants de moins de 18 ans : 351
Femmes : 52
Plus de cinquante ans : 42
Violations d'accords [1] : 433
Pourcentage prisonniers jugés : 25 %
Détentions administratives [2] : 786
[Notes : [1] Tous les prisonniers arrêtés avant la signature des accords
d'Oslo auraient dû être libérés. [2] La détention administrative est
considérée illégale par le droit international. Les arrêtés de mise
en détention administrative peuvent avoir des durées allant jusqu'à six
mois, les Palestiniens étant maintenus en détention sans jugement durant
cette période. Israël renouvelle couramment les ordres de détention
administrative, retenant ainsi prisonniers des Palestiniens contre
lesquels ne pèse aucune charge et qui n'ont jamais été condamnés.
Durant ce type de détention, les prisonniers se voient souvent dénié
l'assistance d'un avocat.
Source: http://www.nad-plo.org/faq1.php
Le cas (particulier ?) palestinien
Techniquement, AI ne publie pas de listes de prisonniers de conscience [PDC],
et il faut farfouiller dans ses archives publiques pour savoir s'il existe
des PDC palestiniens. Durant la seconde Intifada, ses archives indiquent
l'existence de deux ODC et de deux «PDC» "potentiels", et
aucune autre information n'est disponible en ce qui concerne les
prisonniers palestiniens. Il y a pourtant beaucoup de «détenus
administratifs» palestiniens - emprisonnés sans condamnation, sans procès,
et pour des durées indéfinies, et pourtant AI ne juge pas approprié de
leur accorder ce label magique de prisonnier de conscience.
Le contraste avec les PDC cubains est frappant : dans leur cas, même des
gens stipendiés par l'ambassade américaine (à La Havane) afin de mener
des actions subversives se sont vu accorder ce statut de PDC, et une
simple recherche dans le site ouèbe d'AI-USA ou certains des sites ouèbes
des organisations de droite cubano-américaines en font apparaître 88
[13].
Ceci implique qu'une importante proportion des prisonniers
"politiques" à Cuba sont des PDC [14]. Tandis que la liste des
PDC palestiniens n'est pas rendue publique, lorsqu'il s'agit de Cuba :
tout change ! [15].
Dans le cas de Cuba, AI publie des communiqués impérieux, et elle
appelle à l'élargissement de tous les prisonniers. Ces déclarations
peuvent être justifiées, étant donné qu'il y a 88 PDC cubains.
Toutefois, AI n'a jamais émis de déclaration similaire au sujet des
prisonniers politiques palestiniens, retenus en bien plus grand nombre en
captivité par Israël. Sans doute, les « quatre » PDC palestiniens -
seulement - ne justifient-ils pas un tel effort ?
Les conditions faites aux prisonniers palestiniens en Israël et dans les
territoires occupés sont horrifiantes, et les prisonniers sont communément
torturés. Il y a quelques semaines, des prisonniers politiques
palestiniens ont fait une grève de la faim pour protester contre leurs
conditions de détention. Les autorités carcérales israéliennes ont eu
recours à des tactiques inadmissibles pour tenter de briser cette grève
de la fin.
Des gardiens de prison sont allés jusqu'à faire des brochettes dans la
cour des prisons afin de briser le moral des grévistes affamés, ils ont
confisqué le sel, qu'ils absorbaient dans de l'eau afin de lutter contre
la déshydratation, etc. [16] Lorsqu'on sait l'intérêt que porte AI aux
conditions des prisonniers, à la torture, aux refus de traitements médicaux,
on s'étonne de l'absence totale de communiqué de sa part au sujet de la
grève de la faim des prisonniers palestiniens.
Notre requête en ce sens a révélé une absence de volonté similaire de
lever la langue sur la question. Une comparaison avec les prisonniers de
conscience cubains serait très instructive, mais cet article n'y
suffirait pas.
Le cas (particulier ?) irakien
Il n'est pas douteux que les forces américaines en Irak recourent systématiquement
à la torture - contrairement à des rapports initiaux américains visant
à minimiser les dommages, il ne s'agissait pas de « quelques pommes gâtées
», et les preuves des formes les plus perverses de torture - ainsi que
des indications que la responsabilité en remonte aux plus hauts niveaux
de la chaîne de commandement - sont accablantes.
De plus, il est clair, aussi, que beaucoup de prisonniers ont été tués
au cours de leur détention - plusieurs de ces morts ont été
manifestement causées par des tortures. Qu'en dit Amnesty International ?
Elle a écrit une missive à "Son Excellence, M. John D. Negroponte",
afin de lui demander dans quel cadre légal les prisonniers seraient traités.
Déjà, il est étrange de voir AI déférer devant Negroponte d'une manière
aussi abjecte. Negroponte a un passé sinistre, et il est bizarre
d'entendre qu'on s'adresse à un personnage de cet acabit en disant
"Son Excellence".
La missive demande ensuite une clarification du cadre légal s'appliquant
aux prisonniers - alors même qu'il y a des révélations sur des tortures
:
« Rappelant l'existence de rapports de torture d'Irakiens, du fait non
seulement des puissances occupantes, mais aussi de la police irakienne, AI
souhaite être informée des garde-fous juridiques et pratiques qui
s'appliqueront aux arrestations, détentions et internements, de quels
droits d'accès à ces prisonniers les organisations internationales et
irakiennes disposeront-elles ; les prisons et les centres de détention
seront-ils placés sous le contrôle du gouvernement irakien, ou sous un
autre contrôle ?
La communauté internationale doit savoir quelles mesures sont
actuellement en vigueur de façon à ce que l'interdiction absolue de la
torture et des traitements inhumains ou dégradants, ainsi que des
punitions collectives soit strictement observée par les forces armées
irakienne, états-unienne et autres.
A cet égard, nous apprécierions de connaître votre point de vue au
sujet de notre recommandation demandant que l'Onu dispose d'un mandat de
surveillance spécifique sur tous les lieux de détention de prisonniers,
en Irak. [17]
Curieux de voir AI contrainte à enquêter au sujet des droits des
prisonniers en Irak en faisant appel à un représentant officiel du pays
qui a lancé contre l'Irak une guerre illégale d'agression. Le ton obséquieux
de la lettre est abject : il signifie aussi qu'AI n'a aucun désir de
s'opposer aux très graves crimes des Etats-Unis d'une manière massive et
contraignante.
Si, par le passé, les rapports d'AI ont pu causer des trépidations chez
certains dictateurs, aujourd'hui, ses déclarations sont à peine remarquées
par les violateurs des droits de l'homme. C'est pour ce type de service préférentiel
qu'Amnesty International a reçu le Prix Nobel de la Paix.
Tous les autres communiqués de presse d'AI sont de nature similaire.
Ainsi :
AI appelle le MNF ( ?) à prendre toutes les précautions nécessaires
afin de protéger les civils et de respecter les principes de nécessité
et de proportionnalité, et à prendre des mesures afin de s'assurer
qu'elles respectent scrupuleusement les obligations qui sont les leurs
sous l'empire du droit international [18].
Cela nous rappelle quelque chose, car AI utilise là encore le couplet
dont elle a usé dans ses communiqués et rapports sur les « abus» israéliens.
Un droit à l' « autodéfense » ?
Reprenant mot pour mot le gouvernement américain, AI publie rituellement
des communiqués indiquant qu' «Israël a le droit de se défendre». AI
accepte les interventions armées (israéliennes) dans les territoires
occupés, permettant à Israël de s'assurer de son « droit à l'autodéfense
».
La seule différence entre les positions d'AI et celle des Etats-Unis
tient à ce qu'AI exhorte l'intervention militaire à « respecter les
droits de l'homme », ou à ne «pas être excessive». [19]
Tant les Etats-Unis qu'AI admettent qu'Israël a le droit de construire
son Mur d'Apartheid : AI ne diffère des Américains qu'en ce qu'elle
insiste sur le tracé du mur : Israël doit le construire en suivant la
Ligne Verte ! [20]
Le Professeur Mandel a une appréciation intéressante de ce soi-disant
droit à l'autodéfense :
« Un agresseur n'a aucun droit à l'autodéfense. Si vous entrez par
effraction dans une maison, que vous tenez les gens qui y habitent à bout
de fusil et qu'ils tentent de vous tuer, mais que vous les tuiez avant
qu'ils ne l'aient fait, ils ne sont coupables de rien du tout, et vous,
vous êtes coupable de meurtre. » [21]
Dans la région, c'est Israël qui est l'agresseur, et ses actions visent
à maintenir son emprise sur des territoires qu'il a conquis par la force.
L'épuration ethnique se poursuit sans discontinuer depuis 1948, jusqu'à
ce jour. Il est totalement irrationnel de suggérer qu'Israël aurait un
quelconque droit à réprimer les gens qu'il s'ingénie à déposséder.
Aujourd'hui, Israël tente de réprimer les Palestiniens qui se trouvent
avoir conservé les clés des maisons d'où ils furent chassés en 1948 :
on le voit, l'analogie du Pr. Mendel est totalement pertinente.
Les déclarations d'AI au sujet de la violence mesurée, afin d'obtenir la
« sécurité », est choquante, dans le contexte historique d'épuration
ethnique. La politique israélienne consiste, depuis l'origine, à voler
les terre et à déposséder la population (indigène palestinienne). Le
contexte historique étant ce qu'il est, il est scandaleux de suggérer
qu'Israël aurait un droit à « se défendre », étant donné que son
comportement a toujours consisté en une agression ininterrompue.
La position d'AI est rongée par les contradictions. D'un côté, elle
veut défendre les « droits de l'homme », mais de l'autre, elle «
comprend » la guerre et le recours aux armes, et elle accepte le droit à
l' « autodéfense » d'un pays agresseur.
AI tente, aussi, d'établir le signe égale (==) entre la violence de
l'oppresseur et celle de ceux qui lui résistent ; elle s'ingénie à
discréditer ceux-ci (les Palestiniens), alors qu'elle s'efforce (en
paroles verbales) de « modérer » le premier (Israël), afin qu'il «
respecte (bien, surtout,) » les droits de l'homme. Se dispensant de
s'attaquer à l'injustice sous-jacente (au conflit), la position d'AI est
tout simplement absurde.
Les conséquences de la position adoptée par AI sont que cette
institution ne promet absolument pas une solution qui comporte un minimum
de justice ; elle semble admettre le statu quo, mais accompagné de «
droits de l'homme » - on se demande, d'ailleurs, ce que signifie ce lexème
dans le dictionnaire distordu qui est le sien...
Alors : AI est-elle un leurre ?
Toutes les personnes soucieuses de justice et solidaires avec la cause
palestinienne, toutes celles qui cherchent à mettre un terme à la guerre
obscène en Irak, seront flouées et déçues par la position adoptée par
Amnesty International.
Utiliser les petits passages de ses communiqués et rapports qui semblent
d'une quelconque utilité ne sert à rien ; le problème étant que sa
position générale sur des problèmes fondamentaux est - dans le meilleur
des cas - contradictoire.
Beaucoup des volontaires bien intentionnés et idéalistes qui travaillent
dans le cadre des campagnes d'Amnesty International perdent sans doute
leur temps et gaspillent sans doute leurs efforts, étant donné que la
structure de cette organisation adopte une position biaisée sur la
plupart des problèmes (mondiaux). Faire des dons financiers à Amnesty
International n'aboutit à aucune traduction concrète sous forme d'une
action effective dans ces causes.
Etant donné les états de sévices (pardon : de service) en la matière,
les Palestiniens ne doivent absolument pas s'attendre de sa part à une
couverture ou une représentation honnête (de leurs souffrances).
Amnesty International condamnera-t-elle un jour clairement et catégoriquement
Israël pour ses tueries, le chaos et les destructions qu'il a causés à
Jabaliya ou à Beit Hanoun ?
N'y comptez surtout pas !
Chaque assaut israélien contre un camp de réfugiés palestiniens, chaque
bombardement d'une ville en Irak, chaque assassinat de nouveaux
Palestiniens ou Irakiens ne fait que démasquer la position intenable d'Amnesty
International. Aujourd'hui, la quasi totalité des déclarations d'Amnesty
International sont à ranger dans les catégories de l'inflation
moralisante et de la fraude morale.
Source : Liste Assawra
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