AFPS Nord Pas-de-Calais CSPP |
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Halte
aux agissements antijuifs ! Je veux parler évidemment de ces
organisations et de ces personnalités qui considèrent que toute critique
de la politique israélienne ou du sionisme participe de l'antisémitisme
et qui n'admettent pas qu'un Juif puisse être critique envers la
politique israélienne ou, pis, être antisioniste. Une façon d'enfermer
les Juifs dans une idéologie qui les conduit à une impasse, transformant
le peuple paria d'hier en un peuple guerrier et conquérant, au risque
d'augmenter une judéophobie qui s'adresse aujourd'hui moins au peuple
paria d'hier qu'aux sionistes d'aujourd'hui. Judéophobes, sionistes et
prosionistes se retrouvent ainsi dans cette équation insupportable :
"juif = israélien = sioniste". Si l'on considère que le
racisme relève moins de la notion biologique de race (que celle-ci soit
pertinente ou non importe peu ici) que d'un essentialisme qui conduit à
voir dans certains "autres" une essence (biologique ou autre) à
laquelle ils ne peuvent échapper, on voit combien se retrouvent les
antijuifs des deux bords, les judéophobes et les judéophiles, sans
parler des Juifs qui se complaisent dans une idéologie qui leur permet,
au nom de la situation de paria de leurs aïeux, de ne pas voir une réalité
qui leur déplait : la guerre fondatrice de l'Etat d'Israël, loin d'être
la guerre d'indépendance du peuple juif, ne fut que la guerre de conquête
d'un territoire conduisant à l'expulsion de la majorité des habitants de
ce territoire. Ce refus de voir la réalité, cet "irréalisme
sioniste" comme le nommait Edward Saïd, permet de ne pas
comprendre le conflit entre Israël et les Palestiniens, ce qui permet de
réduire le refus palestinien, et plus généralement le refus arabe, de
la conquête à une forme d'antisémitisme. On
peut alors considérer comme relevant d'un autisme juif le fait que
certaines organisations ou certaines personnalités juives interviennent
pour s'opposer à toute forme d'expression publique d'une critique à
l'encontre de la politique israélienne ou du sionisme. Ainsi ces
multiples procès, dont le dernier à propos d'un article publié dans le
journal Le Monde et signé par Edgar Morin, Sami Naïr et Danièle
Sallenave, article qui leur apparaît d'autant plus intolérable qu'Edgar
Morin est juif. Il
y a quelques mois, Claude Lanzmann fustigeait dans le journal Le Monde
le voyage d'écrivains en Israël et en Palestine pour avoir décrit la réalité
de l'occupation, mais il s'en prenait en particulier au poète
Breytenbrach, lequel était d'autant plus coupable qu'il est juif. Dans
une interview au Figaro à propos de Tariq Ramadan, Alexandre Adler
expliquait que l'attitude de Ramadan lui paraissait moins grave que celle
de certains Juifs qu'il qualifiait de "traîtres" pour oser
critiquer le sionisme. Je ne crois pas que cette accusation infamante ait
soulevé un tollé médiatique tel que celui qui a suivi les déclarations
de Ramadan s'attaquant à certains intellectuels juifs, et non aux
intellectuels juifs comme certains ont voulu le faire accroire. Quel que
soit le jugement que l'on peut porter sur Ramadan, on ne peut considérer
son article comme antisémite sous prétexte qu'il dénonçait certains
thuriféraires de la cause sioniste sans pour autant mettre en cause tous
les intellectuels juifs en tant que juifs. Faudrait-il considérer toute
critique à l'encontre d'Alain Finkielkraut ou d'Alexandre Adler comme une
forme d'antisémitisme ? Ce serait pourtant une forme d'antisémitisme que
d'exiger que certains, sous prétexte qu'ils sont juifs, soient protégés
de la critique. Mais
il y a plus grave que l'autisme juif, c'est le soutien apporté à cet
autisme sous prétexte que les Juifs étaient encore, il y a peu, des
parias. On peut le voir à travers une certaine judéophilie qui n'est
qu'une forme plus sournoise d'antisémitisme. Et parmi ces antijuifs judéophiles
on pourrait citer ceux qui propagent l'idée que l'antisionisme n'est
qu'une forme d'antisémitisme. Ainsi Taguieff qui ose écrire ce mauvais
pamphlet qui s'appelle La nouvelle judéophobie, exemple
remarquable d'une pensée stalinienne qui construit toute son argumentation
sur la pratique de l'amalgame ; ainsi se trouve rassemblés pêle-mêle les
islamistes et leurs alliés trotskystes, marxistes
compatissants ou chrétiens sentimentaux. Il est vrai qu'il
suffit d'oublier le point essentiel du conflit, l'existence des
Palestiniens, pour soutenir n'importe quel délire et il suffit de citer
quelques discours du FIS algérien pour expliquer ce que pensent les
trotskystes. Mais il semble qu'en France un
pas a été franchi lorsque l'on voit certains ministres venir au secours
des organisations juives et de leurs amis judéophiles. On
pourrait citer le procès intenté à Willem, maire d'une petite ville de
la banlieue lilloise, lequel avait décidé de boycotter les jus de fruits
israéliens dans les cantines scolaires dont il avait la responsabilité
et fut pour cette raison poursuivi par l'Association Cultuelle Israélite
de Lille (!!!). Lors du procès, le Procureur de Lille avait déclaré
qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre et Willem avait été relaxé. Cela
ne devait pas satisfaire nos gouvernants et le parquet de Douai
interjectait appel sur injonction du Garde des Sceaux, ministre de la
Justice. Ainsi un ministre s'autorisait à attaquer le Parquet de Lille
pour complaire à quelques organisations juives. En appel, l'Avocat Général
de Douai, qui semblait ne pas se sentir à son aise dans ce procès,
demandait une amende de 2000 euros, laissant au Tribunal le soin de
qualifier le délit. Le Tribunal coupait la poire en deux en condamnant
Willem à 1000 euros d'amende. On
pourrait aussi citer l'intervention du ministre de la Culture qui
demandait la suppression d'une des séances du film "Route 181"
de Eyal Sivan et Michel Khleifi, sous prétexte que ce film pourrait
provoquer des incidents. Il est vrai que ce film, réalisé par un cinéaste
israélien et un cinéaste palestinien, est inacceptable pour les
sionistes et leurs amis ; par avance ils décident que ce film peut
provoquer à la haine raciale. Mais plus grave que l'attitude des
organisations juives et leurs amis judéophiles, c'est l'attitude du
ministre de la Culture qui pose problème ; en quoi le ministre doit-il
donner raison aux fanatiques de l'interdiction ? en quoi un ministre de la
Culture doit-il limiter l'expression culturelle pour plaire à quelques
fanatiques. Il
faut alors chercher une raison plus profonde à cette judéophilie : l'Europe
n'a pas réglé ses rapports avec les Juifs et la judéophilie n'est
qu'une façon de se dédouaner d'une histoire douloureuse (1) La
culpabilité européenne conduit certains à soutenir le sionisme pour réparer
les crimes de leurs pères, et par conséquent à ne pas voir l'injustice
commise à l'encontre des Palestiniens. Ainsi le philosophe Habermas peut
déclarer dans une interview au journal Le Monde :
Quel Européen
pourrait, après la Shoah, contester à Israël son droit à l'existence
? (2) Comme
si la question de l'Etat d'Israël était une question entre l'Europe et
les Juifs, comme si les Palestiniens n'étaient pas concernés par la
conquête et l'occupation de leur pays. La
solution paraissait pourtant bonne qui semblait résoudre ce que l'on a
appelé la question juive et qui de surcroît permettait l'établissement
d'un "bastion avancé de la civilisation contre la barbarie"
comme le proclamèrent certains responsables sionistes. Après le génocide
et les six millions de morts, l'Europe acceptait que les Juifs deviennent
de vrais Européens, d'autant qu'ils allaient devenir de bons petits
soldats blancs face à un monde arabe considéré comme encore barbare.
Seul obstacle à cette solution, les Palestiniens, ce que l'Europe refuse
encore de comprendre, même si certains discours marquent une certaine
compassion envers les Palestiniens, comme si cette compassion suffisait à
résoudre le conflit. Rudolf
Bkouche (1)Parmi les diverses formes de cette
judéophilie nous rappellerons la mode des déclarations de
repentance, qu'elles viennent de l'Eglise ou de chefs d'Etats. |
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